Par Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d ‘ Université. Economiste – Expert International – Algérie
L’UPM à l’initiative du président français, dont le projet a été remanié à l’initiative de l’Allemagne et qui concerne dorénavant toute l’union européenne, d’où d’ailleurs l’importance de saisir les impacts du traité de Lisbonne qui sera certainement ratifié courant octobre 2009 par l’Irlande, devant être complémentaire et non concurrent au processus de Barcelone a une vision beaucoup plus économique. C’est que l’Europe du Sud (Italie – France – Grèce – Espagne) totalisent environ 168 millions d’habitants, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie 94 millions d’habitants soit un total de 262 millions d’âmes. Si l’on inclut les riverains méditerranéens dont la Syrie , le Liban, Israël, l’Egypte, Malte, la Turquie , l’Albanie, la Libye et l’ex Yougoslavie dont la stabilité conditionne le développement de l’ensemble des Balkans, nous aurons une population en 2010 qui dépassera les 500 millions. Cette région est frappée actuellement par une récession économique relative par rapport aux autres régions notamment d’Asie et d’Amérique latine (pour l’Afrique le NEPAD n’ayant pas eu les résultats escomptés). Cette récession s’explique par différents facteurs dont le manque d’homogénéisation économique pour des raisons essentiellement historiques et sociologiques et qui fait fuir les capitaux vers d’autres cieux plus propices à un moment où la concentration des échanges est dans le Nord, la Chine accaparant plus de 5O% des investissements directs étrangers des pays en voie de développement. Le bras droit stratégique selon mon point de vue de l’Union pour la Méditerranée devrait être le Maghreb mais qui a actuellement un poids économique insignifiant au sein du commerce mondial et même les échanges intra- maghrébins sont dérisoires moins de 2% de leurs échanges globaux, les pays de l’UMA ayant un revenu PNB par tête qui représente moins de 15 % de ceux de la CEE étant suicidaire pour chaque pays du Maghreb arabe de faire cavalier seul. Mais cette initiative pour qu’elle ait des chances d’aboutir avec des projets concrets, loin des discours, évitant l’échec relatif du processus de Barcelone, devrait tenir compte certes d’une reconfiguration des relations économiques internationales comme en témoigne la crise actuelle (passage du G8 au G20 pour tenir compte des nouveaux rapports de force économiques mondiaux) et surtout de la situation qui prévaut dans la région du proche et Moyen-Orient et de l’influence décisive qu’y exercent les Etats-Unis. Pour la concrétisation des objectifs stratégiques de cette union, cinq conditions fondamentales me semble t-il doivent être réalisées,ce afin de faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité partagée, où seront bannis l’extrémisme, le terrorisme menace planétaire, et la haine, passant par une paix durable au Moyen Orient berceau des civilisations, dont un Etat palestinien fiable, les populations juives et arabes ayant une histoire millénaire de cohabitation pacifique, le judaïsme, le Christianisme et l’Islam étant des religions de tolérance(1).
La première condition est l’urgence d’une bonne gouvernance des deux cotés de la rive de la méditerranée, et une lutte efficace, concrète sur le terrain et non pas seulement l’élaboration de textes de lois, contre la corruption qui est un obstacle à la mise en œuvre d’affaires et des investissements porteurs de croissance à moyen et long terme. Cela concerne à la fois l’Europe et la rive sud car lorsqu’il y corruption, il y forcément des corrupteurs, les dernières décisions lors du G 20 sous impulsion surtout américaine depuis l’arrivée du président Barack Obama de lutter contre le blanchissement d’argent est un premier pas positif. Pourquoi pas la publication des comptes bancaires et des biens des dirigeants du tiers monde et de leurs proches dans les pays développés et dans certaines zones de non droit ? L’Europe doit abandonner cette vision purement commerciale, loin des intérêts mercantiles étroits permettant la libre circulation des personnes, mais également les pays du Sud de la méditerranée à travers l’approfondissement de l’Etat de droit, la démocratisation et des réformes structurelles allant vers l’économie de marché, beaucoup plus humanisée, liant dynamique économique et dynamique sociale, synchronisant la sphère réelle et la sphère financière qui est devenue dominante source de crises périodiques.
