« La valeur suprême de demain sera le temps » Jacques Attali
La crise mondiale actuelle devrait conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires, objet de cette présente contribution. En effet, privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques, partie prenante du dialogue méditerranéen (DM), le Maghreb se doit d’agir en fonction d’un certain nombre de principes et à partir d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de stabilité dans la région que ce soit dans le cadre d’une coopération avec l’ Otan, en fait avec les USA, avec les structures de défense que l’Union Européenne entend mettre en place, la Russie ou la Chine pour ne citer que les principaux acteurs.
C’est que la fin de la guerre froide marquée par l’effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représentent un tournant capital dans l’histoire contemporaine. Le premier évènement marque la fin d’un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d’une architecture internationale qui s’est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs, anciens ou nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s’autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour le Maghreb ? Interpellée et sollicitée, le Maghreb s’interroge légitimement sur le rôle, la place ou l’intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, qu’il s’agisse du dialogue méditerranéen de l’Otan ou du partenariat euro- méditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire. L’adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, le Maghreb devant faire que celui que commandent la raison et ses intérêts (1).
I. Le dialogue méditerranéen de l’OTAN
Sept pays appartenant à la région méditerranéenne sont aujourd’hui des partenaires de l’Organisation de l’Atlantique Nord dans le cadre de ce qu’on appelle le dialogue méditerranéen de l’Otan. Ces pays qui entretiennent des relations de nature, de niveau et d’intensités différentes avec l’Otan et les Etats-Unis sont l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie.
Ce partenariat que l’Otan, et à travers lui les Etats-Unis, rentre dans une stratégie de multiplication et de diversification des partenariats qui touchent plusieurs régions : les anciennes républiques soviétiques, le Caucase, l’Asie centrale, la Russie, la Chine, etc. Toutefois, du fait de l’intégration à l’Otan qui a touché en novembre 2002 sept pays de l’ex bloc soviétique le texte signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l’Alliance Atlantique et le Pacte de Varsovie devient un projet caduc. Dès lors, le dialogue méditerranéen de l’Otan est l’objet de toutes les attentions de la part de cette organisation qui a décidé de le transformer en partenariat stratégique. La région Maghreb d’une manière particulière et la méditerranée d’une manière générale représentent pour l’Otan son flanc sud tout en étant le passage obligé vers le Moyen-orient qui recèle de fabuleuses richesses pétrolières et où se trouve un allié stratégique de tout premier plan pour les Etats-Unis.
L’intérêt que portent ces derniers à la méditerranée occidentale n’est pas nouveau. Dans cette perspective, tant le projet du grand moyen Orient , (GMO notamment à travers les résolutions du sommet de Rabat le dernier semestre 2004) que le ‘’projet américain Eizenstat’’ visent à passer avec les pays arabes des accords de libre échange, la sous région du Maghreb faisant l’objet de négociations pour en faire de même, le contrôle de l’énergie au niveau mondial étant au cœur de la stratégie géo- stratégique américaine (d’ailleurs chinoise et européenne) sous tendant toute la stratégie militaire (2). Car la consommation d’énergie a connu une évolution depuis que le monde est monde expliquant bon nombre de conflits, depuis la révolution industrielle à nos jour en précisant que les différentes sources d’énergie sont en concurrence : charbon – pétrole , gaz, nucléaire, les énergies renouvelables dont le solaire, éolienne , géothermique avec à l’avenir les perspectives du charbon et accessoirement de l’hydrogène en cas d’épuisement dans 40 à 50 ans des réserves de pétrole et de gaz.,deux pays du Maghreb étant relativement bien dotés l’Algérie et la Libye. L’évolution des réserves mondiales, tenant compte de la révolution technologique, serait selon certaines prospectives la suivante : la part du pétrole et du gaz passerait respectivement entre 2000 et 2040 de 40 et 22% à 20 et 25% avec le retour du charbon « propre » 25% expliquant la stratégie américaine à la fois de geler son exploitation de charbon dont les