L’heure est grave, les évènements sont historiques. La traînée de poudre est allumée au Maghreb, et la première déflagration s’est faite entendre en Tunisie. Ben Ali et sa smala ont fui le pays. Alors qu’ils sont désormais des personæ non gratæ au nord ; on leur offre des palais sur la terre sainte.
L’occident ne soutient plus un dictateur dont le peuple n’est plus soumis ; l’orient arabe ne lâche pas un allié dans la tourmente. Rien de nouveau sous le soleil de la realpolitik. Business is Business. Belle hypocrisie, bien connue de nos « amis » les gouvernements civilisés. Solidarité oblige entre tyrans arabes.
Mais, combien faut-il de Mohamed, de Mohcen sacrifiés par le feu, combien de citoyens tombés sous les balles assassines de la police et de l’armée, combien de harragas « mangés par les poissons », pour que ces régimes de la honte débarrassent le plancher ?
Jusqu’ici le mal vivre acculait les malheureux à braver, au péril de leur vie, la haute mer sur des embarcations de fortune à la recherche d’un probable soulagement sous d’autres cieux. Mais, malgré le danger, c’était l’instinct de survie qui s’exprimait en eux. Aujourd’hui, la mort semble devenir leur voie vers le salut. Et quelle mort : par le feu !
La tradition islamique interdit le suicide. Et pourtant, des personnes se donnent la mort. Pour le musulman, le feu est le châtiment que Dieu réserve à l’âme pourrie dans l’enfer de Jahanam. Et pourtant, des personnes s’immolent par le feu ici bas.
Il faut être fou, ou terriblement désespéré pour choisir de mettre fin à sa vie de cette manière.
Il faut vivre sous une dictature aveugle pour en arriver là. A défaut de survivre à celle-ci, on y finit brûlé vif.
Dans ce drame, la fatalité des uns, morts pour n’avoir pas pu exprimer leur douleur autrement qu’en devenant des flambeaux ardents, se transforme, au final, en combustible de la révolte pour les autres, les peuples opprimés, qui se soulèvent pour arracher leur liberté.
F.A