Comment les dirigeants arabes lâchent du lest

Redaction

Après la Tunisie, l’Egypte veut pousser son président vers la sortie. Et après, à qui le tour? Dans plusieurs pays, la crainte de la contagion pousse les dirigeants à lâcher un peu de lest face aux manifestations, plus ou moins massives. Tout pour éviter l’étincelle et la révolution…

Algérie: les nombreuses promesses de Bouteflika

Abdelaziz Bouteflika s’est engagé ce jeudi à lever l’état d’urgence, instauré il y a 19 ans pour lutter contre les violences islamistes qui ont fait des milliers de morts. Cette levée, l’une des demandes de l’opposition et de la société civile qui se sont regroupées en une Nouvelle Coordination, devrait intervenir « dans un très proche avenir », a promis le président algérien, en place depuis 1999. Il s’est néanmoins défendu que cette mesure ait jamais « entravé l’activité politique ».

Il a aussi mis fin au silence qu’il gardait jusqu’à présent sur les émeutes du 4 au 9 janvier qui ont fait 5 morts et plus de 800 blessés, selon un communiqué officiel. Il a estimé « ces dépassements regrettables » et rappelé que les marches étaient interdites dans la capitale depuis une manifestation sanglante de Kabyles en 2001 mais pas ailleurs. Les autorités ont ainsi interdit la prochaine marche en faveur d’une démocratisation et d' »un changement du système », prévue à Alger le samedi 12 février.

De nombreuses revendications provoquent des mouvements spontanés de citoyens en colère depuis des années: manque de logements, mauvaise qualité des habitations, chômage notamment des jeunes, hausse des prix… Le président Bouteflika a abordé ces questions, promettant à tour de bras d’accélérer les constructions, de faciliter les prêts immobiliers et de consolider les prix des produits de première nécessité. La liste n’est pas finie. L’opposition et la société civile se plaignent de la corruption endémique et de l’inégalité du traitement par les médias officiels: il jure de lutter contre cela aussi.

Jordanie: le roi Abdallah II change de Premier ministre

La Jordanie est, avec l’Egypte actuellement en crise et l’Algérie où le président Bouteflika lâche du lest, l’un des pays où le régime semble vulnérable face à la « contagion » des mouvements de contestation, selon Denis Bauchard, ex-diplomate et chercheur à l’Ifri.

L’opposition islamiste et de gauche a organisé plusieurs manifestations ces dernières semaines pour protester contre la vie chère et réclamer des réformes, notamment les vendredi 21 et 28 janvier. Les slogans ont souvent visé le Premier ministre Samir Rifaï, violemment critiqué pour sa politique économique, malgré une série de mesures sociales. Résultat: ce mardi, le roi Abdallah II de Jordanie qui règne depuis 1999 l’a limogé pour calmer la rue.

Mais la puissante opposition islamiste a immédiatement promis de nouvelles manifestations. En cause: le choix du nouveau Premier ministre, Maarouf Bakhit. Le Front de l’Action Islamique (FAI), principal parti d’opposition, a estimé qu’il n’était « pas un réformateur ». « Il semble que le train des réformes n’est pas encore en marche. Nous sommes contre ce Premier ministre. (…) Les raisons de ces manifestations (sont) toujours valables ».

Yémen: manifestation sans précédent contre Saleh

Les manifestations anti-régime se multiplient depuis la mi-janvier pour réclamer le départ du président Ali Abdullah Saleh, qui dirige le Yémen depuis 1990 (et même 1978 pour le Nord du pays, avant l’unification avec le Sud).

Mercredi, sous la pression croissante de la rue, le président s’est engagé à ne pas briguer de nouveau mandat à l’expiration du sien en 2013, à ne pas transmettre le pouvoir à son fils. Le chef de l’Etat a aussi annoncé le report des élections législatives prévues pour le 27 avril, dont la tenue en l’absence d’une réforme politique était contestée par l’opposition. Il a enfin promis aussi de relancer l’appel au dialogue.

Mais jeudi, l’opposition a répondu en rassemblant des dizaines de milliers de partisans près de l’université de Sanaa pour réclamer un changement de régime, malgré les concessions du président, un allié clé de Washington dans sa lutte contre Al-Qaeda.

Là aussi, comme au Caire, c’est sur la place Tahrir de Sanaa que les contestataires se retrouvent. « Nous poursuivrons notre lutte pacifique jusqu’à la chute de ce régime injuste », ont clamé des orateurs du Forum commun, une alliance de l’opposition parlementaire yéménite, qui affirme avoir mobilisé 100 000 personnes dans la capitale. Il s’agit du plus grand rassemblement jamais connu contre le régime de Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.

Syrie: quelques mesures économiques et sociales

La Syrie, où le parti Baas est au pouvoir depuis près de 50 ans, pourrait-elle être touchée par le mouvement de contestation sociale et politique sans précédent qui agite le monde arabe? Cette semaine, un groupe a lancé sur Facebook un appel à manifester vendredi en Syrie contre la « monocratie, la corruption et la tyrannie » et plusieurs milliers de personnes ont déjà exprimé leur soutien à cet appel sur le site de socialisation, pourtant censuré par les autorités.

Mais pour le président Bachar al-Assad, qui dirige le pays depuis 2000, le pays est « stable » et à l’abri, a-t-il affirmé dans une interview au Wall Street Journal paru lundi… tout en glissant que les dirigeants de la région devaient entreprendre des réformes.

Le gouvernement syrien, qui donne la priorité aux réformes économiques dans un pays où 20% de la population active est au chômage, a d’ailleurs pris quelques mesures en janvier. Il a créé un « Fonds national pour l’aide sociale » d’un montant de 250 millions de dollars, destiné à venir en aide à quelque 420 000 familles. Et augmenté de 72% les allocations pour le chauffage pour les employés de la fonction publique et les retraités (2 millions de personnes).

L’Express