En Algérie, l’institution judiciaire est en congé permanent depuis des années. Ses vacances sont interminables et nos juges sont, semble-t-il, largement déconnectés de l’actualité. Le scandale de corruption de Sonatrach dans son deuxième volet a dévoilé le profond abcès qui ronge notre corps judiciaire.
Les révélations dans ce scandale se succèdent et notre justice, brille toujours par son mutisme. Officiellement, elle enquête toujours pour retrouver les véritables corrompus et corrupteurs. Et pendant ce temps-là, les juges italiens les trouvent ces personnages mafieux qui dilapident nos richesses. Ce sont donc les juges italiens qui informent les algériens qu’un mandat international a été lancé à l’encontre de Farid Bedjaoui, cet intermédiaire qui a arrosé les dirigeants avec des pots-de-vin estimés à des centaines de millions de dollars en échange de contrats signés avec la compagnie italienne Saipem. Récemment, dans les colonnes du quotidien ialienne Il Corriere della Sera, une juge italienne, Alfonsa Ferraro, a révélé que Farid Bedjaoui « a dit clairement qu’il donnait l’argent au ministre de l’Energie Chakib Khelil ». Par argent, il faut comprendre les commissions et pots-de-vin remis pour faciliter l’obtention des contrats pétroliers par la compagnie italienne Saipem.
Dans un autre pays soucieux de sa souveraineté, de son honneur et de son intégrité morale, une telle révélation aurait suscité un véritable tollé. Le gouvernement se serait mobilisé, la société civile manifesterait dans les rues et les juges auraient assumé leurs responsabilités en réclamant des éclaircissements et des enquêtes plus approfondies en collaboration avec leurs homologues italiens. Mais en Algérie, une telle information est tombée dans l’oreille d’un sourd. Quelques articles de presse ont exprimé une soi-disant indignation. Aucune réaction officielle de la part de nos dirigeants, alors que le nom de notre ancien ministre de l’Energie a été officiellement associé à une combine mafieuse récompensée par des pots-de-vin au montant faramineux. Aucun sursaut d’honneur alors que tout l’Etat algérien est traîné dans la boue puisque l’un de ses ministres se retrouve impliqué de manière tragique dans un scandale de corruption aux ramifications internationales. Un scandale à travers lequel l’Algérie a été dépouillée d’une partie de ses richesses. Des richesses bradées en contrepartie de quelques enveloppes de devises.
Le plus étonnant dans cette affaire demeure l’hibernation de la justice. Impassible et indifférente au moment où les Algériens apprennent des vérités amères sur leur pays de la part de juges étrangers. Nos juges n’ont-ils pas les compétences requises pour enquêter sur le détournement des richesses de leur pays ? Et s’ils sont réduits au silence par une quelconque autorité illégitime, n’ont-ils pas suffisamment de courage pour réclamer la vérité ? Notre dignité est trop importante pour se fier à des mesures superficielles, intentionnellement ou pas, qui permettent à nos décideurs de se tirer d’affaire en ignorant des données impliquant des challenges concrets pour notre intégrité morale et l’image de notre pays, sérieusement entachée par ces comportements mafieux. Or, pour sauver ce qu’il reste à sauver, nous avons besoin de savoir clairement où en est aujourd’hui notre Justice. Il est temps de mettre fin à ses vacances interminables…