Assassinat de JFK : la controverse tient toujours

Redaction

jfk Plus de 45 années se sont écoulées depuis la mort violente du président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy. Immédiatement dévoilée, la théorie officielle du tireur isolé n’a pas réussi à convaincre les Américains. Ils sont encore 70% à croire en une conspiration.

22 novembre 1963, 13h33, hôpital Parkland memorial de Dallas. Le porte-parole de la Maison Blanche, Malcolm Kilduff, annonce à la presse et au monde le décès du 35eme président des Etats-Unis :
« President John F. Kennedy died at approximately 1 p.m. Central Standard Time today here in Dallas. He died of a gunshot wound in the brain » [« Le président John F. Kennedy est mort aux alentours d’une heure du matin à Dallas. Il est décédé des suites d’une blessure par balle au cerveau », ndlr].

Une heure auparavant, à 12h30, John Fitzgerald Kennedy était victime d’un attentat sur Elm Street alors qu’il paradait dans une limousine décapotable en compagnie de son épouse Jacqueline, du gouverneur du Texas John Connally et sa femme Nellie.

Flanqués du vice-président Lyndon Baines Johnson, les Kennedy sont arrivés à Dallas dans la matinée en provenance de Fort Worth. Ils entament au Texas une campagne présidentielle qu’ils espèrent achever en novembre 1964 par la réélection du plus jeune président de l’histoire du pays.
Dallas, à l’image du territoire texan, est une ville conservatrice où le républicain Richard Nixon a obtenu 62,2% des suffrages aux dernières élections présidentielles, en 1960.
John F. Kennedy n’y est pas en odeur de sainteté. Le matin même, une publicité parue en première page du Dallas New Morning accuse le président de sympathie communiste sous le titre « Welcome Mr Kennedy ». JFK a prévenu sa femme : « Aujourd’hui on se rend dans un pays de dingues. Mais Jackie, si quelqu’un veut me tirer dessus depuis une fenêtre avec un fusil, personne ne pourra l’en empêcher. Alors pourquoi se faire du souci. »

Le président est touché

Pourtant, les craintes de l’Etat major de la Maison Blanche sont vite dissipées par la présence d’une foule euphorique de part et d’autre des avenues empruntées par l’itinéraire présidentiel.
Le défilé touche bientôt à sa fin. Soulagée, la femme du gouverneur lance même à Kennedy : « Monsieur le président, vous ne pourrez certainement pas dire que Dallas ne vous aime pas. »
En tête de cortège, les motards de la police de Dallas quittent Main Street, tournent à droite et virent à gauche pour emprunter Elm Street, au niveau de Dealey Plaza.

La limousine décapotable passe devant le Texas School book Depository (dépôt de livre scolaire) et s’apprête à s’engouffrer sous le pont ferroviaire lorsque plusieurs détonations troublent l’atmosphère guillerette.
Le président et le gouverneur sont touchés. John Kennedy s’est affalé sur Jackie, qui dans l’affolement est montée sur le coffre de la limousine pour récupérer un fragment du cerveau de son époux. La limousine accélère jusqu’à l’hôpital le plus proche. Les soins d’urgence prodigués par les praticiens du service traumatologique durant près d’une demi heure seront vains. Grièvement blessé au cou, à la gorge et au crâne, JFK est déclaré mort peu avant 13h00.

Un « homme blanc, d’environ 30 ans, mince, 1m80 »

Son corps est déposé dans un cercueil de bronze et transporté à l’aéroport de Love Field afin d’être embarqué sur Air Force One. Sans attendre, à bord de l’avion, le vice-président Lyndon Baines Johnson prête serment devant la constitution sous les yeux de Jacqueline Kennedy et devient le 36eme président des Etats-Unis.
Pendant ce temps, en ville, la police fourmille pour trouver une piste. L’origine des coups de feu n’est pas déterminée avec exactitude par les témoins de l’attentat. Les dépositions divergent. Certains désignent le dépôt de livres scolaires. Le bâtiment est fouillé, on y trouve des douilles de fusil au 5ème étage. Moins d’une dizaine de minutes après le dernier tir sur le président, l’immeuble est bouclé.

