Le Qatar, c’est le diable en personne. En Algérie, on le maudit, on l’invoque en permanence pour expliquer tel ou tel complot. Le Qatar, c’est l’incarnation par excellence de la « complotite aïgue » dans l’esprit Algérien. Et bien sûr, tout ce qui nous arrive comme problème, c’est à cause de ce satanique petit émirat qui manipule tout le monde avec sa célèbre chaîne de télévision, une araignée médiatique, Al-Ajazeera. Petit par la géographie, mais grand par la roublardise diplomatique, la ruse politique et la bonne exploitation de la richesse économique, le Qatar gêne et dérange les Algériens qui ne comprennent pas comment leur pays, le plus grand pays d’Afrique, n’arrive même pas à réaliser le un dixième de ce que ce petit pays a réussi à faire ces dernières années.
Mais au lieu de se remettre en cause et de faire une auto-critique, les Algériens s’acharnent et diabolisent l’autre, cet autre accusé de tous les maux : financement du terrorisme, du djihadisme, des mouvements islamistes, soutien aux fanatiques, etc., les arguments ne manquent jamais pour obscurcir l’image de ce pays arabe qui serait à l’origine de toutes les révoltes, ou plutôt les évènements regrettables pour reprendre la terminologie de la presse algérienne, qui secoue le Monde Arabe depuis plus de deux ans. Le Qatar, ce méchant pays est au coeur d’un nouveau discours médiatique et politique qui joue volontiers sur la peur, l’angoisse et l’inquiétude. Méfiez-vous de cet ogre qui menace d’aspirer votre âme, et faites cause commune avec vos autorités qui vous protégeront contre le danger. Voici le message subliminal de ce discours diabolisant. Mais, justement, ces mêmes autorités brillent par leur absence lorsqu’il s’agit de protéger l’Algérie contre la dépravation financière, la dépendance économique et les inégalités sociales. Mais quelle est exactement la responsabilité du Qatar dans la décadence morale, économique et politique que vit l’Algérie depuis des années ? Le Qatar est-il l’importateur de la corruption en Algérie ? Tous ces scandales de détournements des deniers publics et ces affaires de pots-de-vins sont-ils une invention d’Al-Jazeera ? Et la dilapidation de la richesse nationale, les injustices sociales, le chômage massif et la précarité des jeunes, la violence à l’égard des femmes, les kidnappings d’enfants, les dégâts des intempéries, tous ces problèmes ont-ils été imposés à l’Algérie par l’Émir du Qatar ?
Les tenants de la diabolisation ne répondent guère à ces questions. Ils se contentent comme toujours de répandre des théories politiques qu’ils ne prennent même pas le temps de bien analyser. Que le Qatar joue un rôle géostratégique controversé, et même dangereux, cela ne constitue nullement une découverte extra-ordinaire. Toute puissance régionale tente de défendre ses intérêts au détriment de ses voisins. Toute puissance émergente dispose de son agenda pour propager son influence. Le Qatar n’a pas inventé le soft power. Il se contente juste de tirer avantage de sa situation financière pour gagner une place sur l’échiquier mondial. Le Qatar entre dans le capital des grandes entreprises internationales pour imposer ses choix alors que l’Algérie fait fuir avec sa bureaucratie et sa mauvaise gestion les investisseurs. Le Qatar organise une Coupe du Monde tandis qu’en Algérie, nous n’avons même pas encore un stade avec une pelouse digne de ce nom. Et lorsque les villes algériennes tombent dans la déchéance urbanistique, le Qatar modernise ses villes et offrent à sa population des équipements publics de qualité. Oui, le Qatar aspire à devenir une puissance et il le démontre chaque jour. Il faut certainement s’en méfier. Surtout dans un pays comme l’Algérie, où les bras sont toujours croisés et les langues bien pendues…