Al-Jazira révèle des documents explosifs sur les négociations au Proche-Orient

Redaction

Ces documents constitueraient, selon la chaîne télévisée Al-Jazira, « la plus importante fuite dans l’histoire du conflit israélo-palestinien ». Dimanche 23 janvier au soir, la chaîne d’information qatarie a révélé des centaines de « documents confidentiels » relatifs aux négociations israélo-palestiniennes, montrant selon elle que les négociateurs palestiniens, tout en affichant leur fermeté en public, étaient prêts à d’importantes concessions sur Jérusalem et le sort des réfugiés.

Selon Al-Jazira — qui a dédié un site Internet à ces « révélations » — lors d’une rencontre du 15 juin 2008, Ahmed Qoreï, un des principaux négociateurs palestiniens de l’époque, proposait devant ses interlocuteurs israéliens et américains qu’Israël conserve toutes les implantations juives construites dans et autour de Jérusalem depuis 1967, dans le cadre d’un accord de paix plus large prévoyant la création d’un Etat palestinien indépendant.

M. Qoreï affirmait alors que les Israéliens pouvaient garder « toutes les colonies à Jérusalem à l’exception d’Abou Ghneim », appelée « Har Homa » par les Israéliens, et dont la construction avait porté un sévère coup aux négociations. M. Qoreï est également cité dans l’un des documents demandant en 2008 à Tzipi Livni, alors ministre des affaires étrangères israélienne, « de renforcer le blocus israélien imposé à Gaza ».

LES PALESTINIENS PRÊTS À RENONCER À UNE PARTIE DE LA VIEILLE VILLE DE JÉRUSALEM

« C’est la première fois dans l’histoire que nous faisons une telle proposition », déclare M. Qoreï, selon ce compte rendu. Il a souligné que les Palestiniens avaient refusé cette concession lors des négociations conduites par le défunt président palestinien Yasser Arafat, en 2000. Mais les Israéliens n’ont rien offert en retour, estimant que l’offre n’allait pas assez loin, précise ce compte rendu.

Toujours selon le compte rendu, Saeb Erekat, le négociateur en chef palestinien actuel, aurait affirmé à Tzipi Livni : « Ce n’est pas un secret que nous vous avons proposé la plus grande Yourshalayem [Jérusalem, en hébreu] de l’histoire. » D’autres documents indiquent, selon Al-Jazira, que les négociateurs palestiniens étaient prêts à renoncer « au quartier juif et à une partie du quartier arménien » de la vieille ville de Jérusalem.

Interrogé sur Al-Jazira peu après la diffusion du document sur Jérusalem, M. Erekat a qualifié les documents de « tissu de mensonges ». La chaîne, qui a déclaré s’être procuré ces documents auprès de diverses sources, dit disposer d’un ensemble de quelque 1 600 documents relatifs au processus de paix israélo-palestinien. « Le but de cela est de créer la confusion, j’ai vu moi-même ce que la chaîne a diffusé en disant que ce sont des documents palestiniens, alors qu’ils sont israéliens », a également réagi lundi le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à l’issue d’un entretien avec le président égyptien, Hosni Moubarak, au Caire.

« NOUS N’AVONS PAS RENONCÉ À NOS POSITIONS »

Les documents diffusés par la chaîne qatarie montrent également que les Palestiniens étaient prêts à des concessions importantes sur la question éminemment sensible du droit au retour des réfugiés palestiniens, qui sont près de cinq millions avec leurs descendants et dont le sort est l’une des principales pierres d’achoppement dans les négociations. M. Erekat se serait dit prêt à « accepter le retour de dix mille d’entre eux par an sur dix ans, soit un total de cent mille ».

« J’ai dit plus d’une fois, nous n’avons pas renoncé à nos positions. Si nous avions effectivement renoncé aux réfugiés et fait de telles concessions, pourquoi Israël n’a-t-il pas accepté de signer un accord de paix ? » a réagi M. Erekat après la publication de ces documents.

