Yahia Bounouar : Après la censure, «Radio Kalima» reprendra la diffusion par satellite «très bientôt»

Redaction

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L’année 2010 a été catastrophique pour les médias algériens du Net. Les autorités algériennes semblent avoir peaufiné leurs moyens de contrôle, de dissuasion et de censure sur la Bulle DZ. L’espace virtuel est ainsi pollué et plusieurs médias ont subi, depuis le début de l’année, les foudres de ces nouvelles brigades de l’internet que l’on dit entrainées en Chine, là ou la censure est devenue un sport national.

Radio Kalima a ouvert le bal des persécutés du Net puisque elle fut le premier média attaqué et censuré en 2010. Son Fondateur, Yahia Bounouar s’est livré à «Algérie-Focus.Com» sur ce cas de censure flagrant.

Entretien

Algérie-Focus.Com : Au début de l’année 2010, vous avez lancé «Radio Kalima», la première radio algérienne «libre», émettant depuis son siège à Marseille, à travers le satellite et Internet. Quelques mois plus tard, la radio est inaccessible à partir de l’Algérie. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé ?


Yahia Bounouar :
J’ai lancé la radio le 25 janvier. Le 16 mars non a été prévenu par des amis en Algérie que le site internet n’était plus accessible. Petit à petit (cela a pris plusieurs jours) le site est devenu inaccessible dans la quasi totalité du territoire national, excepté pour ceux qui ont un fournisseur internet privé. C’est le cas
de certains journaux à la maison de la presse et des entreprises étrangères notamment. Le 16 mars toujours, notre liaison satellitaire a été interrompue par notre provider suite à l’intervention des autorités algériennes. «Eutelsat» nous a confirmé l’intervention de l’Algérie.

Que vous-ont dit précisément les responsables d’Eutelsat ? Comme s’est opérée l’intervention des autorités algériennes ?

L’intervention du pouvoir à Alger s’est faite par l’intermédiaire de l’entreprise publique de Télédiffusion qui a demandé officiellement à Eutelsat des informations sur Radio Kalima. Eutelsat, pour sa défense, dit leur avoir communiquer les coordonnées de notre provider qu’ils ont effectivement contacté. Celui-ci a alors fait couper notre liaison
satellitaire en rupture flagrante du contrat. Nous sommes donc en justice contre ce provider.

De quel provider parlez-vous ?

C’est un provider chypriotes, comme il en existe des dizaines, qui achète en gros à Eutelsat et commercialise ensuite les liaisons avec le client final.

Avez-vous protesté auprès des autorités algériennes pour ce cas de censure ?

Vous voulez rire. Protester auprès de qui ? Cette intervention, tout comme le blocage du site internet, s’est fait sans aucune procédure légale. C’est le fonctionnement d’un pouvoir mafieux, qui prend des décisions en catimini, sans jamais les assumer publiquement. Un pouvoir qui agit clandestinement, sans rendre de compte à personne.
C’est de l’arbitraire pur et simple. En ce qui me concerne, on est en train de trouver un moyen pour reprendre la diffusion par satellite, ça va venir très bientôt.

Radio Kalima a-t-elle été filtrée par les autorités algérienne ?

De toute évidence. Le site était normalement accessible avant cette date. Il est, du reste, accessible pour ceux qui utilisent un proxy.

Ce filtrage est-il intervenu d’un seul coup, ou y avait-il des perturbations antérieures ?

Il n’y avait jamais eu de problème auparavant. Le pouvoir a décidé de bloquer le site, ça leur a pris quelques jours. Cela s’est fait sans aucune communication, sans procédure, sans décision de justice. C’est le fait du prince.

Qu’est ce qui a pu déranger à ce point les autorités algériennes pour vous censurer ?

Encore une fois, il n’y a eu aucune explication, aucune décision, aucune procédure. C’est totalement illégal. Pour avoir la vraie raison, demandez la donc aux autorités. En ce qui me concerne, je pense que le pouvoir voulait faire un exemple et agir rapidement. Radio Kalima a contourné le monopole sur l’audiovisuel en passant par le satellite. Ils ont très vite agit pour faire passer le message qu’ils ne le tolèreront pas. C’est, à mon sens, la raison principale.

Que devient «Radio Kalima» à présent ?

La radio continue à travers internet. Et nous poursuivons notre démarche en justice contre le provider qui a interrompu la liaison. Il y aura bientôt du nouveau.

Parlez-nous du Forum que vous avez créé le 1er Novembre dernier ?

Comme son nom l’indique «Forum Free Algérie», que j’anime avec Djilali Hadjadj et Mohamed Benchicou a pour objectif de permettre un débat autour des problèmes que connait notre pays. Des problèmes de gouvernances, de sociétés, de liberté. Les Algériens ont des choses à dire, des solutions à proposer, des idées à faire avancer. Ils ont besoin d’un espace pour pouvoir échanger, dialoguer, ouvrir des pistes et quelques fois, simplement se retrouver.

Cet espace peut nous aider à comprendre ce qui nous arrive, comprendre ce qui nous attend et comprendre enfin, ce qui est espéré de nous. Le Forum aspire humblement, à être l’outil commun par lequel, aux côtés d’autres, on dépasserait les sentiers battus pour explorer, sous un jour nouveau, des thèmes en friche, encore imprécis comme la modernité, l’identité, la laïcité, la démocratie… A décrypter les mécanismes de la corruption, de l’hégémonie, du sultanisme… A visiter le passé, la mémoire, sans tabous. A décoder l’angoisse de la jeunesse et ses espoirs, à éclaircir le débat sur la femme… Car enfin, c’est par la discussion, insolente et têtue, incontrôlable et pure, que s’affirmera, l’existence de la parole libre.

Entretien réalisé par Hicham A.