Occident : La menace de la grande censure numérique

Redaction

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Cet espace de liberté absolue, cette fenêtre grandement ouverte sur le monde qu’est internet, semble de plus en plus se réduire.
Le temps où on pouvait partager ses fichiers en toutes insouciance, accéder à tous les sites sans aucune censure et dans la garantie d’un anonymat total, pourrait dans un avenir proche, si les choses continuent ainsi, appartenir à un passé révolu.

Quand le contrôle est là, la liberté s’en va

Au nom du droit d’auteur, de la protection de la propriété intellectuelle ou de la sécurité intérieure, une batterie de loi et de mesures sont depuis quelques années proposées en Occident avant d’être adoptées dans la contestation générale.
Nous gardons tous en mémoire, pour le cas de l’Europe, la promulgation en 2009 de loi HADOPI ou   « Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet » dont la charge essentielle consistait à lutter contre le piratage internet et le pillage des artistes, mais dont l’action s’exprimait surtout par le contrôle des fournisseurs d’accès à internet et la surveillance accrue des internautes.
Une année plus tard, en septembre 2010, le sénat Français adopte la loi LOPPSI 2, à traduire par «Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure».
Toujours pour des raisons sécuritaires, cette loi  s’inspire de la première et la dépasse en multipliant les articles qui intensifient le contrôle sur internet et  en l’étendant à la sphère privée.
Loi qualifiée de liberticide, mais tout de même dans l’air du temps, puisque les opérateurs téléphoniques et fournisseurs d’accès à internet en France voient les demandes de mises sur écoute et de surveillance numérique exploser ces dernières années.

SOPA et PIPA ou La Grande Muraille d’Amérique

Depuis mai 2011, les Etats-Unis d’Amérique connaissent une vague de projets de lois qui sont dans le même esprit : SOPA, acronyme pour Stop Online Piracy Act et PIPA  pour Protect IP Act.
Ces deux propositions, sous couvert de lutte contre le piratage numérique et la protection du droit d’auteur, accorderaient au gouvernement Américain le pouvoir de bloquer à ses internautes l’accès à certain sites jugés en infraction,  obligeraient les fournisseurs d’émail à censurer certains liens émis ou reçus, et accroitraient  le contrôle sur les échanges de liens vidéos postés sur les réseaux sociaux.
En gros, une autorité centrale déciderait de manière totalement arbitraire de l’honnêteté et de la validité d’un site, puis aurait le pouvoir d’y interdire l’accès aux citoyens Américains.
On imagine aisément les craintes suscités par d’hypothétiques dérives dont la censure et qui marquerait pour les US l’ère de l’internet libre.
Ce système de filtrage d’information fut comparé par la journaliste Rebbecca MacKinnon, dans son article  « Stop the Great Firewall of America » paru dans le New York Time à une « Grande Muraille », faisant ainsi référence à la censure internet qui sévit en République de Chine.
Un comble pour la constitution Américaine, rédigée selon les valeurs des Pères Fondateurs.

Les géants font de la résistance

Au nombre de protestations provoquées par ces projets de loi, et sous la pression des acteurs stratégiques du web comme Wikipédia, Facebook ou Paypal ; Lamar Smith, l’élu républicain du Texas à l’origine du texte, annonçait la modification du projet SOPA, ainsi que le retrait des dispositions liées au blocage de sites internet, avant d’ajouter « « Nous continuerons à rechercher des moyens de s’assurer que les sites internet étrangers ne puissent pas vendre et distribuer des contenus illégaux aux consommateurs américains ».
Une victoire mitigée  pour les opposants, car si le projet de loi SOPA est ‘désamorcé’, le projet Protect IP Act est toujours à l’étude et représente selon le fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales : «une réelle menace liberticide. »
Raison pour laquelle les principaux acteurs d’internet maintiendront leur action  de sensibilisation contestataire.
Mercredi 18 janvier, le géant Google avait voilé son logo de noir  et avait mis en lien une pétition pour dénoncer ces projets de loi qui reviendraient selon lui « à instaurer une véritable censure sur le Web. »

La version anglaise de Wikipedia restera inaccessible pendant 24 heures, un fond  d’écran noir remplace l’habituel avec un message en gras : « Imagine a World Without Free Knowledge » à traduire par : «Imaginez un monde sans une libre circulation du savoir ».

Coup de théâtre !

Perspective effectivement effrayante, surtout que cette action protestataire sera suivie, à peine une journée plus tard, par la fermeture du site Mega Upload, numéro un mondial en matière de service d’hébergement de fichier et par de lourdes poursuites judiciaires contre les fondateurs du site.
Reste à espérer que cette cyber guerre ne lèse personne ; ni les internautes, ni les artiste, et que les voix qui protestent soient entendues.

Nesrine Briki