Les propos tenus en août dernier par Yousef al-Otaïba, ambassadeur des Émirats Arabes Unis (EAU) à Washington, qui avait annoncé une ouverture du régime saoudien se confirment. Les gestes dans ce sens se multiplient. Le dernier en date est la publication, hier mardi, d’un décret royal qui va autoriser les femmes à conduire à partir de juin 2018.
Pour un régime aussi archaïque que le régime saoudien, le geste est de taille et le message sans équivoque. Le roi Salmane ben Abdelaziz a enclenché la machine pour une modernisation de la société saoudienne suite aux pressions incessantes des Occidentaux, notamment du président américain Donald Trump. Cette autorisation accordée par le roi a été prise sur la base d’une « entorse » à une règle religieuse indiscutable en Arabie Saoudite, celle de l’omniprésence du tuteur légal pour accompagner la femme dans tous ses déplacements. Ainsi, les Saoudiennes n’auront plus besoin d’obtenir l’accord de leur tuteur légal pour passer leur permis et la présence de ce dernier ne sera pas nécessaire lorsqu’elles seront au volant.
Ce changement subit demeure cependant énigmatique. Des observateurs l’expliquent par des pressions étrangères, notamment américaines. La visite en Arabie Saoudite du Président Trump, en mai dernier, serait donc pour quelque chose. Pour concrétiser ce changement, Ryad veut marquer sa distance avec les cercles religieux extrémistes dans le processus de prise de décision politique. Cette orientation commence à inquiéter les « Ulémas et les muftis » du royaume pris dans un étau qui se resserre chaque jour un peu plus.
D’ailleurs, une véritable chasse aux sorcières a été entamée depuis le début du mois en cours. Plusieurs dizaines de prédicateurs, hostiles à la nouvelle politique du roi Salmen, à l’image de Muhammad bin Salih al Munajjid, Salmân al-‘Awdah, Aïd El-Qarani ou encore Ali Al-Amri, ont été arrêtés et mis en prison. Même leurs sympathisants sont systématiquement interpellés.
Ce changement est aussi expliqué par la menace interne. Au sein de la famille royale, l’ordre de succession se fait entre frères. Mais le roi actuel ambitionne de léguer le pouvoir à son fils, ce qui a déclenché une lutte sans merci à l’intérieur même de la famille royale. Pour isoler ses détracteurs, le roi Salman compte mettre au placard tous leurs appuis du côté des hommes de religion et ouvrir le jeu politique en lui donnant un aspect plus démocratique, voire laïc.
D’un autre coté, la transition vers un modèle politique et social plus moderne est une nécessité pour un pays de l’envergure de l’Arabie Saoudite. Le modèle monarchique prévalant actuellement est l’un des plus obscurantistes et rétrograde au monde, et les grandes puissances, telle les États-Unis, mettent de plus en plus la pression sur les dirigeants saoudiens pour un abandon total de son modèle théocratique.
Dans le cadre de son plan de réformes économiques et sociales à l’horizon 2030, Riyad tente prudemment d’assouplir certaines de ses restrictions malgré l’opposition des ultraconservateurs. Pour illustrer ceci, les autorités saoudiennes ont levé l’interdiction d’accès aux stades imposée aux femmes saoudiennes. La mesure peut paraître symbolique, mais elle ne l’est pas. L’interdiction en question était basée sur des préceptes religieux interdisant la mixité entre hommes et femmes.
Si la mutation du régime saoudien vers un modèle « démocratique » venait à se réaliser, ça sera alors une vraie révolution pour l’ensemble du monde musulman qui subit de plus en plus des effets néfastes d’une doctrine rétrograde et destructrice.
M.M.