« Cela expose la direction palestinienne, cela la met dans une position où il lui sera impossible d’obtenir la confiance du peuple », estime un commentateur palestinien, Zakaria Al-Qak. Le quotidien britannique The Guardian, un des quotidiens choisis par le site WikiLeaks pour analyser des milliers de notes confidentielles du département d’Etat américain diffusées ces dernières semaines, a dit avoir eu accès à ces documents et avoir vérifié la plupart d’entre eux

« JÉRUSALEM EST À NOUS »

Sur Al-Jazira, M. Erekat a eu une discussion assez vive avec plusieurs interlocuteurs, dont le rédacteur en chef du quotidien Al-Quds Al-Arabi, qui lui a demandé qui avait autorisé les dirigeants palestiniens à « abandonner les lieux saints islamiques ». Le statut de Jérusalem, que Palestiniens et Israéliens revendiquent comme capitale, est l’une des questions les plus épineuses des négociations israélo-palestiniennes.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, déclarait encore la semaine dernière que l’avenir de Jérusalem n’était pas un sujet de discussion : « De notre point de vue, il n’y a pas de négociations sur Jérusalem. Jérusalem est à nous. » Il a toutefois également souligné que Jérusalem-Ouest était israélienne et pourrait être la capitale de l’Etat juif.

Israël s’est emparé de Jérusalem-Est lors de la guerre des Six-Jours, en 1967, puis a annexé la vieille ville et une partie des territoires de Cisjordanie autour de Jérusalem, une annexion non reconnue par la communauté internationale.

ISRAËL AURAIT PRÉVENU L’AUTORITÉ PALESTINIENNE AVANT DE LANCER L’OFFENSIVE SUR GAZA FIN 2008

Enfin, l’un des 1 600 documents révélés affirme que Mahmoud Abbas avait été informé par Amos Gilad, directeur des affaires politico-militaires au ministère de la défense israélien « de l’intention d’Israël de lancer une offensive sur Gaza » fin 2008. Mais, lundi matin, ce haut responsable israélien a démenti avoir adressé un tel avertissement à l’Autorité palestinienne.

« C’est un exemple d’inexactitude. Aucun avertissement concret concernant une offensive n’a été transmis à l’Autorité palestinienne », a déclaré à la radio publique le général de réserve Gilad. « Je n’ai pas dit autre chose au président Abbas que ce que nous avions dit au monde entier : en l’occurrence que nous ne pourrions tolérer la reprise des tirs de roquettes et autres attaques terroristes contre notre territoire », a ajouté M. Gilad, à l’époque coordinateur adjoint des activités israéliennes dans les territoires palestiniens.

« On pouvait tout juste en déduire qu’Israël allait agir. Mais aucune information concrète n’a été transmise », a-t-il souligné. Selon des documents de WikiLeaks, Israël avait tenté d’obtenir en vain le soutien du mouvement Fatah, du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à son opération contre la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, à la fin 2008.

« NOUS NE POUVONS GARANTIR LA VÉRACITÉ » DES DOCUMENTS

La bande de Gaza et le mouvement islamiste Hamas ont été en décembre 2008-janvier 2009 la cible d’une offensive dévastatrice de l’armée israélienne, qui a fait 1 400 morts palestiniens, selon des sources médicales palestiniennes, et treize morts israéliens. Un porte-parole du département d’Etat américain a, quant à lui, indiqué que le gouvernement américain se penchait sur les documents révélés par Al-Jazira. « Nous ne pouvons garantir leur véracité », a écrit le porte-parole, Philip Crowley.

La réunion de juin 2008 s’inscrivait quant à elle dans le cadre des pourparlers lancés par le président américain George W. Bush à la fin de son deuxième mandat, fin 2007. Ces négociations ont cessé quand le premier ministre israélien de l’époque, Ehoud Olmert, confronté à des accusations de corruption, a été contraint de quitter ses fonctions en 2009.

lemonde.fr

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