L’Algérie est-elle dans le post-islamisme ? Oui, répond le régime, dans ses grands moments d’enthousiasmes. L’islamisme est vivant partout dans le monde arabe, sauf chez nous : partout il a des présidents et des Guides suprêmes, sauf chez nous où il n’a même pas dix maires dans dix coins perdus du pays. Partout il parle, sauf chez nous où il soupire et explique, par la bouche de Soltani qu’il ne sert à rien de vivre : (nous savons que nous allons perdre, mais nous allons participer aux locales juste pour la forme, avait-il expliqué il y a des semaines). Partout il joue à l’héritier de Dieu et du dictateur honni, sauf ici en Algérie où il perd même ses fidèles d’un parti à l’autre. Partout, il est parti unique du Dieu unique, sauf en Algérie où les partis islamistes sont plus nombreux et plus dispersés que les partis démocrates opposants.
Du point de vue technique, l’islamisme est bien mort ou presque en Algérie : de Abassi et Benhadj ne restent que les sandales solitaires de Benhadj et du Soltani trahis par les siens ou un Djaballah qui n’a plus confiance qu’en sa femme pour la présenter comme tête de liste pendant les législatives. L’islamisme n’a plus de parti, d’ambitions vigoureuses, de milices, de mosquées contrôlée, de guide suprême, de confrérie et de volonté de vivre et de faire revivre la Médine et Errissala. Sa vie se résume à tuer le temps au nord, et tuer des otages au Sahel. L’Algérie premier pays « arabe » à marcher sur la lune et à être dans la bonne voie de la guérison ? Oui, oui répondra Medelci le SG du vrai ministre des AE, Abdelaziz Bouteflika. Sauf que sur le cadavre de Soltani, certains ne voient pas la mort de l’islamisme seulement.
L’islamisme est provisoirement mort politiquement mais, effet curieux, il a tué beaucoup de monde avant et, surtout, le « politique ». Désormais, faire de la politique est un métier honni et un salaire malhonnête, même au nom de Dieu. Donnant une seconde vie au régime, l’islamisme a volé la moitié de la vie des Algériens qui aujourd’hui ne sont pas seulement dans le post-islamisme, mais dans le post-politique, surtout. Les Algériens regardent comme des morts le reste du monde « arabe » en crise entre barbus, militaires et Front de sauvetage de la république. Un mort qui a une immense expérience mais presque plus envie de vivre et de revivre. Avant de crever sur sa route, l’islamisme a servi le régime, l’a fait rajeunir, a fait vieillir les Algériens et a gâché le goût d’agir. Les Algériens s’en retrouvent coincés entre un régime injuste, voleur mais nécessaire et un islamisme qu’ils savent mauvais joueur, idiot et violent.
A la mort du « politique », s’ajoute la mort des idées : aujourd’hui l’Algérie n’est pas un émirat islamiste mais une république Belkhademisé : bigotisme, conservatisme, religion des reliques et des interdits, fatwa et crise du corps et du sexe, retour aux sous-cultures populaires des médecines alternatives et des sorcelleries version Rokia, fatalismes diverses, plus grande mosquée d’Afrique, peur de la mort, repli sur soi. Une religion des plus de 70 pour un pays de 70% de moins de trente ans. Preuve, là aussi, que l’islamisme est mort mais a tué l’envie de vivre autrement que lui et ses idées mortes depuis des siècles.
Conclusion du médecin légiste ? Ce n’est pas l’islamisme qui est mort seulement mais toute envie de vivre, de voter, aller, venir. Les Algériens, coincés entre OTAN et Afghanistan, n’ont plus d’idées politiques à vivre et à défendre : Bouteflika peut facilement se représenter à un 4ème mandat, même après sa mort. Pourquoi ? Il règne sur un cimetière.