Le Pays est un fils unique dont le Père est le FLN, la Mère est Sonatrach. Le père a mal vieilli, et on le sait et on le voit tous : au contraire de la décadence biologique, il semble avoir tout perdu, sauf ses dents. Encore longues. On l’a vu épouser les pattes d’éléphant et le non-alignement socialiste pendant ses trente ans, puis l’islamisme conservateur pendant ses quarante ans et la cupidité affolée pour ses soixante ans. Le FLN ne veut plus arrêter de faire la guerre (c’est son essence) et même contre les siens. Il se dévore, se débat et sombre dans une mauvaise vieillesse.
Reste la Mère : Sonatrach. Le FLN a donné à l’Algérie l’indépendance (officiellement), Sonatrach a reconduit sa dépendance. L’entreprise mère de l’Algérie fait aujourd’hui objet d’une énigmatique mise en scène persistante. Belmokhtar au Sud, Khellil au nord, les chômeurs au centre. A cela il faut ajouter les déclarations de l’ex-ministre des Finances Abd EL Latif Benachenhou sur une baisse de production et de compétitivité depuis une décennie et la lettre fracassante de l’ex-vice-Président du groupe, éditorialiste consacré de la mauvaise vie de Sonatrach et ses débauches et qui appelle le général Mediene à sauver l’entreprise victime de trop d’entrepreneurs. Le tout servi au pays, entre scandales de corruption, demandes d’augmentation de salaire, pressions occidentales, caprices de BP and Cie, et à moins d’une semaine de l’anniversaire du 24 février. Que va y dire Bouteflika, en live ou par correspondance ? Rien que du folklore : l’UGTA lui remettra une médaille et il remettra une médaille à l’UGTA.
Quel est donc l’enjeu ? Un mot d’autrefois et qui revient avec dix autres sens : la nationalisation. Les chômeurs de Ouargla demandent justement une re-nationalissation de Sonatrach. Comprendre libérer l’entreprise des réseaux occultes qui y gèrent les recrutements, la rente, les salaires et les sous-traitances. Belmokhtar lui voulait le contraire : une internationalisation de Sonatrach. C’est-à-dire un effet de loupe mondial sur les gisements algériens, leur sécurité et la capacité du régime à le sécuriser (la première légitimité d’un régime pétrolier face à l’Occident : bien garder les puits et assurer la sécurité de l’approvisionnement).
L’ex-ministre de l’énergie ? Lui, on l’accuse d’être allé au-delà de la nationalisation : vers la familiarisation. Comprendre l’origine première du mot : transformer la question en question de famille, parents, proches, amis et neveux. Cela s’appelle népotisme. Ce que Sonatrach représente depuis deux ou trois décennies : une entreprise familiale, juteuse, bonne à traire, source d’argent, un Etat dans l’Etat mais surtout une famille à l’intérieur de la Famille. Immortel en Algérie, Khellil est mortel en international. Il est aujourd’hui soupçonné de grosses corruptions sur de gros contrats géostratégiques avec des italiens. Et cela a un effet dominos sur Bouteflika aux yeux de l’opinion.
Et le peuple ? Il a peur d’une internationalisation de Sonatrach sur le mode du pétrole libyen ou irakien. Quand on est riche et sans forces, les coupeurs de routes sont nombreux. Selon la perception algérienne, le forage a commencé au Mali pour atteindre les puits de notre sud. Les Algériens parlent alors de la nécessité d’une hyper-nationalisation de Sonatrach.
Et le DRS ? C’est la lettre ouverte d’un ex vice-Président de Sonatrach, reprise par El Watan puis par le net, qui fait songer à la dernière piste : on demande aux « Services » une vraie nationalisation de Sonatrach objet d’une double sollicitation dangereuse : une internationalisation forcée ou une privatisation discrète.
Le peut-on ? On ne sait pas. L’entreprise va mal. On le sait tous. A coté, le pays n’est qu’une APC en crise.