Chakib Khelil : bras d’honneur ou bras-de-fer ?

Redaction

Notre ancien ministre de l’Energie et des Mines a retrouvé sa parole. Fini le temps où sa langue était pliée par un silence mystique. Aujourd’hui, Chakib Khelil s’exprime et fait entendre sa voix. Sa langue se délie et son esprit se reconnecte à la réalité.

Les Algériens sont désorientés, ébahis et éclaboussés. Oui, ce sont nos compatriotes qui sont éclaboussés et non pas cet ancien ministre impliqué dans un scandale rocambolesque. Pour la première fois, un ex-décideur met en place un plan de communication digne des fictions américaines. Pas d’images pour l’heure. Mais les mots sont lourds de sens.

Chakib Khelil choisit d’abord une agence d’information américaine, Dow Jones Newswires qui est une institution de la presse économique et financière, pour commenter, et démentir surtout, les déclarations faites par le Procureur de la cour d’Alger. Chakib Khelil a d’abord fait sa vierge effarouchée. Il a tout nié. Tout réfuté en bloc et en détails. Lui est innocent. Oui, vous avez bien lu, le ministre qu’il était n’a jamais touché de pots-de-vin, n’a jamais favorisé une campagnie étrangère pour décrocher des contrats pétroliers, n’a nullement joué un rôle controversé dans le scandale de corruption Sonatrach-Saipem. Qui a donc volé tout cet argent ? A qui les Italiens ont versé des pots-de-vin ? Mystère.

Le lendemain, tonton Chakib se livre au confessionnel dans trois quotidiens arabophones. Une stratégie bien étudiée puisque les deux quotidiens El Khabar et Echorouk sont édités, à eux-seuls, à presque un million d’exemplaires. Contrairement à d’autres publications francophones, au tirage beaucoup plus modeste, ces deux quotidiens garantissent à Chakib Khelil un immense impact médiatique. Dans une longue interview, Chakib Khelil répond à tout. Mais sans tout dire. Première surprise, il ne serait pas américain. Oui, lui Chakib l’américain, n’aurait jamais eu la nationalité américaine. Un véritable coup de pied dans la fourmilière. L’ancien protégé d’Abdelaziz Bouteflika en rajoute une couche quand il défie la justice algérienne. Il se dit prêt à revenir, mais à condition de bénéficier d’un procès équitable.

C’est un terrible pied de nez aux juges Algériens. Le message est explicite : quand vous saurez organiser un procès digne de ce nom, je reviendrai. C’est lui, le « présumé coupable », qui fixe les règles du jeu. Et nos juges peuvent aller se rhabiller. Ils doivent s’assurer, d’abord, que le mandat d’arrêt a bel et bien été lancé parce que monsieur Chakib est persuadé que tout cela n’est qu’une « rumeur », « inquiétante » certes, mais uniquement une « rumeur ». Et une justice de rumeur n’est guère digne de respect.

Quant au scandale en question, Chakib Khelil promet de parler au moment opportun. Pour l’heure, il ne veut révéler aucun détail. Lui, l’innocent, bien sûr, connaît toute la vérité sur ces sales affaires dans lesquelles sont impliquées de grandes personnalités occupant d’importants postes au sommet de l’Etat. « Ce vaste réseau de corruption qui s’étend sur quatre continents », pour reprendre l’expression du Procureur de la cour d’Alger, Chakib Khelil il le connaît bien. Il nous dira donc tout. Patience. Oui, il faudra patienter le temps que ce bras-de-fer qui l’oppose à la justice algérienne, et à certains clans au pouvoir, prenne fin. Et avant cela, sa sortie médiatique prend bel et bien les allures d’un bras d’honneur magistralement lancé aux autorités algériennes.