Le signalement d’un « homme blanc, d’environ 30 ans, mince, 1m80« , aperçu a la fenêtre du Texas School book Depository est diffusé aux patrouilles de la police de Dallas.

A 13h16, on apprend qu’un policier, l’agent Tippit, a été tué par balle, dans le quartier d’Oak Cliff en banlieue de Dallas. Non loin de là, un homme se fait remarquer par son comportement « étrange ». Il s’est introduit dans un cinéma où il sera appréhendé peu avant 14h00 après avoir tenté de dégainer un revolver. Il s’appelle Lee Harvey Oswald, est âgé de 24 ans et correspond au signalement du tueur transmis auparavant.
Il est rapidement inculpé du meurtre du policier, puis dans la nuit, de celui du président.
Preuves matérielles et témoignages concordants l’accablent rapidement du meurtre du policier.

Oswald emporte son secret dans la tombe

Le prévenu nie tout en bloc. « I’m just a patsy » [« Je ne suis qu’un pigeon », ndlr], dira-t-il devant les cameras de télévision. Sur les lieux présumés de l’attentat, on a retrouvé une vieille carabine de marque italienne, une Mannlicher-Carcano. La police établit rapidement qu’Oswald a reçu cette arme chez lui sous un nom d’emprunt. Sur des photos repérées à son domicile, le suspect pose fièrement carabine à la main et pistolet à la ceinture. Son passé pro-communiste et pro-castriste fait rapidement surface grâce au concours du FBI et de la CIA.

Interrogé jusqu’au matin du 24 novembre, Lee Harvey Oswald est escorté dans les sous-sols du commissariat Central pour être transféré vers la prison du comté. Pris d’assaut par les reporters, et dans un capharnaüm général, il est assassiné en direct à la télévision, par le propriétaire de boîte de nuit Jacob Rubenstein, allias Jack Ruby. Interpellé sans ménagement, Ruby avancera sa haine du communisme et son inclinaison pour Kennedy comme explication de sa conduite.

Le lundi 25 novembre 1963, le défunt président est enterré à Washington dans l’émotion générale. De nombreux chefs d’Etats étrangers sont présents pour rendre hommage à celui qui a su forcer leur respect notamment par sa gestion exemplaire en octobre 1962 de la crise des missiles de Cuba.

Un tireur unique

Le 29 novembre, le président Johnson diligente une commission d’enquête, présidée par le président de la cour suprême de justice Earl Warren. Constituée de sept personnalités politiques et civiles, la commission est chargée de concentrer les informations glanées par les différents services d’investigation et d’établir les circonstances de l’assassinat de JFK.
552 témoins auditionnés, 16.000 pages écrites, 10 millions de dollars dépensés et 10 mois plus tard, la commission Warren rend son rapport. Pour elle, Lee Harvey Oswald a assassiné seul le président John F. Kennedy, tirant à trois reprises depuis la fenêtre du cinquième étage du dépôt de livres scolaires. La première balle a raté sa cible blessant partiellement un spectateur posté sous le pont de chemin de fer.

La seconde, la « balle magique », a touché le président dans le haut du dos, est ressortie par sa gorge avant de frapper le gouverneur au dos et au poignet droit avant de terminer sa course dans sa cuisse gauche. La troisième balle a asséné à JFK le coup mortel à la tête, emportant avec elle une partie du cerveau.
Selon la commission Warren, le meurtre de l’officier Tippit a été accompli par Oswald. Ce dernier a été éliminé par Jack Ruby, qui ne le connaissait pas et a agi de son propre chef. Quelques jours après l’assassinat, les premières théories du complot émergent.

