Une monnaie maghrébine ? Entre réalité et utopie

Redaction

Certains journaux officiels tunisiens et marocains, il y a de cela 15 jours, postulaient que la Tunisie et le Maroc envisageaient de créer une monnaie unique et invitaient l’Algérie à y adhérer. Une monnaie maghrébine, mythe ou réalité : c’est l’objet de cette contribution pour vos lecteurs.

I- Aperçu général : l’intégration, un préalable

Il est entendu que l’intégration maghrébine est une condition essentielle comme adaptation à la mondialisation au moment des grands ensembles avec l’Alena ( zone de libre échange USA- Mexique Canada) , l’Europe des 27, étant entendu que des pays émergents la Chine , l’Inde, le Brésil constituent eux même un continent du fait de leur vaste marché intérieur . Ce d’autant plus que les effets de la crise économique mondiale actuelle qui est structurelle et non conjoncturelle augure de profonds bouleversements géostratégiques et économiques. L’intégration économique doit être consolidée du Maghreb est conçue et mise en oeuvre pour :

tirer un meilleur parti ou bénéfice des ressources complémentaires des différents pays
créer un marché de taille plus vaste susceptible d’entraîner de significatives économies d’échelle, indispensable dans un univers de compétitivité économique ouverte

créer un climat économique plus favorable au Maghreb dans les échanges économiques internationaux. Les pays du Maghreb disposent de sérieux atouts susceptibles de leur permettre d’enclencher, assez rapidement, de fortes croissances de leurs économies analogues à celles observées dans d’autres régions du monde, notamment en Asie ; parmi ces avantages on peut citer (dans le cadre d’une croissance soutenue) : une population jeune éduquée et en pleine expansion, sur un vaste territoire; une homogénéité culturelle que renforce l’unité linguistique;l’existence d’une élite importante et de qualité; des moyens financiers appréciables – même en situation de crise – qui placent la région en position confortable; un potentiel énergétique, industriel et agricole prometteur, même s’il est inégalement réparti; la proximité de l’énorme marché européen dans le cadre d’une industrialisation soutenue ; les conditions de compétitivité et les perspectives d’intégration maghrébines conduisent d’une part à profiter au maximum des économies d’échelle et d’autre part à ce que les nouvelles productions industrielles se localisent là où elles bénéficient d’avantages économiques et où elles contribuent à réduire les inégalités de développement. Concernant les cotations des monnaies tant algérienne, tunisienne et marocaine, (sans compte les monnaies libyennes et mauritaniennes), elles obéissent à des logiques différentes , la monnaie algérienne étant la plus sous évaluée tant par rapport à l’euro qu’au dollar ayant d’ailleurs assisté récemment à une aberration de la part t de la banque centrale une dévaluation simultanée du dinar algérien par rapport tant à l’euro qu’au dollar alors que leur cotation boursière est inversement proportionnelle .Pour arriver à une monnaie commune comme cela a été le cas pour l’expérience européenne, il faut donc d’abord favoriser l’intégration maghrébine en ciblant les avantages comparatifs de chaque pays, du fait que els échanges intra -magrébins pour 2008 sont inférieurs à 3% de leurs échanges totaux, ces trois pays étant largement arrimés pour leurs échanges avec l’Europe , du moins officiellement car les échanges informels sont dominants aux frontières mais souvent au détriment de l’Algérie du fait des subvention des prix pour certains produits et de la sous évaluation du dinar. Aussi, il faut éviter de mettre la charrue avant les bœufs et être pratique .Car une monnaie maghrébine suppose au préalable une banque centrale magrébine. Selon mes informations, il est prévu horizon 2015 une banque d’investissement euro méditerranéenne et si le Maghreb veut être une force économique , il doit d ‘abord commencer comme cela a été recommandé lors la dernière rencontre des opérateurs maghrébins à Alger de favoriser la création d’une banque d’investissement maghrébine, qui serait alors horizon 2015 un maillon de cette banque euro -méditerranéenne.Comme il y a lieu d’uniformiser les systèmes douaniers et fiscaux et de favoriser la libre circulation des personnes.

II- Ou en est l’édification de l’union maghrébine ?

La solution maximum impliquerait la signature d’un traité instituant l’Union économique maghrébine sur le modèle du traité de Rome avec fixation d’un calendrier relatif à l’élimination des droits de douanes et des restrictions contingentaires, établissement d’un tarif extérieur commun, harmonisation des politiques économique, fiscales, monétaires et enfin mise en place d’institutions communes dotées de pouvoir de décision.

La solution minimum qui ferait de la création progressive d’une union économique une simple déclaration d’intention, les seuls engagements juridiques se limitant à la participation périodique à des négociations sur les concessions tarifaires ou sur les choix des lieux d’implantation d’industries nouvelles. La solution intermédiaire devrait être fondée sur l’interaction entre la libéralisation commerciale et l’harmonisation industrielle. Cette solution devrait couvrir une période de 5 ans au cours de laquelle les pays maghrébins s’engageraient : à des réductions linéaires (10 % par exemple par an) des droits de douanes et des restrictions quantitatives frappant les produits échangés, à l’établissement d’une liste d’industries à agréer et dont les produits seraient assurés de la libre circulation et de la franchise sur le marché maghrébin, à la création d’une Banque maghrébine d’intégration pour financer les projets d’intérêt commun et favoriser cette industrialisation simultanée et équitable, à l’institution éventuelle d’une union des paiements et enfin à l’harmonisation de leurs politiques commerciales à l’égard des pays tiers pour ne pas compromettre plus tard l’institution d’un tarif extérieur commun.

