Quand les mots ne suffisent plus à dire la douleur, les artistes prennent leurs stylos et dessinent, transformant l’horreur du quotidien en un manifeste artistique. À Gaza, l’art est le dernier refuge d’une humanité plongée dans le chaos.
Plusieurs initiatives artistiques ont ainsi suscité l’engouement des réseaux sociaux.
Transformer la fumée des missiles en symbole d’espoir
C’est le cas notamment de deux artistes palestiniens qui redessinent les nuages de fumée créés par les missiles israéliens. Ils font de ces champignons menaçants un visage, un point levé, un ange, un cheval.
Khaled Belal a 23 ans. Ce jeune Palestinien est photographe pour le compte de l’agence Anatolu. Il couvre depuis le 8 juillet l’offensive israélienne à Gaza, et est connu pour ses photographies très dures – il photographie notamment les cadavres d’enfant dans la plus grande morgue de Gaza. Ses dessins, eux, jouent plus sur la puissance évocatrice que sur le choc visuel. « Je voulais convier une image de paix et d’amour malgré toute la souffrance que subit ce pays », a-t-il expliqué au journal Arab Spring. « C’est ma façon de faire de la résistance ».
La démarche est la même pour Tawfik Gebreel, un architecte palestinien de 27 ans basé à Gaza. Les dessins de Gebreel sont « des symboles d’espoir et d’unité », qui utilisent « un langage compris par tous les peuples du monde ». Le jeune homme explique avoir commencé à travailler sur ce projet pour « réconcilier ses dessins avec la réalité de ce qu’il voyait, à travers l’analyse et la transformation des scènes d’explosion ». Pour lui aussi, le dessin est un moyen pacifique de résister. Il espère pouvoir exposer ses créations dans plusieurs pays, afin d’alerter l’opinion internationale sur les conditions de vie des habitants de Gaza.
L’humour pour exprimer la colère
Comme le montrent leurs dessins, la révolte de Khaled Belal et Tawfik Gebreel s’exprime à travers la poésie. Pour faire part de leur colère, d’autres artistes choisissent l’humour. Un célèbre dessinateur de presse palestinien, Baha Boukhari, publie ses caricatures dans le journal Al-Ayyam. Des dessins dans lesquels l’humour se double d’un terrifiant sentiment d’absurdité.
Boukhari a récemment expliqué le sens de son travail au site JOL. « Évidemment, travailler avec cette douleur n’est pas facile, mais, en même temps, cela m’oblige à remplir mon devoir et mes responsabilités en tant qu’artiste et homme palestinien : m’exprimer sur la triste réalité de l’occupation », a-t-il confié.
Le dessinateur a également expliqué qu’il imposait certaines limites à son travail. « Je ne me censure que dans une certaine mesure. Je crois que n’importe quel artiste passe par le processus de filtrage des pensées et des émotions afin de maintenir un certain équilibre, un niveau de professionnalisme et de crédibilité. Il y a une chose sur laquelle je suis très strict : je m’efforce de ne pas tomber dans les stéréotypes » a-t-il dit.
Un dessinateur israélien rend hommage aux enfants palestiniens tués le 16 juillet
Le dessin n’est pas l’apanage seulement des artistes palestiniens. Dans l’autre camp, des crayons aussi s’élèvent pour dénoncer la violence du conflit. Un jour après la mort de 4 enfants palestiniens tués par un missile israélien alors qu’ils jouaient sur une plage, un dessinateur israélien, Amir Schiby, a voulu leur rendre hommage. Il a publié sur sa page Facebook un dessin où l’on voit 4 ombres jouer au ballon en bord de mer. La teinte orangée de l’image évoque un coucher de soleil, comme une métaphore du crépuscule de la vie des 4 enfants. La violence de l’événement décrit n’est donc pas atténuée par l’artiste, mais elle prend une forme plus imagée et donc plus puissante puisqu’elle appelle au ressenti personnel de celui qui regarde l’image.