Pas de baroud d’honneur pour le président Bouteflika qui est au crépuscule de sa vie, et qui, définitivement, ne changera pas l‘Algérie. Pas plus que ses prédécesseurs, bricoleurs occasionnels, qui ont accepté des missions de colmatage des brèches béantes occasionnées par une gestion rentière et clanique par un pouvoir tapi dans l’ombre qui tire les ficelles.
Plus de dix ans aux commandes pour en arriver à la reconnaissance mezza voce de la légitimité des revendications du peuple algérien, et que beaucoup de choses ne tournent pas rond dans un pays qui tourne au ralenti.
Le président Bouteflika n’a pas convaincu ce vendredi dans son très attendu discours à la Nation.
Premier bémol sur la forme : son discours est transmis en différé, le montage sommaire de l’enregistrement témoignant du manque de solennité dans la présentation de la parole du président. On sentait que l‘envie n’y était pas vraiment chez un Bouteflika malade, fatigué, blasé, que seule la gravité de la situation en Algérie a obligé à sortir de son silence coutumier, que certain attribuent à sa condescendance vis-à-vis de la chose publique. Bouteflika n’aime pas rendre des comptes et encore moins se remettre en question. Ce travers est intrinsèque aux dirigeants des régimes arabes qui se croient exempts de défauts jusqu’à que l’histoire et leurs peuples les rattrapent, souvent quand il est trop tard pour réparer les dégâts.
Le fond ensuite : Bouteflika a promis un train de réformes, d’ajustements, de projets. Là-dessus, on peut se demander – vu le nombre de promesses annoncées par le passé et couchées sur le papier, mais qui n’ont trouvées que rarement de suite dans les faits- si nous n’avons pas affaire, encore une fois, à des effets d’annonce pour passer un énième cap d’une crise de légitimité récurrente.
Soyons optimistes cependant et considérons que ces annonces seront suivies par des actes réels. Mais, cela serait-il suffisant pour autant ? Peut-on faire du neuf avec du vieux ? Peut-on soigner le cas algérien par un traitement suranné ? Le problème algérien est avant tout un problème d’hommes, de responsabilités inassumées, d’absence de légitimité, de la primeur de l’intérêt personnel sur l’intérêt national.
Bouteflika aurait pu annoncer une seule mesure, une seule, à même de faire la différence au final : le vote d’une loi qui obligerait les responsables, qu’ils soient politiques ou militaires, à prendre leur retraite effective à 65 ans par exemple. Ils passeraient alors la main à une relève jeune, consciente de fait des exigences du siècle et qui vit avec son temps.
Ce serait d’ailleurs une décision dictée par la logique étant donné que la majorité de la population algérienne est jeune.
Cela impliquerait certainement que le président lui-même se retire et cède sa place. Idem pour la plupart des tenants du pouvoir en Algérie. Là, on pourrait parler d’une réelle volonté de changement; faire table rase du passé et redémarrer sur de nouvelles bases saines. Mais hélas, le message que Bouteflika nous a livré vendredi est le suivant : oui au changement, mais jamais sans nous, c’est-à-dire un changement dans la continuité. Alors dans ce cas pas la peine de nous parler de changement Monsieur le président, appelons plutôt les choses par leurs noms : vous nous imposez un déguisement en guise de projet national. En attendant la prochaine crise…
Redwane N
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