Daech, le fils : mais qui est le père ? Par Kamel Daoud

Redaction

Updated on:

DaoudMais qui est son Père ? Daech est le nom de l’extrême-droite d’al Qaïda. Un enfant de l’enfant de l’Afghanistan. Un extrémiste encore plus extrême. On n’est plus dans la figure et le style du Djihadiste des années 1970-80, ni dans la franchise Ben Laden, de la décennie 2000. C’est encore plus violent, plus ambitieux, plus fort, plus loin : une véritable résurrection du Moyen-âge. Un califat, pas une contre-croisade.

Un pays al Qaïda, pas seulement un réseau, un maquis ou des cellules dormantes. Daech est même devenu un étrange nom de Monstre. Dans la catégorie sombre : Daech. A répéter trois fois avec la langue, on finit par en éprouver presque de la peur et entrevoir l’image d’un animal souterrain qui émerge sur les terres pour manger les montagnes et les gens.

La question est donc celle de la biologie : tout monstre a un père. Et une Mère. C’est la plus ancienne loi du genre. Daech est donc le fils de qui ? Au choix, selon la planète Internet, les théories du complot, les dictatures voisines, les USA, les officines, le DRS mondial ou les erreurs génétiques de laboratoires.  Certains croient qu’il est l’enfant lointain de Bush le fils. Ce Président américain a tué Saddam, envahit l’Irak et a fini par ensemencer le djihadisme, père de Daech.

Il y a eu donc Bush le Père, puis Bush le fils, puis Daech, le petit-fils.

D’autres pistes explorent la piste légendaire de la CIA : l’armée islamique, pseudonyme de Daech, serait une création pour affaiblir les résistances dans la région et faire revenir les USA dans le dos de la Syrie, dans le flanc de l’Iran, sous le nez de la Russie et au grand bonheur de l’Arabie. Daech serait une pauvre marionnette hallucinée, jouant à rabattre du gibier régional et des peuples en déroutes.

Pour d’autres analystes plus perspicaces, Daech est l’enfant secret de Bachar al-Assad. Le bonhomme boucher a très tôt compris le bénéfice qu’il y avait à « djihadiser » la révolution de son peuple : il a commencé par lâcher dans la nature, aux premiers jours des soulèvements, les pire djihadistes de ses prisons. Aujourd’hui, il en épargne, selon les comptes-rendus, les villes conquises par l’armée de Daech et ne les attaque que lorsqu’elles sont reconquises par l’armée syrienne libre. Daech serait sa création discrète et géniale et qui s’autonomise doucement. Son calcul est que le monde qui ne l’aime pas, va finir par l’appeler à l’aide : à choisir entre deux monstres, on choisi celui qui semble le moins monstrueux. La technique est de pousser l’opposition au pire, pour en paraître meilleur.

Daech serait aussi la création des oppositions confessionnelles en Irak, l’enfant lointain de l’Arabie Saoudite, père et mère d’al Qaïda en Afghanistan. On réédite donc la stratégie de barrage qu’on avait expérimenté avec l’URSS.

Dans tous les cas de figure, Daech est un monstre utile. Il sert tout le monde en disant servir Dieu. On le regarde fasciné pour deux raisons : sa voracité et ses idées. Car Daech est aussi le montre intime de la vision religieuse du monde : ses idées sont là, chez nous, partout. « Il est en nous », a dit un éditorialiste.

La loi du genre est sans appel : on crée un monstre, toujours, à partir d’une monstruosité ambiante. Frankenstein est composé de cadavres. Pas de bouquets de fleurs.

Cela fait revenir à la case départ : si Daech est possible, ce n’est pas parce qu’on l’a crée, mais parce qu’il est possible, comme création, chez nous. On le porte et l’emporte. Il est dans les écoles, dans les mosquées, dans les visions démodées et barbares du monde, dans nos convictions et dans nos interprétations. Il suffit de peu de chose pour qu’il émerge : juste un drapeau et des armes. Le reste des idées sont partout chez nous. Nous en sommes le Père, au final.

Quitter la version mobile