Algérie : Faux printemps de serre et fleurs en plastique par Kamel Daoud

Redaction

Rappel : Ben Ali a fui. Moubarak a démissionné. Ali Salah a tenté de rester mais a fini brûlé, calciné puis retraité doré. Kadhafi a été lynché. Bachar n’est pas vivant. En Algérie ? C’est le « printemps » autrement, in vitro, sous serre, par et pour le régime. Rappel : Belkhadem a été arraché comme une dent pourrie. Aït Ahmed s’est exilé définitivement. Saïd Sadi a démissionné et Ahmed Ouyahia est rentré chez lui, là où Soltani a annoncé qu’il ne va pas se présenter à un 3ème mandat pour son parti.

Un vrai faux printemps, servi dans un bocal. Comme on a eu droit à un faux multipartisme, une fausse société civile, de fausses élections pluralistes, de faux syndicats, de fausses ONG, un faux pouvoir apparent, de fausses marches spontanées, une fausse menace de l’OTAN pour pousser le peuple à voter contre le changement et de fausses réformes depuis 2011. Les actuels changements à la tête des partis de l’Alliance présidentielle et de l’opposition des années 90 laissent perplexes l’opinion : elle ne sait plus quoi en dire mais ressent un dosage savant de la mise en scène, destiné à occuper la scène justement.

Il y a simulacre de changement et cela est le but de tout changement politique en Algérie.

On parle ainsi de têtes décapitées par une sorte de Bouteflika qui n’est plus content de ses Schérazades du multipartisme contrôlé et dont les destins ne l’intéressent plus. C’est prêter trop de pouvoir à cet homme peut-être. On parle aussi de ses ambitions pour un quatrième mandat avec des têtes de concurrents qu’il coupe avant qu’elles ne pensent à se présenter. C’est de la politique fiction, aussi. On parle de renouvellement de la scène partisane algérienne après la décennie 90. C’est aussi croire au Mehdi Attendu et penser que ces partis incarnent des courants et pas des lignes téléphoniques, traduisent le politique alors qu’ils signifient surtout la dépolitisation massive. Le but de tout ça ? Justement comme dit plus haut, incarner la fameuse formule algérienne : le changement sans changements. A la Poutine, mais à échelle basse. Une sorte de formule de Poutine occulte avec des Medvedev de services.

Donc, cela va encore dépolitiser les Algériens, les repousser vers leurs ancêtres, les obliger à vomir avant de voter, les faire se tourner vers leurs ancêtres et leur zaouïas plutôt que vers l’avenir, les plier vers la terre et la prière. On comprend alors le vrai rôle de Belkhadem et son long feuilleton d’indignité au FLN : il devait incarner l’effet repoussoir au plus parfait et monopoliser l’intention sur un cirque et pas sur ce qui se passe dans le dos du cirque. Belkhadem fait oublier in Aménas, la question des responsabilités, les têtes qui devrait tomber à la place des têtes des acteurs, la responsabilité et l’impunité. Et il a réussi. Par un don incroyable à la salissure et au manque d’honneur. Un vrai Kadhafi de salon, avec le même accoutrement de clown identitaire, la même mégalomanie et les mêmes recettes de violeurs de foules. Le Régime laissera donc faire son lynchage comme l’OTAN a laissé faire celui de Kadhafi. Les deux le méritent d’ailleurs. A la fin ? Un faux printemps contrôlé. Rien n’a changé en Algérie depuis 2011. Sauf sur papier ou par le plastique

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