De toutes les infortunes- elles sont nombreuses- qui affectent l’existence d’un jeune en Algérie, le désespoir est la pire. C’est une affaire entendue; on en est arrivé là, en Algérie.
Mais paradoxalement, c’est l’énergie du désespoir qui pousse les jeunes à forcer le destin pour lui arracher leur du. Cela lorsque ce n’est pas celui-ci qui leur arrache la vie.
Quand un jeune algérien voit l’horizon de ses espérances se boucher dans la terre qui l’a vu naître, son regard transcende cet espace immédiat pour aller guetter la délivrance au-delà de la mer. Personne n’est prophète en son pays, dit-on; l’algérien, lui, ne se sent plus chez lui, tout court.
Étranger sur sa propre terre, il cherchera un autre pays de substitution. La frustration et le manque de perspective le rongent méthodiquement de l’intérieur. Pour sauver son âme, il a besoin de sauver sa peau. Et fuir l’amertume d’une réalité qui grignote chaque jour un peu plus son idéal de liberté.
Une liberté désormais associée dans l’esprit d’une partie des algériens à l’exil vers cet occident opulent et où il fait, paraît-il, bon vivre. Les plus déterminés jetteront leur courage et leurs ultimes forces dans des embarcations incertaines pour défier la haute mer, afin d’atteindre leurs horizons.
Harragas ! C’est ainsi que l’on appelle ces aventuriers de la liberté, ces hommes et ces femmes qui aiment tellement la vie au point de tenter la mort.
Certains atteindront leurs horizons, mais l’herbe n’est jamais aussi verte ailleurs, comme on le prétend.
D’autres buteront sur l’écueil du chavirement, leurs corps seront offerts à la mer, en guise de sacrifice humain pour que vive la liberté.
On lira des oraisons en leur honneur bafoué. Mais ce qui importe une fois qu’ils ne sont plus de ce monde, c’est que la mémoire collective retienne cette évidence: c’est par la faute de leur gouvernants que leur gouvernail s’est brisé…
Fayçal Anseur