La semaine politique de Kamel Daoud. Donc la « Longuetude » et la latitude. Pour la première, on le sait et on l’a vu : ce que cache la moitié de la France, ce n’est pas une histoire coloniale, un passé, une mémoire, mais quelque chose de plus « concierge », de plus terre à mer, de plus bas : de la haine et du mépris et de la frustration et de l’aigreur.
Pieds noirs et mains sales, bras d’honneur car bras ballants. Le geste de l’ex-ministre français de la Défense est un geste de vaincu haineux, de colon perdant, de revanchard poussiéreux. Le visage du bonhomme, en faisant ce geste, était affreux de haines et de bassesses. Il faut voir et revoir le clip : Gérard Longuet des caves Longuet et Cie, propriétaire de terrains de Aïn-Autrefois, tueur d’arabes et voleur de sueur devenu ministre de la Défense d’une France qui n’a pas gagné une seule guerre depuis deux siècles, montre en main. C’est ainsi qu’il faut le regarder. Car une partie de la France a basculé vers l’entre deux guerres, l’entre deux défaite du début du XXème siècle : on le sait par les livres : période propice aux populismes, aux lâchetés, aux purges, aux ridicules et aux racismes.
La France en crise est une France en grimaces, souvent. Le plus surprenant (bien que !) est que maintenant il ne s’agit pas d’une collecte de propos de bistrots, mais de la « politique » institutionnelle : le bonhomme est un élu, un ex-ministre et, désormais, un porte-voix de la droite extrémiste. Une partie de la France voit en lui un héros, un homme « franc », un gaulois qui a dit « ce que nous avons sur le cœur » et prophète contre la défaite, l’auto-humiliation et l’obligation de s’écraser devant les ex-colonisés. Il n’y a qu’à lire les forums sur le net pour comprendre : ce que la France cache, le net vous le révèle : les pires arguments de races et de supériorité. C’est dire à la fin deux ou trois choses : d’abord la droite française va aller vers le pire du ridicule. Après le quota des « arabes », la viande, les mosquées, l’obsession du hallal et le bras d’honneur, on va en arriver aux jets de pierres et aux catapultes. Sarkozy n’est pas un mandat ou deux, c’est une époque ou deux. Ensuite, la guerre d’Algérie n’est pas finie. C’est devenue un commerce, ici et là-bas. A la fin ? Cet épisode va marquer profondément les esprits. Il réactive ce que le régime a déjà « travaillé » : la paranoïa, le complot externe et l’obligation de l’union sacrée contre l’invasion toujours possible. Il va aussi aggraver un peu la fourberie nationale : celle de ceux qui se réclament de « novembre 54 » contre la France.
On aura beau répéter que la France n’est pas habitée que par des Gérard Longuet, il sera difficile de faire passer le message et d’apaiser l’histoire. Le sentiment d’humiliation va se greffer sur le capital anticolonial folklorisé et remettre en mode les rejets et les chauvinismes. Longuet vient de recréer le FLN et l’UDMA des années 50 : le ressentiment des jeunes élites qui ne croyaient plus à l’histoire coloniale et à celle épique de la décolonisation et qui viennent de découvrir que non seulement elle est vraie mais qu’elle continue, sur grands écrans en 2012.