Un rapport bâclé

Dans l’opinion publique, l’incertitude grandit. Les circonstances de l’assassinat de Kennedy et d’Oswald, avant que ce dernier n’ai eu le temps de livrer sa vérité, donnent du grain à moudre aux théoriciens d’une conspiration.
D’autant plus que durant trois ans à la tête du « monde libre », JFK a eu le temps de nourrir certains antagonismes. Du KGB à la mafia en passant par les pro-castristes, la CIA ou encore le complexe militaro-industriel, ils sont légions à être soupçonné de ne pas vouloir la réélection du président.

Les conclusions du rapport Warren ne convainquent pas l’Amérique. Pour André Kaspi, historien français spécialiste de l’histoire des Etats-Unis (« Kennedy : les 1000 jours d’un président », Armand Colin, 1993), « le rapport de la commission Warren a été conduit trop rapidement« .
L’absence de débat contradictoire au sein de la commission d’enquête et la précipitation avec laquelle elle apporte ses conclusions nourrissent la controverse : comment expliquer que la personne la plus puissante, la plus influente de la planète puisse être tuée aussi facilement par le premier déséquilibré venu ? Ce président, qui incarnait plus que quiconque la modernité, n’avait-il pas bien trop d’ennemis pour que son assassinat ne soit l’œuvre que d’un simple tireur isolé ?

« Quelque chose à cacher »

La sympathie que Kennedy inspire (davantage encore après sa mort) à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières, participe à cette exigence commune de vérité.
Moins d’un mois après le triple homicide, l’avocat Mark Lane est le premier à émettre publiquement des doutes sur la culpabilité de Lee Harvey Oswald. Dans une lettre ouverte adressée au président de la cour suprême, il s’offusque de l’absence de garanties légales offertes, malgré son décès, au principal accusé et propose de le représenter. Infructueusement.
Les premiers livres défendant la thèse d’une conspiration sont publiés dans l’année suivant l’assassinat. La confidentialité de l’enquête, (l’ensemble des dossiers de la commission furent déclarés secrets pour une période de 75 ans- jusque 2039) le manque de communication, nourrissent les fantasmes les plus excentriques. « S’il y a tant de secrets autour de cette affaire, c’est qu’il y a quelque chose à cacher’« , résume François Carlier, auteur de « Elm Street. Oswald a tué Kennedy ! » (Publibook, 2008), pour expliquer le florilège de théories sur cette affaire.

Très vite certaines approximations du rapport Warren sont décelées.
Les sceptiques repèrent des divergences entre les déclarations de certains témoins et les affirmations du rapport. La théorie de la « balle unique » où « balle magique » n’arrive pas à séduire.
Services de sécurité amorphes, autopsies contradictoires, changement de position des véhicules du cortège: les éléments matériels litigieux ne manquent pas d’entretenir le doute dans l’esprit des américains.
Le journaliste français Léo Sauvage, correspondant du Figaro à Washington est l’un des premiers à mettre l’accent sur les incohérences des conclusions de l’enquête dans son livre « L’Affaire Oswald », paru en 1965.

Manipulation ?

A défaut de pouvoir prouver que le FBI et la CIA ont manipulé des éléments de l’enquête, certains « conspirationnistes » reprochent aux deux agences de renseignement d’avoir au minimum masqué certaines preuves.
En 1967, le district Attorney de la Nouvelle Orleans, Jim Garrisson entreprend l’ouverture d’une enquête officielle sur l’assassinat du 22 novembre 1963 (Oliver Stone s’en inspirera dans son film « JFK » sorti en 1991). Le procureur est persuadé que la CIA, dont l’influence était menacée par le président Kennedy, a fomenté un coup d’état par l’intermédiaire d’un de ses agents, l’homme d’affaire Clay Shaw. Lors du procès, Garrison, qui a eu accès au rapport Warren, ordonne la projection du film d’Abraham Zapruder. Cette séquence de 26 secondes filmée par un témoin direct de l’attentat, révèle pour la première fois au public la réalité visuelle de l’événement. Faute de preuves, Clay Shaw est acquitté le 1er mars 1969. Garrison s’est fourvoyé, mais le retentissement du procès insuffle à l’affaire un nouvelle dimension.

