La semaine politique de Kamel Daoud. L’évènement de la semaine ? Au choix : les mémoires de Chadli qui vont révéler ce que l’on sait. Les prochaines élections qui peinent à trouver des candidats car être maire ne paye pas. L’adhésion du Qatar à l’organisation mondiale de la francophonie. Les repentirs succinctes et en bas de page de l’histoire de François Hollande sur les évènements (alias le massacre) du 17 octobre 61. Prenons le fil par le bout.
Un, le repentir. A quoi s’attendaient les Algériens ? Un grand cri brisé de chagrin, avec reptation à genoux et mille excuses pour un million de crime ? La question des excuses de la France a été tellement investi de tragédie que lorsque le Président français, l’actuel, a fait un petit geste des sourcils en hommage aux victimes de Papon, il y a eu comme une déception insonore : la demande d’excuse à la France est finalement plus importante, plus élogieuse, plus enivrante et plus épique que les excuses françaises elles-mêmes. L’autre question est celle des générations actuelles, pragmatiques, utilitaires et sans illusions utopistes et ni rancunes internationales ou capital révolutionnaire : à quoi peuvent servir des excuses de la France puisqu’on y va, on s’y soigne, on y reste et on y décide pour nous ?
La repentance est un concept encore plus flou pour les Algériens post 62 que pour les français d’avant 62. La raison ? Évidente : il y a eu d’autres guerres après la guerre contre la France. D’autres crimes. D’autres tortures. Certes sans communes mesures, mais allez dire à un torturé d’octobre 88, de l’époque Nezzar, que la torture était plus douloureuse dans les caves d’Aussaresse et de ses patrons. La France doit donc assumer mais l’Algérie aussi.
Et le Qatar ? Ce pays a mauvaise presse en Algérie. A cause du Pouvoir qui aime le fréquenter mais qui veut que les Algériens le détestent. A cause de la Syrie et du rôle du Qatar sponsor du printemps « arabe » selon certains. A cause de l’influence de ce pays de plus en plus grand que sa propre surface. Et à cause aussi de la réussite de ce pays. Inconnu comme daïra il y a dix ans, il est inévitable comme empire aujourd’hui. D’où la question à la mode assise des algériens : pour qui roule le Qatar ? Question numéro un du catalogue de la paranoïa algérienne. Le Qatar roule donc obligatoirement pour les USA ou Israël et l’Occident car sans cela sa réussite devient inexplicable pour les fatalistes. Selon la paranoïa locale, c’est un agent, un cheval (chameau) de Troie, un agent double, un pays triple, un agenda. Et si le Qatar ne roulait que pour le Qatar ? Et si ce pays avait «compris » les leçons du 20 ème siècle ? Et s’il avait saisi l’importante d’avoir un empire sur les médias, le Show-biz, les banques et le soft power au lieu de se gargariser de front de refus, de Djihad, d’islam et de nationalismes sans issue ? On peine à le comprendre chez nous : ce pays est une entreprise, pas un hymne qui ne se mange pas. C’est à prendre ou à laisser. Le Qatar a donc fait ses choix : depuis la mi-octobre il est membre « lourd » de l’organisation internationale de la Francophonie. Contrairement à l’Algérie second pays francophone. Le Qatar parle donc français ? Non, il parle Qatarien. Langage simple, binaire, composé de zéro et de milliards. D’intérêts et de lobbys. Conjugué à son plan d’investir le vide des banlieues françaises, cet émirat aura dans dix ans l’influence qui manque au Maghreb en France. Le Qatar décidera, fera, dira et imposera alors qu’il s’agit de nos exilés, de nos immigrés et de nos français de souche algérienne ou autre. Le Qatar se bat pour sauver le Qatar et achète ce que nous, au nom de la paranoïa et du nationalisme de Val de Grâce, on refuse aux nôtres et à notre pays.
Reste la question des maires et des prochaines élections. Qui s’en occupe ? Personne. Déjà Ould Kablia, le ministre de l’Intérieur, a annoncé la couleur fade en expliquant que l’abstention est et sera « normale ». Être maire c’est comme être le peuple : cela ne décide pas, ne peut posséder à la fin d’un mandat qu’un lot de terrain là où le pouvoir désigné possède le pays, ne pèse rien devant un chef de Daïra et va en prison plus fréquemment qu’un wali qui a plus de pouvoir et plus d’argent et moins de yeux sur le dos. Avec des élus sans pouvoir, veules, cupides, imbéciles et sans utilité, le Pouvoir a fini par convaincre le peuple qu’il ne sert à rien d’être le peuple, qu’élire c’est mauvais, qu’il vaut mieux laisser le pouvoir au Pouvoir et pas aux urnes. En dernier ? Chadli, son livre, sa vie, son œuvre. On attend ce livre. Mais déjà on connait l’histoire, le début, la fin et les faux personnages. Pourquoi attend-on donc ce livre ? Juste pour confirmer pas pour révéler, disent les sceptiques.