La cour de Silivri, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’Istanbul, a condamné ce vendredi 21 septembre plus de 300 officiers, dont 3 généraux à perpétuité. Ils sont accusés d’avoir comploté pour renverser, en 2003, le gouvernement de l’AKP du Premier ministre Tayyeb Erdogan.
Des peines de 20 ans de prison ont été prononcées à l’encontre des cerveaux du complot, l’ex-général Cetin Dogan, ancien commandant de la 1ère armée, et à d’anciens chefs de l’armée de l’air et de la marine, Ibrahim Firtina et Özden Örnek.
La même cour a condamné 78 officiers à 18 ans et 246 autres à 16 ans de réclusion. 28 d’entre eux ont vu leur sentence réduite à 12 ans pour bonne conduite.
Tous ont été reconnus coupables, à des degrés divers, de « tentative d’empêcher par la force l’action du gouvernement de la République », une peine passible de la prison à vie mais qui a été réduite car le crime, indépendamment de la volonté des accusés, n’a pas pu être réalisé. 34 prévenus ont été acquittés, et la plupart des accusés sont par ailleurs interdits à vie d’activité dans le secteur public. Les condamnés peuvent encore déposer un recours devant la Cour de cassation.
Complot au sommet
Au total, 365 officiers actifs ou à la retraite, dont plusieurs anciens chefs d’armée et de corps d’armée, étaient poursuivis depuis décembre 2010 pour leur participation à un complot dont le nom de code est « Masse de Forgeron ». 250 d’entre eux étaient en détention provisoire.
Le groupe prévoyait une série d’attentats destinés à semer le chaos en Turquie et à justifier une intervention de l’armée. Mais les inculpés ont tous contesté cette version des faits, prétendant que le plan incriminé n’était en fait qu’un scénario pédagogique comme l’armée en produit souvent, et ont dénoncé l’utilisation de fausses preuves pour les jeter en prison.
L’armée était jusque-là intouchable, car considérée comme gardienne autoproclamée de la laïcité dans un pays à la population très majoritairement musulmane.
Les milieux pro-laïcité pensent que c’est une chasse aux sorcières visant à faire taire l’opposition et faciliter l’islamisation en catimini du pays.
Pour les milieux gouvernementaux, les procès de ces dernières années constituent en revanche une avancée majeure vers la démocratisation de la Turquie et le respect de l’Etat de droit par une armée, qui a été responsable de 4 coups d’Etat en un demi-siècle.
R. I.