Reçu aujourd’hui par Sarkozy, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas cherche des soutiens pour Gaza. Terre ou le travail des ONG est rendu difficile par le pouvoir israélien. Témoignage.
« Depuis le début de la seconde Intifada en 2000, pour des « humanitaires », entrer à Gaza est une étape difficile. En vingt-cinq missions, mes équipes ont été victimes de treize incidents. Et la situation s’aggrave : assister la population palestinienne est en train de devenir une mission impossible. Il faut trois choses pour intervenir à Gaza.
pression
D’abord, de l’argent. Il existe, puisque l’opinion mondiale reste choquée par le sort fait à ce peuple. Mais il faut être prompt à changer de sponsor car les donateurs sont euxmêmes sous pression : telle association française (très connue) a ainsi décidé, du jour au lendemain, de cesser un programme pourtant financé. En février 2006, alors que le Hamas venait de remporter les élections législatives, le ministère français des Affaires étrangères, qui nous finançait à l’époque, a stoppé brutalement son soutien : « la Palestine n’est plus une priorité ».
C’est le consulat de France à Jérusalem-Est, issu de la même administration, celle du Quai d’Orsay, qui a pris le relais. Comprenne qui pourra ! Alors, quand l’argent français vient à manquer, c’est une organisation américano-palestinienne qui nous finance. Depuis juin 2007, et la prise du pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza, tout contact officiel est théoriquement interdit avec l’administration de la Santé locale. Peuton pour autant s’imaginer aller enseigner et opérer des Gazaouis sans le plein accord de ceux qui, au quotidien, gèrent là-bas les médecins et les hôpitaux ? Depuis un an, l’étau se resserre. Pour travailler à Gaza, toute ONG doit maintenant être « accréditée » par Israël.
Parmi les impératifs : avoir un représentant permanent à Jérusalem, c’est-à-dire toute l’année, ce que la plupart des organisations ne peuvent évidemment pas se permettre. Exit donc, dans l’indifférence générale, un certain nombre d’organisations pourtant bien utiles. Une association américaine, qui travaille depuis plus de quinze ans en Palestine, attend depuis un an son accréditation. Aux États-Unis, ses dirigeants encourent jusqu’à soixante ans de prison pour être en contact avec le Hamas !
Dernière fantaisie israélienne : le conseil amical de modifier le nom de l’organisation en y supprimant le mot « Palestine » ! Une autre grande organisation américaine, qui fournit des équipements et de l’aide alimentaire, est, elle aussi, totalement bloquée. Deuxième impératif pour les humanitaires se rendant à Gaza, déclarer au sinistre Cogat (service de l’armée israélienne qui délivre le permis d’entrer), un organisme « organisateur », donc responsable de la mission. Les ONG faisant défaut, le consulat de France ne souhaitant pas non plus s’impliquer en tant qu’organisateur, c’est l’Organisation mondiale de la santé qui a accepté de nous servir de prête-nom en janvier, lors de notre dernière intervention. Mais jusqu’à quand ?
humiliation
Enfin, ultime exigence, il faut aussi une « coordination », c’est-à-dire une structure qui signale au Cogat notre passage. Jusqu’à présent, le consulat de France à Jérusalem acceptait de faire cette démarche, même si elle fut parfois sanctionnée par l’échec. Et je n’aimerais pas être à la place de ces fonctionnaires français qui se font mener en bateau pendant des semaines, voire humilier, pour permettre notre passage. Qu’ils soient tous remerciés. Notamment d’accepter de signaler le passage des membres « non français » de nos équipes, et qui sont la majorité. Ainsi, les Suisses ont-ils eu la surprise de constater, depuis que Mahmoud Zahar, l’ex-ministre des Affaires étrangères de Gaza, a été reçu officiellement par les autorités helvétiques, qu’ils n’étaient plus « coordonnés » par Israël. Pour contourner ce « barrage », ils ont dû se glisser dans nos équipes. À quand notre passage par les tunnels.
Christophe Oberlin (Lire interview accordée à Algerie-Focus)
Bakchich.info