Vies d’exil, une exposition inédite du quotidien en France des travailleurs immigrés algériens durant la guerre de libération nationale, se tient à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration de Paris, ouvrant un pan entier d’une histoire encore peu connue d’hommes et de femmes contrains au silence des années durant.
Sur fond de musique de Slimane Azem, chantant les affres de l’exil et le mal du pays, des images poignantes, prises dans leur majorité par Elie Kagan, retracent la misère de ces « gens venus d’ailleurs », recroquevillés dans des bidonvilles situés à la lisière de la Ville lumière, Paris.
Dans un document inédit de l’INA (Institut national de l’audiovisuel), des FMA (Français musulmans d’Algérie) relatent les pires formes de racisme et de xénophobie dont ils font l’objet, notamment à l’embauche et au logement. Rejetés, leur vie se limite à quelques petits métiers dans le bâtiment, notamment, avant de rejoindre, pour la plupart, ces cafés-hôtels, considérés comme des lieux de sociabilité par excellence et où l’on croit atténuer les rigueurs de l’exil.
Dans les cimaises de l’exposition (9 octobre au 19 mai 2013), le regard du visiteur est aussi vite capté par ces appels relayant la propagande coloniale : « Sans travail sans logement méfiez-vous ! Sans travail assuré halte ! », documents édités en 1950 et destinés aux Algériens en partance pour la Métropole pour les dissuader de quitter un pays qui n’est plus le leur.
Pour le chef du projet de cette exposition, Hédia Yelles-Chaouche, l’objectif de « Vies d’exil » est d’abord de lever le voile sur une période peu connue de l’histoire de l’immigration algérienne et de rendre compte de sa complexité. « Loin de la vision misérabiliste que l’on serait tenté de présenter, nous avons souhaité insister sur le rôle des immigrés algériens en tant qu’acteurs d’une histoire commune passionnante qui aujourd’hui mériterait d’être mieux connue de part et d’autre de la Méditerranée », a-t-elle indiqué à l’APS.
Dans le dernier numéro de la revue l’Histoire, partenaire de l’exposition, l’historien Benjamin Stora affirme, sans équivoque aucun, qu’il s’agit de la « première exposition de ce genre en France et cela dans un établissement national français ».
Pour les commissaires de l’exposition, Benjamin Stora et Linda Amiri, enseignante et chercheure en histoire, la manifestation se propose d’aborder les diverses réalités de vie des migrants algériens à travers la question de la vie sociale, de l’accueil accordé à l’immigration algérienne, entre méfiance et rejet, et solidarité de leur engagement politique et syndical.
Selon eux, il ne s’agit pas exclusivement d’une immigration masculine du fait que les familles rejoignaient peu à peu leurs proches dans l’exil. Pendant cette période (1954-1962), la population algérienne en Métropole est passée de 222 000 à 350 000 âmes, affirment-ils. A en croire une statistique affichée lors de l’exposition, on comptabilisait en 1954, soit au début de la guerre de libération nationale, 208 500 Algériens en France, dont 6000 femmes et 14.000 enfants.
R. N.