Par Maurice Rajsfus
Eminent défenseur de l’Identité nationale, M. Hortefeux a profité de sa croisade à Vichy, les 3 et 4 novembre derniers, pour faire une annonce pleine d’intérêt: l’obligation pour les étrangers d’apprendre « La Marseillaise ».
Devons-nous entendre par là que le ministre estime pouvoir conjurer les « hordes d’esclaves », en rappelant des vers immortels comme:
« Ils viennent jusque dans nos bras
Egorger nos fils, nos compagnes… »
Il s’agit là d’une leçon de civisme bien tempéré, délivrée à ceux qui rêvent encore de la France comme d’une terre de liberté. Encore faudrait-il, pour calmer le jeu, expliquer que le « sang impur » qui « abreuve nos sillons » ne demeure pas dans les esprits comme une rengaine utilisée à des fins xénophobes, et peut-être même racistes. Pourtant, insiste M. Hortefeux, notre « Marseillaise est trop souvent entendue comme une mélodie, mais pas comme une pédagogie ».
Ce n’est pas là une simple suggestion, mais une forte incitation puisque, dès le 2 janvier 2009 le Conseil de l’intégration serait saisi pour « proposer une réflexion sur ce que doivent être les valeurs partagées de la République ». Néanmoins, notre gardien de l’Identité nationale veut: « une action qui sera menée de toute façon en 2009 ».
Comment expliquer cela de façon cohérente alors que l’on s’appliquerait à faire chanter aux postulants à la régularisation des paroles comme:
« Quoi, des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers… »
Il est certain que les mythes nationaux ont la vie dure, mais dans l’imaginaire de M. Hortefeux cela va bien au-delà du simple folklore commémoratif. En l’espèce, « La Marseillaise » réhabilitée serait une arme d’exclusion. Réanimer l’esprit vengeur, depuis Vichy, va bien plus loin que le symbole patriotique.
Nous connaissons les lois xénophobes et racistes du gouvernement Pétain-Laval, qui ont été à l’origine de tant de drames, et il ne saurait être question de quelque amalgame que ce soit, entre ce régime d’exception, auxiliaire de l’Allemagne nazie, et la France démocratique de 2008. Ce serait inconvenant. Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de mauvaises manières sont, de nouveau, mises en pratique contre les étrangers sans-papiers venus en France pour y travailler, et y trouver un lieu d’asile pour nombre d’entre eux.
Il ne se passe pas de jour sans que des hommes, des femmes, et même des familles entières se retrouvent enfermés dans des centres de rétention -véritables prisons-, criminalisés, avant d’être expulsés vers des pays où ils seront peut-être persécutés de nouveau.
Est-ce là l’image que veut fournir la France des Droits de l’homme? Aux accents de « La Marseillaise », comme il se doit!
Source: Rue89