réserves prouvées uniquement en charbon sont le double en termes d’efficacité énergétique que les réserves d’Arabie Saoudite- et d’étendre son influence politique et militaire sur les régions à forte potentialités énergétiques notamment les portes de l’Asie , d’où le poids de l’Iran du fait de l’influence économique dans les années à venir de la Chine, de l’Inde, du Pakistan et du Japon , et des pays émergents de l’Asie. C’est dans ce cadre que rentre la résolution du parlement américain (juillet 2007) , qui a voté une motion contre un cartel de gaz et ayant une stratégie de limiter l’influence du cartel OPEP ( bien que l’OPEP représente moins de 40% à l’heure actuelle de la production commercialisée du pétrole) réunissant entre autre les plus grands producteurs potentiels notamment la Russie, le Qatar, l’Iran, le Vénézuéla craignant que ce cartel aurait d’énormes conséquences pour son industrie d’armement affectant les capacités de défense des USA car les substances issues du gaz sont largement utilisés dans l‘industrie de l’armement comme les industries chimiques, plastiques, et les matériaux composites. Dans ce cadre, il est utile de préciser que le marché pétrolier étant un marché mondial et le marché gazier actuellement étant un marché segmenté, ( prédominance des canalisations, le GNL étant marginal) le prix indexé sur celui du pétrole, le coût élevé et la marge bénéficiaire réduire , (d’où la non rentabilité des gisements marginaux contrairement à ceux du pétrole) et il est très difficile dans la conjoncture actuelle imaginer un marché OPEP du gaz répondant au marché boursier classique, peut être à moyen terme avec la généralisation des GNL et une autonomie dans la détermination des prix selon la loi de l’offre et de la demande .
Concernant strictement le volet défense et sécurité, c’est dans ce contexte qu’est lancé, dès 1995, le dialogue méditerranéen de l’Otan (DM). Pour rappel, on notera qu’en juillet 1997 le Sommet de Madrid des chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’Otan crée le Groupe de coopération méditerranéenne (MCG) qui est placé sous l’autorité du Conseil de l’Atlantique Nord. A partir de cette date, les pays de l’Otan et leurs partenaires méditerranéens se réunissent de manière régulière « à 19+1 ou 19+7 ».
Le Conseil de l’Atlantique Nord prend ensuite des mesures pour renforcer les « dimensions politiques et pratiques » du DM, mesures qui ont été entérinées par le Sommet de Washington (avril 1999) des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil prend d’autres mesures destinées à renforcer le DM et ce, en janvier 2002 et en juin de la même année.
Parmi ces mesures, citons l’organisation de consultations entre l’Otan et les partenaires méditerranéens sur la question du terrorisme. Lors de la réunion de Reykjavik, tenue en mai 2002, les Ministres des affaires étrangères des pays de l’Otan décident de renforcer les dimensions politique et pratique du dialogue méditerranéen, notamment en menant des consultations avec les partenaires méditerranéens sur des questions de sécurité d’intérêt commun, y compris en rapport avec le terrorisme. Mais c’est surtout le sommet de l’Otan qui s’est tenu le 29 juin 2004 à Istanbul, mettant l’accent concrètement sur l’urgence de l’approfondissement, qui a ouvert le dialogue méditerranéen de l’Otan en le transformant en véritable partenariat et de lancer l’initiative de coopération avec certains pays du DM, dialogue qui s’est poursuivi entre 2005/2008.
II. Le renforcement du dialogue méditerranéen en matière de défense et de sécurité
Le document officiel publié par l’Otan et intitulé « renforcement du dialogue méditerranéen, avec établissement d’un inventaire des domaines de coopération possibles » résume ainsi cet aspect du renforcement du DM : « Le but recherché serait d’établir entre l’Otan et les pays du DM des relations à long terme axées sur ce processus en fonction des intérêts mutuels de sécurité, ainsi que de permettre à l’Otan de contribuer de façon significative à promouvoir le dialogue et la coopération dans la région méditerranéenne. » Par ailleurs, la dimension politique du dialogue méditerranéen devrait être renforcée par : « une plus large exploitation des possibilités qu’offre le dialogue multi/bilatéral existant ; la poursuite de l’action en faveur des contacts de haut niveau et d’une implication des décideurs, selon le cas ; des mesures visant à rapprocher encore les partenaires méditerranéens de l’Otan et enfin le renforcement de la complémentarité avec d’autres initiatives internationales ».
