Se taire, c’est l’erreur…

Redaction

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Au Maghreb la parole prime sur l’écriture. Le savoir, l’héritage des anciens , etc, se transmettent généralement de bouche à oreille. C’est dans notre culture. Aussi, on aime discutailler, on raffole de la gouaille et des palabres.

Les algériens ne sont pas en reste dans tout cela, il y va de soit. Mais pourtant, le mal est encore vissé dans les têtes. Et les cœurs débordent de douleurs dans ce pays. Parce que l’essentiel demeure du domaine du non-dit. Les souffrances, de quelques natures soient-elles, sont retenues à l’intérieur, refoulées, mal digérées. Se livrer à autrui pour se délivrer, rime encore dans notre société aux jugements hâtifs, avec faiblesse, mollesse, voire dans certains cas, avec opprobre.

On ne comprend guère les larmes d’un homme éprouvé, qui doit souffrir en silence et s’écorcher vif sans se plaindre. Pour la femme, en revanche, c’est plus au moins toléré, mais jusqu’à une certaine limite cependant. Pas la peine qu’elle évoque les sujets qui fâchent, tels les agressions sexuels, les violences subies et les amours secrets, au risque de se voir détrônée de son statut fantasmé de sainte-nitouche.

Dans ce cas, à quoi sert de parler pour ne rien dire; discuter, mais pas de tout.

Pas besoin de passer par les bancs des universités pour comprendre que se confier c’est déjà se soulager, un peu. Que nommer les malaises, aide à les désamorcer en partie. Tout le traitement psychologique repose sur ce mécanisme de l’échange désinhibé. Débusquer le problème, en cherchant au fond des choses. Renforcer le conscient, en dégonflant l’inconscient.

Dans une étude Suisse datant de 2008, présentée au congrès de psychiatrie autour de la problématique de la place de « La psychiatrie dans le monde arabe », il est fait état que l’Algérie compte au moins deux millions de personnes ayant besoin de soins psychiatriques. C’est énorme pour un pays de 35 millions d’habitants !

Et pourtant, ce n’est que la face apparente de l’iceberg. Faut-il rappeler les milliers de cas non recensés que représentent les dépressions nerveuses, les névroses, les angoisses et toutes ces maladies de la tête.

Dans les pays développés, au moindre choc – un avion qui loupe son atterrissage, un attentat sanglant, un accident de route meurtrier – des cellules psychologiques sont mises en place pour aider, suivre les victimes, les prendre en charge.

En Algérie, on en est encore aux tabous, à la hchouma (la honte), en laissant les gens aux bons soins d’une religion mal assimilée, d’un destin écrit d’avance, des drogues : la « panacée » des délaissés.

Or, qui plus que l’algérien a besoin aujourd’hui de crever l’abcès, ne serait-ce qu’après ce qu’il a subi comme traumatismes durant les années de terreur de la décennie noire. Cela sans compter les séquelles laissées par la mal-vie, la promiscuité, une libido étouffée et tout le lot des frustrations quotidiennes qu’essuie le citoyen lambda en Algérie.

En lieu et place, on exige de ces gens de se taire, et on ne sait par quel enchantement, d’effacer de leur mémoire un pan entier d’un vécu douloureux. De quoi rendre toute la société un tantinet agitée du bocal. Une société qui couve un volcan, sans cheminées d’évacuation, ni exutoires. Une bombe à retardement en somme. Alors qu’il suffirait de libérer la parole pour éviter la déflagration.

Fayçal Anseur

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