Les nuits hivernales sont marquées par un grand froid dans Alger. Durant les périodes de pluie, il est recommandé de rester bien au chaud chez soi. Mais la situation est beaucoup plus compliquée pour les Sans Domicile Fixe. Ils sont des centaines de sans-abris à écumer les trottoirs de la capitale. L’Etat les a abandonnés, mais il y a toujours de bonne volontés pour leurs venir en aide.
Mardi soir, une pluie fine accompagne la tombée de la nuit sur les rues d’Alger. La météo annonce une tempête de pluie et de neige, et une vague de froid dans tout le nord du pays. Les pas des passants se pressent pour fuir le mauvais temps. A Telemly, un quartier populaire d’Alger-centre, une équipe composé d’une quinzaine de bénévoles s’apprête à partir sillonner la capitale pour distribuer des repas chauds, des vêtements et des couvertures pour les SDF. Une tranche de la société complètement délaissée par l’Etat.
Dans le siège du Mouvement démocratique et social (MDS), les membres du Collectif « La coeur sur la main » commencent à charger de grande corbeilles et cartons, remplis de repas chauds, dans un gros fourgon mobilisé pour la circonstance. Un calme serein règne, dans le siège du parti cher à feu Hachemi Cherif. Une ambiance bon-enfant agrémente le début de l’opération. «On est habitué à des opérations pareilles. L’année passée, on a fait plus d’une vingtaine d’opérations de distribution de repas chauds, de vêtements et couvertures pour les SDF. Cette année, on compte encore en faire plus » dit Fares Kader Affak, président de ce Collectif créé il y a quatre ans de cela. «Nos actions visent surtout les SDF. Nous en faisons à chaque fois que l’occasion se présente. Cela dépend aussi des donateurs. Dès qu’on reçoit une quantité suffisante à distribuer, on organise une sortie », ajoute-t-il.
Ce qui est original dans les actions de ce collectif citoyen, c’est que même les donateurs peuvent faire partie de l’équipe qui distribue les repas pour les SDF. C’était le cas hier, ou deux jeunes femmes qui ont contribué à l’achat des repas chez un traiteur algérois on fait la tournée avec le groupe de bénévoles, et ont-elles-même participé à l’action. « C’est la manière la plus démocratique et transparente pour ce genre d’opérations » dit encore Fares Kader Affak, un chevronné du mouvement associatif.
Le cortège du collectif, composé de trois véhicules, démarre peu avant 20h. Le rendez-vous est donné à Hussein-Dy, un quartier populaire d’Alger, avec le reste de l’équipe pour entamer l’opération. Durant le court trajet, le téléphone du président de ce collectif ne cesse de sonner. «Ce sont d’autres bénévoles qui veulent se joindre à nous pour participer à l’opération », confie-t-il. A peine stationné au grand rondpoint de la place Hassiba Ben Bouali, le grand fourgon transportant des vivres est entouré de SDF.
«Ils nous connaissent déjà. Ils se souviennent de nous, car on vient souvent leurs ramener des repas et des couvertures » affirme Rachida, l’une des bénévoles de ce collectif. «Puisse dieu vous bénir, mes enfants », leurs lance un vieil homme, emmitouflant sa frêle silhouette dans plusieurs vestes, pour se protéger du froid. Un aire de satisfaction profonde se lit sur les visages des bénévoles à chacune de leurs actions envers les SDF.
Le cortège reprend la route après une vingtaine de minutes passées à la place du 1er mai. Les chauffeurs vont au ralenti sur le boulevard Hassiba Ben Bouali. «Il y a des endroits où se réfugient qu’on connaît bien. Mais on ne sait jamais, il y a des nouveaux à chaque fois qui arrivent, donc on circule doucement pour les repérer», dit un autre bénévole. Au boulevard Colonel Amirouche, tout juste devant le ministère de l’agriculture, une nuée de sans domiciles fixes se forme devant le fourgon du collectif « Le cœur sur la main ».
Des familles entières, dont des enfants en bas âge, passent les nuits glaciales d’hiver sous les arcades longeant ce boulevard situé au cœur de la capitale. Les bénévoles ont eu des soucis pour satisfaire la foule devant le fourgon. Pourtant, chacun d’eux est parti avec sa part. Deux jeunes femmes tenant des bébés dans leurs mains, n’ayant pas pu jouer des coudes avec la foule, se sont vues servies par les jeunes filles bénévoles du collectif.
Le cortège prend la direction de Bab El Oued, un des quartiers les plus populaires de la capitale. Les membres du collectif, ayant fait plusieurs fois ce « circuit », savent où retrouver des individus sans abris, ou carrément familles entières vivant dans les rues. Bab El Oued, place des Martyrs, Boulevard Che Guevara, Bab Azzoun, les quartiers supposés «chaud», durant la nuit à Alger sont sillonnés par le cortège de « La mains sur le cœur », à la recherche de personnes en difficulté pour alléger un tant soit peu leur calvaire. Le tour de tout Alger-centre est terminé, l’équipe de dirige vers Belouizdad où une vingtaine de repos sont distribués.
De retour à rue Didouche Mourad, le cortège fait une virée à rue Victor Hugo, où une jeune femme avec son mari, ainsi que leurs enfants passent leurs nuits sur un trottoir glacial. Les filles bénévoles ont offert des vêtements pour enfants, ainsi que des repas chauds. Mais il s’avère que cette petite famille n’a plus de couvertures, de quoi se prémunir contre le froid glacial annoncé par la météo. Toujours le cœur sur la main, le président du collectif envoie l’un des chauffeurs du cortège dans son bureau pour ramener des couvertures pour cette famille, ainsi que pour un vieux sans abris, signalé par les habitants de ce quartier aux membres de l’équipe. Une vingtaine de minutes plus tard, ces personnes en difficulté sont servies avec un admirable sens de courtoisie de la part de l’équipe.
Aux environs de 23 h, le fourgon qui transporte les vivres s’est vidé, le tour s’est terminé «mais ce n’est que partie remise », déclarent les membres de ce très dynamique collectif. D’ailleurs, une autre sortie est déjà prévue pour le samedi 7 février. « Il nous manquent une somme de 15 000Da que nous espérons récolter à travers les dons des citoyens. Nous sommes prêts à faire ces sorties à chaque fois. Mais nous avons besoin de l’aide des âmes charitables. Nous lançons un appel aux citoyens désireux de participer, d’aider ce collectif à s’approcher de nous. Nous sommes actifs durant toute l’année » conclut-t-il.
Arezki IBERSIENE
« Solidarité Populaire le Cœur sur la Main » contactez: Kader fares affak au 0556 04 16 92 (Adresse : 67 Rue Krim Belkassem « Télémly » Alger)