A cet effet, l’intensification des relations politiques peut se faire selon plusieurs formules notamment les réunions à 19+1 et à 19+7. Ces réunions remontent à la création du MCG (Groupe de coopération méditerranéenne) en 1997 et se tiennent régulièrement depuis. Nous avons une autre formule, émanant du Conseil de l’Atlantique Nord, les réunions au niveau des Ambassadeurs des pays de l’Otan et du DM (NAC+1 et NAC+7) que se tiennent depuis octobre 2001. S’agissant des réunions annuelles à 19+1 au niveau des ambassadeurs (NAC+1), elles continuent de se tenir pour des échanges de vues sur la situation régionale et des débats sur l’évolution et les perspectives de développement du DM. Quant aux réunions à 19+7 au niveau des Ambassadeurs (NAC+7), elles continuent d’être organisées au moins deux fois par an, en particulier après les réunions ministérielles et les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Otan, afin d’informer les Ambassadeurs des pays du DM des résultats de ces réunions et de procéder à des échanges de vues sur des questions en rapport avec le DM.
Dans ce cadre, le Conseil de partenariat euro- atlantique (CPEA) et le Partenariat pour la paix (PPP) sont deux cadres qui ont été institués. A cet effet, il est prévu d’explorer les possibilités d’associer les pays du DM, cas par cas, à des activités du CPEA et du PPP spécialement choisies et d’encourager les partenaires méditerranéens à participer de façon plus large aux activités auxquelles la coopération dans le cadre du CPEA et du PPP leur permet déjà d’accéder. Deux initiatives internationales peuvent être citées : le processus de Barcelone de l’Union européenne et le dialogue méditerranéen de l’OSCE. Le Conseil de l’Atlantique Nord a décidé que l’Otan proposerait à l’UE l’organisation périodique d’exposés et d’échanges d’informations sur les activités de chacune des deux organisations dans le domaine de la sécurité et de la stabilité dans la région méditerranéenne.
Ainsi, il est envisagé d’organiser des réunions d’experts de l’Otan et de l’OSCE pour examiner des questions d’intérêts communs. Dans cette perspective, la démarche à suivre consisterait à prévoir notamment des activités ciblées, l’objectif consistant à couvrir des secteurs où l’Otan dispose d’un avantage comparatif reconnu et pouvant apporter une « valeur ajoutée », en particulier dans le domaine militaire, et pour lesquels les partenaires méditerranéens ont manifesté de l’intérêt.
Deuxièmement, l’accent est mis sur la mise à profit de l’expérience acquise dans le cadre du partenariat pour la paix (PPP), avec notamment l’ouverture d’activités PPP supplémentaires aux pays du DM et/ou l’adaptation d’activités PPP à leurs besoins spécifiques, le document insistant, à ce niveau, sur la nécessaire consultation préalable des pays du dialogue méditerranéen (DM). Les domaines de coopération inventoriés par l’Otan peuvent être résumées au nombre de quinze.
1-la formation, l’entraînement et la doctrine militaire.
2-les exercices militaires et les activités d’entraînement connexes.
3-les contacts entre militaires aux niveaux des chefs d’Etat-major de la défense, des Etats-majors et des experts.
4-la médecine militaire .
5-les échanges d’informations dans le domaine de la logistique.
6-les consultations au niveau des experts sur les efforts politiques et de défense avec pour objectif de lutter contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM).
7-l’action humanitaire globale de lutte contre les mines (GHMA).
8-la tenue de séminaires et de réunions d’experts sur les plans civils d’urgence (PCU).
9- la participation à certaines activités des bureaux et comités d’études.
10- la gestion des crises, cet aspect important de la coopération comprendront des exposés sur les exercices de gestion des crises.
11- la science et l’environnement .
12- l’encouragement des pays de l’Otan et du DM à contribuer au MDWP.
13- l’ intensification des efforts d’information de l’Otan dirigés vers la société civile des pays du DM
14- le renforcement du rôle des ambassades points de contact de l’Otan dans les pays du DM .
Mais il est également envisagé la possibilité de la définition de nouveaux domaines de coopération y compris les questions militaires et de défense, afin d’instaurer la paix et la sécurité de façon durable et d’éviter les conflits. L’inventaire des domaines de coopération possibles fait ressortir huit axes directeurs.
