La presse française a massivement relayé l’annonce de l’assassinat d’Hervé Gourdel. Entre les lignes se dessine l’image d’une Algérie parfois dangereuse, mais suffisamment armée pour lutter contre le terrorisme.
Dans l’ensemble, la presse française n’a que peu parlé de l’Algérie. La plupart des grands quotidiens français ont mis l’accent sur l’otage – sa vie, sa passion pour la montagne, son voyage en Algérie –, sur la réaction des autorités françaises et sur l’engagement de la France en Irak. Mais au détour d’une formulation, c’est une certaine image de l’Algérie qui se dessine dans les articles de la presse française.
Une Algérie pas toujours sécurisée pour les touristes, surtout dans les zones montagneuses de Kabylie, là où s’est produit l’enlèvement d’Hervé Gourdel. Décrivant le parc national du Djurdjura, le quotidien Libération parle d’un « haut lieu du tourisme, devenu sanctuaire des groupes armés islamistes dans les années 90 ». Le Monde précise que « les groupes radicaux s’y sont implantés dès la guerre civile (1991-2002) ». Le quotidien évoque le chiffre de 400 djihadistes présents dans la région, et d’environ 80 personnes enlevées dans la wilaya de Tizi-Ouzou au cours de ces dix dernières années.
Le risque d’enlèvement est d’ailleurs souligné par l’ensemble de la presse française, qui rappelle que cette pratique est courante dans la région, mais qu’elle touchait, avant le kidnapping d’Hervé Gourdel, exclusivement des Algériens. « L’enlèvement du touriste Hervé Gourdel en Kabylie est toutefois exceptionnel. Aucun Français n’avait été enlevé en Algérie depuis 1996, à l’exception notable de la prise d’otages d’In Amenas, dans le sud-est du pays, en 2013 », écrit Le Monde.
Pour autant, les médias français n’ont pas décrit l’Algérie comme une terre livrée aux ravages du terrorisme. Tous ont souligné – sans jamais la remettre en question – la puissance de l’armée algérienne, très nombreuse et très bien équipée.
Détaillant les recherches menées par l’armée algérienne pour retrouver le corps de l’otage, Libération parle d’une « vaste opération », rassemblant « près de 3 000 militaires ». Le Figaro évoque lui d’ « opérations de ratissage » menées par militaires et par des « membres des troupes d’élite de l’antiterrorisme, aidés […] par 500 fusiliers marins et des chiens ». Sans contester la véracité de ces informations, il faut noter que l’accumulation de gros chiffres donne une indéniable impression de puissance.
Il ne s’agit cependant là que d’un point de détail, qui amène à dire que l’armée algérienne a réussi son coup médiatique. Plus étonnant encore est l’absence de pensée critique des médias français, qui n’ont presque jamais remis en question l’efficacité des forces militaires algériennes.
Seul le quotidien Libération a essayé de voir au-delà des apparences, dans un entretien avec Louisa Ait Hamadouche, politologue à l’université d’Alger. « Alger insiste sur son pouvoir fort et prône une guerre sans relâche contre le terrorisme », interroge le journaliste. « Oui, c’est en effet l’image qui est renvoyée hors d’Algérie. Mais avec cet enlèvement on voit aussi que le succès antiterroriste est relatif », répond alors l’universitaire. Une seule remarque critique pour nuancer la puissance de l’armée algérienne, pourtant incapable d’éliminer le terrorisme résiduel qui sévit encore dans les montagnes de Kabylie.