Plus de 100 milliards de dollars ont filé sous le nez de l’Etat algérien ces dernières années. Oui, tous ces milliards ont échappé aux caisses de l’Etat, a reconnu ouvertement le ministre des Finances, Karim Djoudi, d’après lequel ces gigantesques sommes sont, en réalité, des créances détenues sur des entreprises assainies ou dissoutes.
Mais où est parti tout cet argent et n’y-a-t-il vraiment pas un moyen pour le récupérer ? A cette question, le ministre algérien n’a fourni aucune réponse satisfaisante même s’il a avoué que ces milliards « sont perdus en raison de l’inexistence d’actifs en mesure d’être récupérer par les liquidateurs ». Peut-on se contenter de cette version des faits ? Un ministre peut-il donner une telle réponse sereine alors qu’on parle là d’un paquet d’argent avec lequel on aurait pu métamorphoser tout un pays ? Le citoyen algérien est, aujourd’hui, ébahi par l’attitude d’un haut commis de l’Etat qui ne laisse transparaitre aucune indignation, aucune colère ni regret face à un tel scandale. Oui un scandale qui ne dit pas son nom car ces milliards perdus, ce sont aussi, et surtout, des hôpitaux neufs, dont ont besoin des régions entières, qui ont été perdus aussi.
Ce sont aussi des routes bitumées, des logements sociaux, des écoles, lycées, des usines et des entreprises qui ont été perdues. Un nombre incalculable de postes d’emploi et de postes budgétaires auraient pu être créés. Combien d’universités aurait-on pu bâtir avec tout cet argent ? Combien de bourses d’études aurait-on pu accorder aux étudiants nécessiteux avec tous ces milliards ? On peut continuer à se poser à l’infini de pareilles questions tellement ce gâchis dépasse l’entendement. Un gâchis qui s’explique uniquement par l’incapacité de tout un Etat à recouvrir des impôts ? C’est à peine croyable. Et c’est tout simplement pas convaincant.
Sous la pression de quelques députés de l’APN, Karim Djoudi a fini par lâcher le morceau pour avouer qu’au moins 5000 milliards de Da, à savoir 50 milliards de dollars, représentent l’amende judiciaire de la banque privée liquidée BCIA. Une banque qui fait banqueroute dans des circonstances sombres. En réalité, il s’agit d’un autre grand scandale qui n’a jamais livré ses secrets. Un procès compliqué, et expéditif, n’a pas pu démêler le vrai du faux dans cette obscure affaire. Officiellement, en juin dernier le fondateur de la banque et 42 personnes condamnés à la prison. Ces personnes ont été jugées pour « blanchiment d’argent » et « détournement et dilapidation de deniers publics ». Dans ce scandale, la Banque extérieure d’Algérie (BEA) a déploré, à elle-seule, une perte estimée à 13,2 milliards DA. Comment et pourquoi ? Aucune enquête sérieuse n’a été entamée et aucun rapport exhaustif n’a été dressé par une quelconque instance officielle. Un simple procès, reportée à maintes reprises, a fait passer sous silence une énorme combine mafieuse.
De leur côté, les propriétaires de cette banque privée ont crié leur innoncence et ont dénoncé une « mise en faillite, sur décision autoritaire de l’administration, pour des motifs contestables » ! Le mystère ne sera jamais élucidé et ce n’est qu’en 2013 qu’on nous apprend que ce scandale a fait perdre à l’Algérie 50 milliards de dollars alors que la chute de l’empoire Khalifa n’a causé, quant à lui, qu’un préjudice de 5 milliards de dollars à l’économie nationale. Dans un pays qui se respecte, ces chiffres provoquent une révolution et vacillent tout un régime.
Karim Djoudi, qui a retrouvé sa langue, a encore expliqué que 3.000 mds de DA, soit 30 milliars de dollars, restants, sont des dettes fiscales pendantes détenues sur plus de 1.000 entreprises publiques qui « ont été dissoutes ». Et là encore, le ministre n’ose nullement revenir sur les circonstances des dissolutions de ces entreprises. Là encore aucune enquête n’a été diligentée, aucune commission parlementaire ou ministérielle n’a été chargée de délivrer un rapport complet sur des entreprises publiques florissantes dans les années 80 et 70, mais qui ont fini par mettre la clé sous le paillasson dans les années 90 et 2000. Certes, l’économie planifiée avait ses travers. Toutefois, cela justifie-t-il que 1000 entreprises disparaissent sans laisser aucune trace ? Ces entreprises n’ont-elles pas laissé un patrimoine, des actifs financiers, des biens ? Des questions, encore des questions et toujours des questions.
Au pays de la langue de bois, de la gouvernance par mensonge, de la gestion par la fuite en avant et la déresponsabilisation excessive, toute question, aussi légitime soit-elle, ne trouve pas de réponses tellement l’impunité règne en maître incontesté. Et tant que nos hauts responsables jouissent de cette insupportable impunité, notre pays continuera à perdre « par magie » des milliards de dollars. L’hémorragie risque de se poursuivre jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun centime dans les caisses de cet Etat mafieux.