Or il convient de rappeler qu’existe bon nombre de conventions et d’Accords conclus dans le cadre de l’UMA mais qui ne sont pas tous concrétisés sur le terrain, malgré beaucoup de discours mais qu’il est st utile de rappeler

En matière économique, on peut citer à cet égard l’adoption d’une « stratégie maghrébine commune de développement« , en juillet 1990 définissant les bases de la solidarité économique entre les pays maghrébins et invitant à l’élaboration de politiques communes dans tous les domaines dans le but de l’instauration : -d’une zone de libre-échange pour tous les produits d’origine maghrébine, ainsi que pour d’autres secteurs dont en particulier, les services -d’une union douanière et d’un marché commun, dans un deuxième temps, étape qui verrait l’harmonisation voire l’unification des droits de douane appliqués par les pays membres et l’institution d’un tarif extérieur commun.. Sur le plan institutionnel, une convention maghrébine a été adoptée en mars 1991 en vue de mettre sur pied une « Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur », chargée de mobiliser les fonds nécessaires au développement économique au niveau régional et de financer ou participer au financement de projets d’investissements maghrébins et d’opérations de commerce extérieur.

En vue de faciliter la mise en œuvre de ces instruments, l’UMA a adopté d’autres conventions complémentaires en matière de transport terrestre et de transit (23/7/1990) ou en matière d’assurance et de réassurance (1994 visant à renforcer les moyens de transport et de communication. Sur le plan commercial, l’UMA a adopté les règles du démantèlement des droits de douane et des taxes d’effet équivalent, de l’abaissement graduel des barrières non tarifaires, de la condamnation du dumping et des subventions à l’exportation, de l’adoption du principe de la concurrence loyale entre les producteurs des pays de l’UMA ; ceci dans la perspective de la libéralisation des échanges commerciaux entre les pays membres.

Afin de tenir compte des pertes éventuelles qu’une telle libéralisation pourrait entraîner sur les recettes douanières des pays membres, l’UMA a entrepris une étude sur les différents mécanismes de compensation. Sur le plan de la réglementation des investissements , les pays de l’UMA dans les textes, (loin des réalités ) ont adopté des règles communes relatives à la garantie des investissements et à leur encouragement, allant dans le sens des règles reconnues sur le plan international en matière de non-discrimination, d’égalité de traitement et de libéralisation des exportations, ainsi qu’il ressort de la convention maghrébine relative à la promotion et à la garantie des investissements, signée en juillet 1990 et entrée en principe en vigueur en juillet 1993, convention qui devait constituer le point de départ d’une vaste réflexion sur l’incitation a l’investissement au niveau régional maghrébin. Là aussi les résultats sont maigres.

En conclusion : Et la nouvelle donnée régionale euro méditerranéenne ?

La création du partenariat euro méditerranéen, a été officialisée lors du sommet de Barcelone de novembre 1995 et le sommet de Paris pour l’Union pour la Méditerranée (UPM), processus complémentaire et non concurrent au processus de Barcelone, auxquels les pays du Maghreb sauf la Libye ont adhéré à Paris.

Par ailleurs, trois pays de l’UMA, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ont signé des accords « euro méditerranéens d’association » allant bien au-delà de la simple libéralisation des échanges. Bientôt la Syrie et la Libye depuis la levée de l’embargo, intégreront cet espace qui sera sans doute un des plus riches du monde. Cette nouvelle forme de régionalisme Nord-Sud visant à établir une zone de libre échange euro méditerranéenne à l’échéance 2015 est constituée de deux principaux piliers : la création d’une zone de libre échange entre l’UE et chacun des pays méditerranéens et l’élargissement graduel de cette zone grâce à la libéralisation des échanges entre pays méditerranéens. Mais force est de reconnaître que les résultats du processus de Barcelone sont mitigés loin des attentes, du fait d’un manque de cohérence et de visibilité dans la démarche afin de faire du bassin méditerranéen un lac de paix et e prospérité partagé. Le chacun pour soi des pays du Maghreb ne favorise pas également une action coordonnée et efficace face à l’Europe.

En résumé, les populations maghrébines sont plus mures que leurs dirigeants pour cette intégration nécessaire. La société civile (opérateurs, médias, intellectuels d’ou d’ailleurs l’importance d’une chambre de commerce magrébine et d’une université maghrébine) peut être transitoirement le catalyseur en attendant je l’espère que les politiques prennent la relève. Aussi je pense que la création d’une monnaie magrébine, si les conditions socio-économiques évoquées précédemment ne sont pas levées, (et ce sans oublier les obstacles politiques) dans les circonstances actuelles constitue un mythe.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’Université, Economiste pour Algerie-Focus.com

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