L’organisation Human Rights Watch ne mâche pas ses mots. Dans son dernier rapport, publié lundi, elle accuse ouvertement les autorités birmanes de procéder à un « nettoyage ethnique » de la minorité musulmane du pays.
« Crimes contre l’humanité », « déportation », « nettoyage ethnique ». Des accusations très graves portées par l’ONG Human Rights Watch, dans son rapport publié lundi 22 avril, à l’encontre des autorités birmanes qui persécutent outrageusement depuis 2012 la minorité musulmane du pays. Privés de nationalité encore jusqu’à l’ère de l’ancienne junte birmane, quelques 800 000 Rohingyas sont toujours traités comme des immigrants illégaux dans leur propre pays. Ils sont victimes d’une « ghettoïsation » qui les rend vulnérables à toutes sortes d’abus, accuse Phil Robertson, directeur adjoint pour l’Asie de l’organisation. Les Rohingyas vivent confinés à l’ouest du pays où bouddhistes et musulmans s’affrontent violemment. Des affrontements qui ont causé depuis 2012 pas moins de 180 000 pertes humaines, selon les chiffres officiels.
Dans la ligne de mire de l’ONG : les responsables birmans, les leaders communautaires et les moines bouddhistes. Ils « ont organisé et encouragé » les attaques des Rakhine contre les villages musulmans en octobre 2012, avec le « soutien des forces de sécurité », accuse sans détour Phil Robertson. « Le gouvernement birman s’est engagé dans une campagne de nettoyage ethnique contre les Rohingya qui se poursuit aujourd’hui à travers le refus de l’aide et les restrictions de mouvement », insiste-t-il.
« Tout ce que vous pouvez faire est prier »
Un coup d’épée dans l’eau ? Certainement, étant donné que l’accusation de « nettoyage ethnique » ne jouit d’aucune définition juridique formelle en droit international. Pour Human Rights Watch, ce terme décrit généralement la politique d’un groupe ethnique ou religieux destinée à vider un territoire de la présence d’un autre groupe par des méthodes violentes et inspirant la terreur. Et plus de 125 000 personnes, dont une majorité de Rohingya, ont été contraintes de se déplacer l’an dernier et vivent toujours dans des camps de fortune, souligne l’organisation.
Dans le rapport intitulé « Tout ce que vous pouvez faire est prier » et fondé sur une centaine de témoignages, Human Rights Watch affirme également détenir des preuves de l’existence d’au moins quatre fosses communes dans l’Etat d’Arkan. « En juin 2012, un camion du gouvernement aurait déversé dix-huit cadavres près d’un camp de déplacés rohingya, dans le but de leur faire peur pour qu’ils partent définitivement », peut-on lire dans ce rapport. « Ils ont déversé les corps ici », a confié un Rohingya à l’organisation, « trois des corps avaient des impacts de balles. Certains avaient des brûlures, d’autres des blessures à l’arme blanche. L’un des cadavres présentait un impact de balle dans le front, un autre à la poitrine ».