La deuxième condition concerne la valorisation du savoir par la création d’une université euro méditerranéenne, qui, avec la bonne gouvernance, sont les piliers du développement du XXIème siècle, donc, la prise en compte du développement humain avec des pôles d’excellence afin de le rendre plus efficient devant miser non sur la quantité mais misant sur la qualité, et de rapprocher la formation professionnelle du monde du travail supposant une plus grande flexibilité du marché du travail tout en assurant la sécurité grâce à une formation permanente.
Troisième condition est la création d’une banque et d’une bourse euro méditerranéenne, en favorisant une saine concurrence, les mesures protectionnistes de part et d’autres, étant néfastes freinant la dynamique de l’intégration euro- méditerranéenne. Tous les monopoles qu’ils soient publics ou privés doivent être également démantelées progressivement. C’est le passage programmé d’un régime référentiel basé sur des concessions unilatérales octroyées par les pays européens aux exportations industrielles des pays tiers à un nouveau régime basé sur des concessions commerciales, devant faire passer les secteurs protégées à des secteurs totalement ouverts à la concurrence internationale et prévoyant à l’horizon 2012/2017, la suppression totale des obstacles tarifaires et non tarifaires, avec d’énormes défis aux entreprises avec le rôle central des PMI/PME qui sont de plus en plus en organisés en réseaux se fondant sur le management stratégique, surtout de la rive sud à majorité de types familiaux, tissant des relations de clientélisme avec les marchés d’ Etat, peu préparées à la concurrence, expliquant ses liens avec les syndicats corporatistes trouvant pour sauvegarder les intérêts rentiers , le prétexte de la crise actuelle.
La quatrième condition concerne la sécurité énergétique et la protection de l’environnement, l’Algérie, la Russie et la Norvège , constituant la principale source d’approvisionnement en gaz de l’Europe. La directive gaz et électricité européenne tout en stipulant que les contrats à long terme peuvent continuer à être signés comme moyen de sécuriser l’approvisionnement , stipule que cette pratique commerciale sera accompagnée par une plus grande flexibilité sur les volumes, sur les prix , les mécanismes d’indexation et par l’encouragement des achats spot. Il s’agira de concilier à la fois les intérêts des pays producteurs et des pays consommateurs pour un prix juste lorsqu’on sait que les coûts d’investissement sont élevés par rapport au pétrole et la marge bénéficiaire très réduite, en tenant compte du nouveau modèle de consommation énergétique qui se mettra en place entre 2015/2020. Par ailleurs, les hydrocarbures étant polluants, la méditerranée étant une des mers les plus polluée au monde, il s’agit de réactiver le plan bleu, l’environnement étant considéré comme un bien collectif méditerranéen, la coopération être axée sur la préservation des équilibres écologiques, en espérant des actions concrètes lors de la prochaine réunion de Copenhague, qui avec l’eau (cet or bleu) sont des enjeux géostratégiques fondamentaux du XXIème siècle.
Enfin la cinquième condition est la sécurité en méditerranée, notamment la lutte contre le terrorisme qui est une menace planétaire, le blanchissement d’argent et l’immigration illégale dont l’essence principale est la pauvreté notamment en Afrique qui abritera horizon 2020/20215 plus de 1,5 milliard d’âmes (2). Concernant les problèmes de sécurité en méditerranée que j’ai développé dans d’autres contributions (3), des divergences existent entre les trois principales puissances européennes. Pour la France et l’Allemagne, bien que faisant parties de l’Otan, l’UEO peut être réactivée en fonction des nouvelles données et des missions qu’elle serait appelée à mener. Elle deviendrait le « bras armé de l’UE ». Le Royaume-Uni, quant à lui, défend l’idée de mettre en place « un pilier européen de l’Alliance Atlantique ». C’est pourquoi des tentatives sont faites aujourd’hui pour redynamiser le dialogue euro- méditerranéen avec deux initiatives : d’une part, la politique européenne de voisinage ; d’autre part, le partenariat stratégique entre l’Union européenne d’un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l’autre.