Le but recherché est d’améliorer l’aptitude des pays du DM à contribuer à des opérations de réponse aux crises hors article cinq que dirige l’Otan, y compris l’entraînement à une participation éventuelle à un centre de coordination logistique interarmées multinational (MJLC).
1- l’introduction du concept d’unités de soutien logistique intégré multinational (MILU), la préparation à la mise en œuvre du concept du carburant unique (SFC) et la coopération dans le domaine des matériels tactiques de manutention des carburants (TFHE).
2-la réforme de la défense incluant les meilleures pratiques en matière de gestion économique et civile des forces armées, y compris les aspects « sécurité » du développement économique et les aspects économiques de la lutte internationale contre le terrorisme liés à la sécurité
3-Les consultations sur le terrorisme, par la prise en compte du partage de données du renseignement, des réunions d’experts sur la menace terroriste et les mesures prises, individuellement ou avec d’autres pays, pour faire face à cette menace.
4-les consultations et la coopération relative la sécurité aux frontières.
5- la participation aux travaux du Groupe de la conférence des directeurs nationaux des armements (CDNA) pour le partenariat sur le système Otan de codification (NCS).
6-l’invitation aux activités du Groupe de la CDNA pour le partenariat qui concernerait les conditions de sécurité dans le transport et le stockage des munitions et des explosifs militaires.
7-des consultations sur des questions de gestion de la circulation aérienne dans l’optique d’une plus grande sécurité des vols et échanges d’informations sur les procédures civilo- militaires de contrôle de la circulation aérienne.
8-la gestion des catastrophes. La question du financement étant posée, deux situations sont envisagées : d’une part, la règle de l’autofinancement des activités menées au titre du DM est retenue ; d’autre part, une aide financière exceptionnelle.
III. Le Maghreb dans le dialogue méditerranéen de l’OTAN
Le cadre défini au sommet de l’Otan de promouvoir le dialogue méditerranéen de l’Otan au rang de « véritable partenariat », (le même sommet d’Istanbul faisant une offre de coopération à la région du Moyen-Orient élargi qui est adressée aux pays qui le souhaite, ceux qui sont membres du conseil de coopération du Golfe étant cités explicitement) ambitionne de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région méditerranéenne par le truchement d’un certain nombre d’actions au nombre de cinq qui se veulent complémentaires avec d’autres actions internationales :
1-le renforcement de la dimension politique du dialogue méditerranéen avec l’Otan.
2- l’appui au processus de réformes de la défense.
3- la coopération dans le domaine de la sécurité des frontières.
4- la réalisation de l’interopérabilité.
5- la contribution à la lutte contre le terrorisme. L’objectif poursuivi par l’initiative d’Istanbul est de renforcer la sécurité et la stabilité par le biais d’un nouvel engagement transatlantique en fournissant un avis adapté sur la réforme de la défense, l’établissement des budgets de défense, la planification de la défense, les relations civilo-militaires et l’encouragement de la coopération entre militaires afin de contribuer à l’interopérabilité ; lutter contre le terrorisme par le partage de l’information, la coopération maritime, lutter contre la proliférations des armes de destruction massive et contre les trafics. Face à ces propositions quelle est l’attitude des pays du Maghreb devant consolider l’intégration maghrébine pour devenir une entité économique fiable au moment de la consolidation des grands ensembles ?
Car les menaces qui pèsent sur les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés doivent amener les pays du Maghreb à se doter d’une politique extérieure globale des enjeux, des problèmes et des crises que connaît le monde et à déployer ses capacités, ses moyens et son savoir-faire dans une logique de juste et fécond équilibre. Le dialogue et la concertation entre les peuples et entre les acteurs sont la clef et en même temps la meilleure des garanties pour instaurer la paix et la stabilité de manière juste et durable.
C’est sur cette base que me semble t-il les pays du Maghreb se sont engagés dans le dialogue méditerranéen de l’Otan et dans d’autres initiatives régionales ou sous régionales. Mais face à l’Otan, existe une volonté politique de l’Union Européenne d’avoir une stratégie de défense et de sécurité qu’il convient brièvement d’examiner, étant encore embryonnaire, mais concernant également le Maghreb.
