L’achat massif de bons de trésor américains par la Chine limite la dépréciation du dollar

Redaction

I- La cotation du dollar et du yuan influe sur la valeur tant des exportations que les bons de trésor chinois libellées en dollars. En effet, la cotation du
dollar par rapport à l’euro malgré une légère appréciation entre avril et aout 2010, est en nette dépréciation en tendances lourdes, cette politique de dépréciation du dollar correspondant à une politique volontaire de baisse du dollar afin d’essayer de réduire le déficit commercial et de limiter la valeur réelle des USA de leur endettement mondial libellé en dollars. Car, une forte remontée du dollar face aux principales monnaies mondiales, supposerait une forte hausse des taux d’intérêts de la Fed et une
baisse de la création monétaire, en contradiction avec le programme du nouveau président US dans la mesure où toute appréciation aurait pour conséquence le
frein du marché immobilier (crédits inabordables du fait d’une hausse des intérêts sur les ménages endettés à taux variables), la consommation américaine pouvant être freinée avec le risque d’accélération des faillites des entreprises.

Cependant au vu des perspectives tant de l’économie mondiale que de l’économie américaine, il est attendu que la Fed relève dans un proche avenir son taux d’escompte mais d’une manière graduelle du fait du retour à l’inflation aux USA reflet de l’importance du déficit budgétaire. Selon Hélène Rey professeur à la London Business School
dans une contribution aux échos parisien le 22 mai 2009, les investissements américains à l’étranger étaient d’environ 10 % du PIB des Etats-Unis, prêtant au reste du monde, sa position extérieure n’excédait pas 4 % du PIB et les avoirs et dettes externes des Etats-Unis ne dépassent pas 15 % du PIB américain.

Avec la crise des prêts hypothécaires d’août 2007, les actifs étrangers détenus par les Etats-Unis s’élevaient à 122 % de leur PIB en actifs étrangers et leur dette au reste du monde à 135 %. L’endettement net extérieur a été la résultante des déficits de la balance commerciale américaine accumulés depuis les années 1980. Ainsi, selon cet auteur, les Etats-Unis d’avant la crise ressemblent à une banque d’investissement qui se finance massivement en émettant de la dette et investit de façon colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs). Ce faisant, les Etats-Unis obtiennent un rendement élevé sur leurs actifs et se refinancent à
bas pris sur le marché de la dette, ayant profité de l’engouement mondial pour les bons du Trésor américain. Ils encaissent ainsi la différence de rendements. Mais lorsque les prix des actifs et de la dette deviennent volatils, la valeur du portefeuille externe des Etats-Unis devient encore plus volatile en raison de l’effet de levier.

II- Justement, concernant les bons de trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Au mois de juin 2010, sur 2450 milliards de dollars de réserves de change chinois une grande partie est libellée en dollars.

Malgré certaines déclarations contre l’hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor. Ainsi, la crise a rendu de facto l’économie américaine encore plus dépendante de la Chine des Etats-Unis et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est ce que cette situation pourra continuer à l’avenir ? Tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant, les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis ? C’est que la Chine veut renforcer sa lutte contre les fonds spéculatif selon
l’administration des changes (SAFE) , cette annonce d’un renforcement de la répression contre les fonds spéculatifs faisant suite à la décision prise en juin 2009 de restaurer une marge de 0,5% de la fluctuation de la monnaie chinoise par rapport au dollar, autour d’un cours pivot fixé quotidiennement, cette appréciation du yuan risquant d’attirer davantage les fonds spéculatifs qui alimenteraient l’inflation. L’Administration des changes a enfin dévoilé qu’elle voulait étendre la diversification du placement pour les réserves de devises en tenant compte de la baisse de la cotation du dollar.

Comme impact de cette dépréciation du dollar, le président brésilien estime que son pays et la Chine vont parvenir à avoir des échanges bilatéraux dans
leurs monnaies respectives, sans passer par le dollar, selon la déclaration de Luiz Inacio Lula da Silva le 19 mai 2009 à Pékin, rapporté par China Daily.
Mais paradoxalement si la Chine suspend l’achat de bons du Trésor, la valeur de ses avoirs libellés en dollars baissera fortement affectant par ricochet sa situation économique et donc ses exportations. Qu’en sera t-il si la dépréciation du dollar devait continuer dans le temps et l’achat récent des droits de tirages spéciaux (DTS) émis par le FMI par la Chine mais également par l’Inde, n’inaugure t –elle pas un changement de la politique monétaire en rappelant que la valeur du DTS a été fixée initialement à 0,888671 gramme d’or fin, ce qui correspondait alors à un dollar EU et qu’après l’effondrement du système de Bretton Woods, en 1973, la valeur du DTS
a été déterminée par rapport à un panier de monnaies, qui comprend actuellement le dollar EU, l’euro, la livre sterling et le yen, représentant donc une valeur d’un panier de monnaies , le dollar avec seulement 41% et les autres monnaies 59%. Mais il faut être réaliste bien qu’en diminution relative, le dollar continue toujours d’être une référence dans les transactions mondiales et à court terme il est utopique de prédire son remplacement.

III- La guerre actuelle des monnaies, où les USA et les Européens demandent la réévaluation de la monnaie chinoise, n’est–elle pas le reflet d’une
profonde reconfiguration stratégique ? L’objectif stratégique n’est-il pas de repenser l’actuel système économique mondial et donc la représentation au niveau des institutions internationales ce système actuel favorisant la bipolarisation Nord/Sud, la pauvreté préjudiciable à l’avenir de l’humanité, accéléré d’ailleurs par les gouvernances les plus discutables de la part de la plupart des dirigeants du Sud.

Sur les 7 milliards d’âmes les 2/3 sont concentrées au sein de la zone Sud avec moins de 30% des richesses mondiales. Car ce début du 21ème siècle, des disparités de niveau de vie criantes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres qui appartiennent à l’Afrique sub- saharienne, à l’Asie du Sud et à l’Amérique Latine. Quand on sait que, dans les 25 prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards d’individus – dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement – on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris. Faute de relever le défi de lutte contre la pauvreté, la crise mondiale actuelle constitue une menace pour le monde au cours des années à venir.

Face à la crise mondiale, structurelle et non conjoncturelle, évitons les illusions. Seule, la reprise des valeurs technologiques détermine la reprise de la sphère réelle d’une manière durable évitant cette suprématie de la sphère financière. Or cette reprise est mitigée. Les thérapeutiques préconisées ne s’assimilent-elles pas à une transfusons angine alors que l’économie mondiale souffre d’une hémorragie interne ? Aussi, les effets de la crise d’octobre 2008 qui n’est pas seulement une crise économique mais également une crise morale du capitalisme, devrait préfigurer de profonds bouleversements géopolitiques, économiques, sociales entre 2015/2020, avec l’entrée en force des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Russie, Turquie notamment) voire politique étant une crise systémique, suppose un profond réaménagement de la gouvernance mondiale. Aussi, malgré des régimes politiques diamétralement différents, les intérêts économique des Etats-Unis d’Amérique et de la Chine, du moins à court terme convergent. Et l’on peut se poser cette question n’assisteront nous pas à un duo USA/Chine horizon 2020 marginalisant l’Europe ?

Docteur Abderrahmane MEBTOUL, professeur d’Université en management
stratégique -Economiste (Algérie)

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