En résumé, je suis convaincu que la symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident par le dialogue des cultures, la construction de l’Etat de droit, de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle et de l’économie de marché concurrentielle tenant compte des de la préservation de notre environnement et d’un développement équilibré entre le Nord et le Sud, permettront l’intensification des relations euro- méditerranéennes et américano-arabes. Il s’agit de concrétiser le respect des libertés économiques et politiques, des droits de l’homme et de la promotion de la condition féminine. Economiquement d’une part les USA, l’Europe, sans oublier les pays émergents comme le Brésil, l’Inde, la Chine,d’autre part, les pays de la rive de la méditerranée et plus globalement le Maghreb, intégration économique vitale à laquelle je suis profondément attachée au sein de l’espace euro- méditerranéen, les échanges intra maghrébins représentant moins de 2% des échanges globaux du fait des entraves structurelles à la fois politiques économiques étant suicidaire pour chaque pays de faire cavalier seul, ( et ce sans oublier le continent Afrique,enjeu du XXIème siècle),(4) présentent les uns et les autres, des potentialités pour la promotion d’activités diverses.
Comme j’ai à l’affirmer lors de la réunion des experts avant l’adoption du projet par les chefs d’Etat dont l’Algérie(1) qui a soutenu ce projet, sous réserve d’objectifs précis, l’UPM peut être un exemple de ce partenariat global, de promotion des synergies de systèmes privés, politiques et administratifs afin de développer une coopération pour un développement durable partagé entre le Nord et le Sud.
NB- Pour plus de développement voir du même auteur
(1) – Intervention du docteur Abderrahmane Mebtoul versée au forum de Paris qui s’est tenu au siège Unesco France du 28/31 mars 2008 en présence de plus de 3000 personnalités internationales des deux rives de la méditerranée.
(2) – Communication du docteur Abderrahmane Mebtoul « Le développement de l’Afrique :un enjeu majeur » suite à l’invitation de M. Steve GUNDERSON Président et Directeur Général du Council on Foundations (Conseil des fondations de Washington ) et Miss Jennifer KENNEDY « GCDF Gunderson Council Foundation » qui a été versée à une importante rencontre internationale consacrée à l’Afrique pour ce IIème Congrès qui s’est tenue du 26 au 30 mai 2008 à New York (USA) rencontre co-organisée avec la fondation Bill et Melinda Gates et sponsorisée notamment par les importantes fondations Rockefeller, Ford, MacArthur, Andrew Mellon, Carnegie et Hewlett ,qui a vu la présence de plusieurs centaines de personnalités mondiales, et qui a traité du développement humain à travers les sommets sur l’OMD ( Objectif du Millenium pour le développement) et l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce
(3) – Docteur Abderrahmane Mebtoul revue internationale Economie Advisers Tunis- 15 septembre 2007 « le Maghreb face à la sécurité en méditerranée » et « L’Armée Algérienne nationale face à la problématique de la défense et de la sécurité en Méditerranée »reproduit sur le site international le 30 juillet 2007 www.algeria-watch.org et www.algerie-dz.com/forums-28 mai 2007.
(4) – Intervention de Abderrahmane Mebtoul au siège de l’Unesco ( Paris France 1994) à l’occasion de la fondation de l’Association Europe Afrique « la place du Maghreb dans la stratégie euro méditerranéenne » reproduit lors d’une conférence devant les ambassadeurs accrédités à Alger , édition revue Ministère des Affaires étrangères Algérie volume IV premier semestre 1995.