L’Algérie et le pétrole, une histoire d’amour qui dure depuis des lustres. Une histoire d’amour que rien ne semble pouvoir arrêter. Ni les aléas du temps, ni les soubresauts de l’histoire, ni même les catastrophes économiques suscitées par une très forte dépendance aux hydrocarbures.
L’Algérie est droguée au pétrole. Une toxicomanie pétrolière si maladive et si obsessionnelle. Oui, aujourd’hui, nos dirigeants développent des obsessions autour du pétrole, des barils, des pipelines, du gaz et des gazoducs. A les entendre, dans la vie, tout ce qui compte est d’avoir un bon prix de baril de pétrole. Ce qui importe pour l’Etat algérien, c’est la découverte de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. C’est le seul espoir d’une vie heureuse. C’est le seul symbole qui unifie les rangs, rassemble la population et calme les angoisses. Le pétrole, encore et toujours, est le sang qui coule dans les veines des Algériens.
Le Maroc a son cannabis, le Yémen a son Khat, la Colombie a la cocaïne, l’Afghanistan l’opium, et l’Algérie le pétrole. Preuve en est, en cette période où la conjoncture économique et politique ne laisse rien présager de bon pour l’avenir de l’Algérie, note gouvernement est vite monté au créneau pour annoncer la grande nouvelle : « l’Algérie continue à découvrir des gisements de gaz et de pétrole dans des régions faiblement explorées », dixit Youcef Yousfi, le ministre de l’Energie et des Mines. Dans une sortie médiatique attendue, et crainte, après la chute libre de l’excédent commercial algérien en raison des baisses des exportations des hydrocarbures, notre ministre a assuré que l’Algérie va « doubler sa production d’hydrocarbures d’ici 7 à 10 ans ».
Et pour ce faire, a-t-il expliqué à l’agence américaine Bloomberg, l’Algérie « est en train d’évaluer les régions faiblement explorées dans le sud-ouest du pays, où des découvertes de pétrole et de gaz ont été faites il y a deux semaines ». Oui, l’Etat Algérien, contrairement à ce que rapporte les mauvaises langues, fait des efforts et cherchent des solutions. Son plan consiste à creuser encore des puits, faire des forages, ruiner le désert et épuiser ses ressources. C’est la seule stratégie économique qui est imaginée par nos décideurs. Pas besoin de think thank, de prévisions à long terme ou de réflexions approfondies. Le pétrole, encore plus de pétrole. Un point c’est tout ! D’ailleurs, face aux mauvaises performances de notre pays, il n’y a que Youcef Yousfi qui a réagi. Aucun autre ministre ou responsable ne se sent concerné.
Monsieur pétrole doit s’expliquer et c’est à lui de proposer des solutions puisqu’il n’y a rien d’autre en Algérie. Oui, rien d’autre. Les 38 millions d’Algériens ne sont capables de rien. Ils ne savent pas travailler, réfléchir, imaginer, innover, créer et monter des projets ou des industries. Un Algérien, tout ce qu’il sait faire est de forer un puits de pétrole. Chercher des gisements de pétrole et de gaz, c’est la mission qui incombe à chaque Algérien en bonne santé mentale et physique. Ce discours et ce conditionnement mental est toujours d’actualité y compris aujourd’hui dans un monde en pleine mutation. Un monde où les gisements de bon sens, d’intelligence économique et de stratégies visionnaires, porteurs de perspectives nouvelles, sont beaucoup plus prisées que les gisements d’hydrocarbures. Mais ce constat, les dirigeants algériens ne pourront jamais le dresser car ils sont encore enivrés par l’odeur du pétrole. « Le pétrole me paraît très nettement être l’odeur la plus parfaite du désespoir humain, si le désespoir humain a une odeur », disait l’écrivain Pierre Mac Orlan. Difficile de trouver des mots qui contiennent une aussi grande sagesse… surtout lorsqu’on est « un pétrolomane » algérien…