Le Cycle de la violence conjugale

Redaction

Suite aux débats suscités par l’article de Salim Rekik (Silence on frappe les femmes), j’ai cru bon de partager avec vous des connaissances que j’ai acquises durant les quatre ans pendant lesquels j’ai travaillé comme intervenante sociale en maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale.

La violence conjugale est vécue dans une relation de couple, et peut être vécue à n’importe quel âge. Elle est un moyen de dominer l’autre afin de pouvoir exercer son pouvoir sur elle. La violence se retrouve dans toutes les couches de la société, indépendamment de l’âge, de l’origine ethnique, de la scolarité et du niveau socio-économique. Elle se traduit par des agressions physiques, verbales, psychologiques, sexuelles et économiques.

La violence conjugale est la manifestation de rapports de force historiquement inégaux entre les hommes et les femmes (Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes, Assemblée générale des Nations-Unies, 1993).
Dans tous les pays du monde, la violence conjugale puise ses racines dans l’histoire ancienne de la société.

Notre société continue à véhiculer des valeurs qui favorisent et parfois même encouragent la perpétuité de la violence en favorisant le sexisme. On continue à apprendre aux petits garçons à être forts, à s’accorder des privilèges, et à ne tolérer aucune frustration. Pendant ce temps, on apprend à nos petites filles à penser au bien être des autres, à se sentir responsable du bonheur d’autrui, et à toujours donner sans rien demander en retour.
La violence conjugale naît du besoin de contrôler une personne que l’on refuse de voir comme son égale. L’agresseur va souvent trouver un prétexte pour violenter sa victime. Il va invoquer l’alcool, la drogue, le stress, la jalousie, ou la négligence de la femme par rapport à son foyer pour justifier sa violence. Ces quelques éléments que j’ai cité parmi une centaine d’autres, peuvent être un élément déclencheur de la violence mais n’en sont jamais la cause. L’homme violent va recommencer car la violence est rentable pour lui. À chaque fois, qu’il l’utilise, il regagne son contrôle.
Les conséquences sur la victime peuvent être physiques, morales et traumatisantes. S’il y a des enfants, en plus des risques de blessures physiques, ces derniers peuvent démontrer des problèmes de comportement assez sévères. Ils risquent la délinquance, le décrochage scolaire en plus de reproduire le modèle de l’agresseur ou de la victime à l’âge adulte.
Imaginez les conséquences sur la société!

Le cycle de la violence conjugale est un cercle vicieux qui comporte quatre phases : le climat de tension, la crise, la justification et la lune de miel. Il est installé par l’agresseur pour lui permettre de maintenir sa domination et son contrôle sur sa conjointe.

PHASE 1
Tension
Tension du conjoint: Ton de la voix, attitude menaçante, crée un climat de tension prétextant que la femme est responsable
Peur de la femme : Anxieuse, peur de faire une erreur ou une faute, doute d’elle-même.
Peur de ne pas plaire au conjoint

PHASE 2
Crise
Agression de l’homme : Il éclate, agression physique, verbale ou autre car ça ne va pas comme il veut.
Colère et tristesse de la femme : Humiliée, désespérée mais ne veut pas souvent le raconter.

PHASE 3
Justification
Déresponsabilisation du conjoint : Il minimise son comportement et rejette la faute sur la femme.
Responsabilisation de la femme : Elle se sent responsable de la violence. C’est de ma faute, j’aurais dû faire attention.

PHASE 4
Lune de miel
Rémission du conjoint: Il regrette, promet de ne plus recommencer, devient gentil et affectueux
Espoir de la femme : Il l’a convaincu qu’il allait changer de plus il est tellement gentil maintenant.

Phase 1 Tension:
C’est une façon de prendre le contrôle
Phase 2 Crise:
Une femme n’est jamais fière de raconter qu’elle a pris des coups. En général, elle se replie sur elle même
Phase 3 Justification:
L’agresseur est souvent dépendant affectivement, sexuellement ou familialement, il réalise son écart et va essayer de se justifier tout en mettant la responsabilité sur la femme
Phase 4 Lune de miel :
Le conjoint qui a agressé et s’est justifié essaye de reconquérir sa conjointe en promettant de belles choses. Cela peut être un petit cadeau, un voyage, ou même faire un enfant.
La femme qui a eu peur, qui a subi une agression, et qui se sent isolée, a juste envie d’y croire. Et, le calme va s’installer jusqu’à la prochaine crise.

Dans une relation conjugale marquée par la violence, ce cycle se répète plusieurs fois et de façon de plus en plus accélérée. Plus le cycle se répète, plus la phase de la « lune de miel » raccourcit, jusqu’à disparaître.

Toutes les femmes peuvent être victimes de violence conjugale. Cependant les femmes dépendantes financièrement, avec de jeunes enfants, isolées socialement, celles dont le conjoint a été témoin de violence conjugale ou qui ont été elles mêmes exposées à la violence conjugale sont plus vulnérables.
Les hommes violents proviennent de toutes les couches de société et ne se ressemblent pas tous, ils ont des traits de personnalité difficiles à généraliser. Il arrive à tout le monde de poser un geste violent, les hommes violents sont ceux qui répètent leur violence régulièrement contre leur femme.

Ils rentrent dans ce cycle et commencent à croire que leur comportement est normal. Plus encore, ils se perçoivent comme des victimes. Les conjoints violents se créent un scénario dans lequel ils sont les « victimes » de leur conjointe ou de l’environnement. Les hommes violents ne le sont pas avec tout le monde. Ils sont violents avec leur femme car ils ont choisi de l’être.

Nous pouvons aider les femmes victimes de violence conjugale en dénonçant la violence, en les écoutant et en leur soulignant que personne ne mérite d’être battu. On peut aussi les référer à des ressources quand elles existent. Les hommes violents ont aussi besoin d’aide et nous pouvons les référer aussi.

Nacera kherbouche, MBA expert en gestion de performance & business coach