IV- La politique de défense et de sécurité de l’Europe
La fin de la guerre froide, les velléités d’émancipation de l’Europe de la tutelle américaine – particulièrement en matière de défense et de sécurité – et la volonté de construire avec les pays de la région des relations économiques privilégiées accroît de manière significative cet intérêt. Qu’il s’agisse en effet de crises régionales, de scissions d’Etats, de prolifération d’armes de destruction massives ou de conflits internes (ethniques, religieux, culturels ou autres), l’Otan est perçue par les Européens comme une organisation incapable de réagir à ces nouveaux types de menaces.
C’est pourquoi va revenir à la surface le vieux rêve d’Europe de la défense que caressaient un certain nombre de pays du vieux continent. C’est pourquoi aussi les Européens se mettent à la recherche d’une alternative à l’Otan et à l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) laquelle, pour d’autres raisons, ne pouvait prétendre combler le ‘’vide de sécurité’’ en question.
Il convient aussi d’ajouter que la traduction en termes concrets de la subordination juridique de l’UEO à l’Union européenne rencontre des difficultés qui laissent présager un avenir incertain de l’UEO en tant que « bras armé de l’Union » : la non appartenance à l’Union européenne de pays classés comme ‘‘membres associés’’ et l’attachement à l’Otan ou la neutralité de pays observateurs.
Par ailleurs, l’UEO est non seulement absente du théâtre européen mais aussi, elle connaît un phénomène d’ « otanisation » qui rend difficile son autonomie et son usage donc en tant qu’instrument au service d’une politique européenne de sécurité et de défense autonome. Ces atermoiements se retrouvent dans le traité de Maastricht qui jette de manière timide, les bases de ce que certains Européens souhaitent être une politique commune de sécurité et de défense.
Les divergences ne vont pas manquer entre les trois principales puissances européennes, en l’occurrence la France et l’Allemagne d’un côté et le Royaume-Uni de l’autre. Pour la France et l’Allemagne, l’UEO peut être réactivée en fonction des nouvelles données et des missions qu’elle serait appelée à mener. Elle deviendrait le « bras armé de l’UE ».
Le Royaume-Uni, quant à lui, défend l’idée de mettre en place « un pilier européen de l’Alliance Atlantique » Ces divergences vont se retrouver dans le texte du traité qui stipule, d’un côté que « la politique étrangère et de sécurité inclut l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union européenne, y compris la définition à terme d’une politique de défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune » ; de l’autre que « la politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres du traité de l’Atlantique Nord ».
Par ailleurs, le traité mentionne clairement que l’UEO est une « composante de défense de l’Union européenne et un moyen de renforcer le pilier européen de l’Alliance atlantique ». Autant dire donc que ces deux dispositions d’un même article et l’annexe qui accompagne le traité contentent à la fois la position franco-allemande et celle de la Grande-Bretagne. Dans ce contexte quel cadre tracer pour un partenariat euro- méditerranéen en matière de défense et de sécurité d’autant plus que les résultats de ce partenariat issus du processus de Barcelone sont mitigés ?
C’est pourquoi des tentatives sont faites aujourd’hui pour redynamiser le dialogue euro- méditerranéen avec deux initiatives : d’une part, la politique européenne de voisinage; d’autre part, le partenariat stratégique entre l’Union européenne d’un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l’autre.
D’ailleurs la stratégie du Président SARKOZY de l’Union pour la Méditerranée a le même objectif stratégique bien que se différenciant sur les tactiques, de relance du partenariat méditerranéen rentre dans ce cadre sous tendant une zone tampon de prospérité Europe -Afrique via la méditerranée pour freiner l’émigration massive de l’Afrique sub saharienne avec comme pilier l’union du Maghreb supposant la résolution à terme du conflit du Sahara occidental comme condition d’attrait des investissements directs étrangers porteurs qui ont besoin d’un marché de plus de 100 millions d’habitants.
Le dégel récent avec la Libye, après la libération des infirmières bulgares, qui devrait être soutenu par la communauté par les USA et l’Europe pour réintégrer la communauté internationale rentre dans le cadre de ce processus d’intégration plus large élargi à la méditerranée. C’est que comme souligné précédemment , le problème du contrôle des réserves stratégiques explique en partie, les conflits en Irak,( 2ème puissance pétrolière après l’Arabie Saoudite )au Liban , les tensions au Soudan ( dont la Chine est présente dans ce pays pour le pétrole expliquant sa positon dans la crise du Darfour) et avec l’Iran ( 2ème puissance gazière mondiale 15% des réserves après la Russie- 30% des réserves mondiales) contrôlant une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d’Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60% de la planète. D’une manière générale, sur le plan militaire et géo- stratégique c’est à travers les activités du groupe dit des « 5+5 » que peut être apprécié aujourd’hui la réalité d’une telle évolution.
