Le monde est en ébullition et l’Algérie est aux abonnés absents. Le monde arabe s’apprête à subir une énième guerre et l’Algérie joue la carte du silence et de l’indifférence. Et pourtant, c’est un pays ami, frère, avec lequel nous avons partagé une longue et séculaire histoire, qui risque d’être agressé à n’importe quel moment.
Oui, la Syrie est un pays ami. Oui, la Syrie et les Syriens ont soutenu l’Algérie dans les moments les plus délicats de notre histoire. La Syrie et non pas le régime d’Al-Assad. Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire ces deux dernières années à travers une intense campagne médiatique menée tambour battant, la Syrie est beaucoup plus ancienne que ce régime criminel que tout le monde rejette et dénonce. Les Syriens, ce peuple brave, mérite certainement mieux que ce régime totalitaire. Mais les Syriens et la Syrie, ce pays tolérant et diversifié, méritent mieux aussi qu’une lâche et terrible agression. Le bon sens, la justice, l’équité, et toutes les autres valeurs qui ont façonné notre humanisme exigent de nous une mobilisation contre cette intervention militaire à laquelle se préparent les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne et leurs valets des monarchies du Golfe. Aujourd’hui, cette intervention militaire est imminente. Tout indique qu’elle sera financée par les monarchies richissimes et vieillissantes du Golfe.
Tout indique que cette guerre sera atroce, terrible et meurtrière. Elle fera des milliers de victimes. Et ces dernières ne seront pas comptées uniquement parmi les rangs du régime d’Al-Assad. Ces victimes ne seront pas toutes des militaires armés. Non, nous avons suffisamment subi les mensonges des guerres passées pour ne pas tomber dans le piège qu’essaient de dresser les chapelles médiatiques occidentales. L’histoire nous apprend aussi qu’on n’élimine pas un régime impopulaire avec des frappes chirurgicales. On ne se débarrasse pas d’un dictateur en soumettant son peuple à un bombardement massif. On n’instaure pas la démocratie en assassinant, même par erreur, des enfants innocents.
L’Algérie a connu aussi son lot de souffrance. Elle sait parfaitement que des mensonges médiatiques peuvent justifier l’innommable. Consciente de la catastrophe qui va se produire, elle ne dit pourtant rien ! Naguère un pays fort de sa diplomatie active, imaginative et respectée, l’Algérie d’aujourd’hui se contente d’écouter et d’exprimer, à peine, ses réserves. Le déclin est impressionnant. Il est l’heure de se réveiller.
On ne peut pas rester les bras-croisés face au drame que vivent nos frères syriens. Les Algériens ne peuvent pas avoir la mémoire courte. Ils ne peuvent pas oublier que « de nombreux Syriens, dont des médecins, se sont engagés aux côtés des Algériens pendant la Révolution », comme aime à nous le rappeler Kamal Bouchama, ancien ambassadeur algérien à Damas. Celui-ci ne manque pas de nous rappeler aussi que l’ancien président syrien Noureddine Al Atassi, renversé par Hafedh Al Assad, avait participé personnellement
à la Révolution, au maquis, en particulier à la frontière algéro-tunisienne, puis était resté à Alger pendant les premières années de l’indépendance avant de retourner dans son pays.
Même l’ancien ministre des Affaires étrangères syrien, le docteur Brahim Makhous, s’était engagé comme médecin auprès des combattants de l’ALN. C’est dire que l’élite syrienne s’est engagée corps et âmes pour défendre la cause de l’Algérie.
Et maintenant, qu’allons-nous faire ? Oublier tout cela et jouer l’amnésie ? L’Algérie ne peut certes pas s’opposer à une intervention militaire d’une grande envergure. Mais rien n’empêche sa diplomatie de tenter des efforts, de condamner vigoureusement, et d’épauler humainement des réfugiés syriens en détresse. Rien n’empêche aussi la société civile, les partis politiques et les associations de se rassembler pour crier leur indignation. Malheureusement, le drame syrien est en train de prouver que l’Algérie souffre d’une grandiose aphasie…