En 1976, quatre années après le scandale du Watergate et dans un climat de suspicion à la suite des révélations sur les activités illégales de la CIA, le Congrès ordonne l’ouverture d’une seconde commission d’enquête. Pour le House Select Committee on Assassinations, il y a bien eu complot le 22 novembre 1963 à Dallas. Quatre balles ont été tirées par deux tireurs, mais l’un d’entre eux a manqué sa cible !
En l’absence de preuve absolument fiable, cette version sera contestée par le ministère de la Justice quelques années plus tard.

« Substitution du cerveau »

Des théories plus ou moins sérieuses font leur apparition. Comme l’écrit François Carlier, sur son site internet, « Nul ne sait vraiment, ou plutôt, tout le monde croit savoir ; chaque auteur est persuadé que c’est sa thèse qui est la bonne, à l’exception de toutes les autres« . Certaines hypothèses, plus loufoques les unes que les autres, sont défendues avec panache par leur instigateurs. Parmi ceux-ci, David Lifton atteste en 1980 dans son livre « Best Evidence », que le corps de Kennedy a été retiré de son cercueil le 22 novembre 1963 afin d’être maquillé dans le but d’appuyer l’argumentation du tireur unique.

James H. Fetzer, explique que l’assassinat de Kennedy est l’œuvre d’une conspiration décidée en haut lieu, dont les protagonistes n’ont pas hésité à modifier les radiographies des autopsies, à substituer le cerveau de Kennedy et recréer le film de Zapruder en utilisant les techniques sophistiquées d’impression optique et d’effets spéciaux.

En 1992, l’affaire connaît un nouveau soubresaut. Le film « JFK » d’Oliver Stone a connu un succès retentissant. Malgré une certaine liberté de reconstitution et un ton volontiers provocateur, son impact conduit à la divulgation publique de 98% de l’ensemble des documents de la commission Warren.

« Kennedy n’est mort qu’une fois »

Les théoriciens du complot ont le vent en poupe, mais les enquêtes de Gerald Posner (« Case Closed » en 1993) et de Vincent Bugliosi (« Reclaiming History » en 2007), aussi minutieuses que documentées (la seconde a duré 20 ans) mettent à mal les théories du complot. L’éventualité d’un deuxième tireur et d’un quatrième coup de feu est totalement écarté. En 45 ans de controverse, aucun « chercheur » n’a jamais pu soutenir à l’aide de preuves concrètes n’importe quelle théorie de la conspiration.

Pourtant, selon les sondages réalisés à l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de John F. Kennedy, 70% des Américains persistent à penser que Lee Harvey Oswald n’était pas l’unique assassin sur Elm Street le 22 novembre 1963. Ils n’étaient que 46% à croire au complot en 1966. Peu importe, selon Marcel Dehaeseleer, auteur d’un site internet sur l’affaire Kennedy. Si complot il y a eu, les traces ont été effacées depuis longtemps : « On pourra juste établir et rassembler un faisceau de présomption« .

L’assassinat de Kennedy est l’événement qui a occasionné à ce jour le plus d’ouvrages et documentaires (même des jeux vidéos). Selon le procureur Vincent Bugliosi, plus de cent théories du complot ont été recensées. Cent quatorze personnes ont été suspectées d’y avoir participer, parmi lesquels quatre-vingt-deux assassins présumés différents d’Oswald !
Il faut pourtant se rendre à l’évidence, comme le dit François Carlier : « Kennedy n’est mort qu’une fois, il ne peut donc y avoir qu’un seul scénario. »

Sélim Batikhy
(nouvelobs.com)