Algérie-Maroc : De la guerre des sables, aux attouchements sexuels par Kamel DAOUD

Redaction

Qu’est-ce qui ne fait pas l’actualité ces jours-ci ? Les relations entre l’Algérie et le Maroc. A force d’autisme, ce bilatéralisme tumultueux est devenu lassant : personne n’en parle, sauf les journaux qui en vivent. On est tombé des hauteurs des guerres stratégiques, guerres de sables, Amgala 1 et 2 et autres joutes internationales, vers le fait divers low-cost : un ado algérien condamné pour attouchement sexuel présumé sur un enfant marocain. Puis, en écho, quelques semaines après, un épicier marocain condamné à Rabat pour attouchement sur une enfant algérien, fils d’un diplomate selon les médias marocain. La raison ? On n’a rien à dire et à faire : cela stagne au point où cela a fini dans le commérage et les ragots sexuels. « Les Marocains ne veulent pas faire un geste » nous dira, ces derniers temps, un très haut placé du régime local. Les Marocains ?  « Les Algériens ne veulent pas bouger sur la question du Sahara » nous diront des amis. vieilles positions d’avant l’invention de l’Islam ou de l’animisme.

A la fin ? Les plus futées des gens comprennent que le problème entre les deux régimes est psychologique. Quelque chose d’irrationnel que l’on n’arrive pas à analyser du point de vu des économies d’échelles et des intérêts communs. C’est vieux, difficile à comprendre mais cela persiste. Il en est né une génération, dans les deux camps, qui ne connait pas le pays voisin, sa culture, ses gens, ses humanités. Le Maroc est plus loin, dans les esprits algériens, que le Japon : c’est désormais un souvenir de parents, pas un souvenir de vacances et cela est terrible. Terrible car il est plus facile de faire des guerres avec des générations qui ne se connaissent pas, qu’avec des voisins qui ont longtemps partagé. Les deux régimes d’un côté comme de l’autre ont désormais besoin du conflit alimentaire qu’est devenu le différend algéro-marocain.

On comprend alors que c’est un mauvais sujet même pour une chronique. A peine le poids d’une paupière sur un œil qui dort. Rien de nouveau à l’ouest du Maghreb qui ne se construit pas mais qui dérive avec la lente puissance et irréversibilité des continents. Il faudra attendre la fin d’une génération ici, et la fin d’une adolescence là-bas peut-être pour que cette terre puisse enfin se visiter et que les deux peuples puissent se reconnaître et se fréquenter.

Car quand on y pense, le Maghreb a connu des frontières plus terribles que la mer et le ravin ou le visa : celles qui séparent, dans la xénophobie, la sous culture, le déni, les jalousies horizontales, les trois pays noyau dur de cette région : on ne connait rien des Libyens que leur désastre ou leur clown lynché. On ne sait rien des Tunisiens que leur carte-postale et quelques insultes sur leur servilité supposée. Le Maroc est un ennemi intime pour des raisons surréalistes et la Maurétanie un arrière-pays entre l’africanité rejetée par racisme et une maghrébanité à peine admise par les esprits. Donc parler des relations entre l’Algérie et la Maroc, c’est brasser du vent face à un ventilateur : cela ne sert à rien. Rien n’existe entre ces deux pays sauf que ce que disent les journaux des deux pays. C’est une terre morte, une région tiède, une guerre froide, un pourrissement.

Et donc on est tombé bien bas : on en est aux attouchements sexuels et aux échanges pédophiles. Misères et étroitesses d’esprits qui ont transformé la moitié du Maghreb en un fait divers au lieu d’en faire un pôle de puissance. Piégé entre un roi qui veut jouer à être un Président (par ses fausses réformes) et un Président qui aimerait finir en roi avec un 4ème mandat.