C’est que la lecture que font les Européens des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant notamment le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchissement d’argent. Par ailleurs, selon la commission de Bruxelles et le parlement européen entre l’Europe et le Maghreb, et plus globalement l’Europe et la zone méditerranée, il s’agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats.
Pour le cas du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie qui ont qui a signé l’Accord de libre échange avec l’Europe, en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives a la mise en place d’un dialogue entre le Maghreb et l’Union européenne ont eu lieu sous forme de consultation informelles et de réunions formelles. Mais il serait souhaitable des clarifications portant sur deux questions jugées fondamentales : d’une part, la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au dialogue méditerranéen de l’Otan : d’autre part, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre le Maghreb et l’UE dans le cadre de la PESD.
Conclusion : une adaptation aux réalités locales et mondiales
Le Maghreb a toutes les potentialités pour devenir une grande puissance régionale. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires, étant multiples, nationales, régionales ou globales et mettent déjà en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissance différentes et inégales. Mais, face aux menaces communes et aux défis lancés à la société des nations et à celles des hommes, les stratégies de riposte sont ou doivent être collectives.
Cependant, dès lors qu’elles émanent d’acteurs majeurs et de premier plan, elles s’inscrivent dans une perspective globale et cachent mal des velléités hégémoniques. Incluse dans une sous région qui n’en finit pas de vouloir se construire et évoluant dans un environnement géopolitique régional que des acteurs majeurs façonnent aujourd’hui à partir de leurs intérêts et des préoccupations stratégiques qui leurs sont propres, le Maghreb est appelée de se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’il a eu à relever jusqu’à présent.
Par le Docteur Abderrahmane Mebtoul, expert international
Professeur d’Université en management stratégique
(1)- Voir A. Mebtoul-«L’Afrique face aux enjeux géo- stratégiques » (2) « le terrorisme : défis collectifs et menaces globales » contributions disponibles sur le site international Internet – www.yahooo.fr ou www.google.fr et l’interview donné à la radio internationale algérienne sur le terrorisme et les relations algéro- marocaines le 14 juillet 2007.
(2) pour une analyse concrète de l’énergie dans la géostratégie voir l’ouvrage collectif coordonné par le Docteur Abderrahmane MEBTOUL « Le secteur Energie en Algérie face aux mutations mondiales » Dar El Gharb -2005-(Algérie) 2 volumes (432 pages)avec en annexe (volume à part) rapport CNUCED sur la libéralisation de la sphère énergétique. Avec les contributions du Docteur Chakib KHELIL Ministre de l’Energie et des Mines(Algérie) – du professeur Abdelatif BENACHENHOU ex-Ministre des Finances- Mohamed MEZIANE PDG Sonatrach- Nourredine BOUTERFA PDG Sonelgaz- Said AKRETCHE PDG Naftal- Akli REMINI PDG Naftec ; Abdelakader BENYOUB Président groupe Mines – Ali HACHED ex-Vice Président Sonatrach- Abdelbaki BENABDOUN Expert MEM ex PDG Sonelgaz- Salah CHEROUANA ex PDG Naftec ; Tewfik HASNI ex PDG NEAL- Aissa Abdelkrim BENGHANEM Ex PDG Sonelgaz – Pierre René BAUDIS Ex Directeur Stratégie Planification groupe français Total- Docteur Mustapha MEKIDECHE Vice Président CNES- Ahmed BOUDHEBZA Expert ingénieur- Amine MOHAMED BRAHIM Expert, diplômé de l’Institut français du pétrole ; Docteur Abdelkader BENGUEDACH , directeur de recherche Université physique – Docteur Abderrahme LELLOU Professeur d’ Université économiste expert au centre de la francophonie Paris- France ; Docteur Ahmed BOUYACOUB- économiste- directeur de recherche.