L’inévitable France algérienne par Kamel Daoud

Redaction

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La France est-elle nécessaire à l’Algérie ? Vieille question. Ce pays d’en face est dans le dos, à côté, sous le pied et sur le dos. Chaque an on l’accueille un peu et on le quitte chaque été et on y revient pendant qu’il revient en nous, chez nous. Du sel à la bouche, du pain au sein.

Vu d’ailleurs, ce vieux ménage qui n’est pas une histoire d’amour, ni une histoire de célibataires, lasse un peu. Voici ce vieux couple qui a deux religions, une histoire, une guerre et des milliers d’enfants qui ne sont pas heureux et qui agace le monde par ses histoires de ménages et de divorce perpétuel. En gros, et pour résumer, la France est encore nécessaire aux élections algériennes qui y tournent autour comme une interrogation liée à un assentiment. De Gaulle est français mais curieusement l’Algérie politique est très gaullienne. Pas Française mais elle aime trop la tradition de l’homme qui sauve, du militaire messianique, du Général qui unit le pays.

Curieusement l’Algérie tient la France par la périphérie (Banlieue et mosquées), la France tient l’Algérie par le centre (décisions et économie et contrats internationaux). On répète que cela est vers sa fin, alors que cela recommence encore et encore. On dit que les décideurs algériens ont des hôtels en France là où les décideurs français ont des locataires chez nous. Et à chaque élections des nôtres, la France mêle les siens par le bout des doigt. Et à chaque élection chez eux, l’Algérie se mêle au jeu par le jeu de la culpabilité ou de la mémoire. Il y a d’ailleurs trois votes pour chaque élection dit la mauvaise langue nationale : la France vote pour un régime qui élit un président qui accepte de gérer un peuple. Etroitement mêlé par la fascination et la décolonisation et l’assimilation et l’intégration.

A la fin ? La France devient amusante quand elle cède au Salafisme du FN pour croire se débarrasser de l’Algérie. « Salaf » c’est l’ancêtre, selon la traduction. Qu’il soit gaulois pur rêvé ou Arabe noble fantasmé. Les salafistes de la France sont l’extrême-droite, ceux de l’Algérien sont, eux, des islamistes. Les deux rêvent de revenir vers les temps purs où les sangs n’étaient mêlés à la carte de séjour. Mais ? Mais cela n’est pas l’histoire et l’histoire coule vers le lendemain, toujours. Il est amusant de voir comment chacun des deux pays joue à se débarrasser de l’autre puis, lentement, à jouer le visiteur étranger, le vis-à-vis qui tient sa distance, le parfait poli neutre et sans couleur. Il existe cependant, malgré ses détracteurs fiévreux, une « France-Algérienne » qui n’est pas le vœu de la colonisation positif, ni l’oeuvre du pied noir, de la décolonisation ou de l’amour ou de l’entente ou du partage.

C’est le pays violent, des millions de dos à dos, des enfants entre les deux adresses, migrants et coopérants, argents et beaux-parents, échangeant le déni et les malades, premier ministre et dernier migrant, se brasse et fait fondre la frontière par l’inévitable et la proximité. On aura beau à tirer vers la Gaule antique et l’Arabie fantasmé, on ne pourra rien contre la proximité. La France est dans les murs et la pierre et la bouche est au bout du regard. Et l’Algérie est là comme pays d’adossement, marchés et contrats et dans l’assiette et le métro. La décolonisation est aussi impossible que la colonisation, désormais et cela est une cruelle et lourde vérité que l’on assume rarement. En langage de conte, cela vient à conclure par l’absurde : ils divorcèrent et eurent beaucoup d’enfants. Le premier ministre vient de visiter l’Algérie. Il ne sera ni le premier, ni le dernier. Et ce n’est pasun jeu de mot.

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