La situation dans le monde arabe*

Redaction

Voici la situation au Moyen-Orient et dans le monde arabe, pays par pays, jeudi 3 mars, alors que l’onde de choc née en Tunisie, puis en Egypte, ne cesse d’avoir des répercussions.

En Algérie: Le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci a déclaré que la liberté d’expression existait dans son pays car elle a permis à ceux qui avaient été récemment empêchés de manifester à Alger de s’exprimer. Par ailleurs, un jeune homme est décédé après s’être immolé par le feu dimanche devant la wilaya (préfecture) de Bordj Bou Arredidj, à 235 km à l’est d’Alger, a rapporté le quotidien El Watan. Il s’agit du cinquième décès par immolation en Algérie. Le président américain Barack Obama a « félicité » le gouvernement algérien après la levée jeudi de l’état d’urgence décrété il y a 19 ans et espère que cette mesure augure de changements répondant aux aspirations du peuple algérien, a indiqué la Maison Blanche.

En Arabie saoudite: Des appels ont été lancés sur une page Facebook pour une « journée de colère » vendredi dans l’est à majorité chiite de l’Arabie saoudite, à la suite de l’arrestation d’un dignitaire religieux chiite. Un important remaniement ministériel doit être prochainement annoncé en Arabie saoudite, a déclaré mercredi un responsable. La Bourse du pays, premier marché financier arabe, a chuté de 6,8% à la clôture mardi, alors que 26 personnalités islamistes dont l’influent prédicateur Salmane al-Auda estiment dans une pétition en ligne qu’une « réforme radicale est nécessaire en Arabie saoudite ». Une centaine d’intellectuels saoudiens ont également réclamé l’instauration d’une « monarchie constitutionnelle » dans cette monarchie absolue qui ne dispose que d’une Loi fondamentale. Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a recouvré la santé après ses opérations au dos mais a besoin de poursuivre le programme de rééducation entamé à New York, a déclaré vendredi le ministre saoudien de la Santé. Rentré dans son pays après trois mois d’absence pour raisons médicales, il a annoncé une série de mesures sociales.

A Bahreïn: Des heurts ont opposé jeudi soir de jeunes sunnites à des chiites dans la banlieue de Hamad City, au sud de Manama, ce qui a nécessité l’intervention de la police. C’est le premier incident de ce genre depuis le début de la contestation le 14 février à Bahreïn, petit royaume du Golfe dirigé par une dynastie sunnite et dont la population autochtone est composée en majorité de chiites. L’agence de notation financière Fitch Ratings a abaissé jeudi d’un cran la note de Bahreïn, passée de « A » à « A-« .

En Égypte: La Bourse du Caire, fermée depuis le 27 janvier à la suite du mouvement de révolte populaire qui a renversé le régime de Hosni Moubarak, le restera jusqu’à nouvel ordre, a-t-on appris jeudi.
Le Premier ministre Ahmad Chafic, nommé pendant les derniers jours du règne de Moubarak, a démissionné jeudi. Il sera remplacé par Essam Charaf, un ancien ministre. Quant au président déchu, il reçoit un traitement médical pour un cancer en Arabie saoudite, selon le journal égyptien al-Akhbar de mercredi.
L’ex-raïs et sa famille proche sont interdits de quitter le pays, et leurs avoirs en Egypte sont gelés. Outre le président, qui a démissionné le 11 février et laissé le pouvoir à l’armée, cette requête concerne son épouse Suzanne ainsi que ses deux fils, Alaa et Gamal, et leurs épouses Heidi Rasekh et Khadiga al-Gammal.

En Irak:
Le maire de Bagdad a annoncé sa démission, après avoir été conspué le mois dernier par des manifestants rassemblés dans la capitale irakienne pour dénoncer la corruption et l’inefficacité de leurs élus. Un appel à de nouvelles manifestations vendredi à travers l’Irak a été lancé sur Facebook. La « Journée de la colère » contre l’impéritie du gouvernement irakien et la concussion a tourné la semaine dernière à la violence avec la mort par balles de neuf manifestants dans tout le pays lors d’affrontements avec les forces de sécurité. Quelque 5.000 manifestants étaient rassemblés place Tahrir à Bagdad.

En Iran:
Des affrontements ont opposé mardi après-midi à Téhéran les forces de sécurité à des manifestants réclamant la libération des deux leaders d’opposition Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, selon les sites de ces deux dirigeants, assignés à résidence depuis la semaine dernière.

En Jordanie: Les appels à l’instauration d’une monarchie constitutionnelle se multiplient. Le Premier ministre jordanien Maarouf Bakhit et son gouvernement ont obtenu jeudi la confiance du Parlement lors d’un vote serré à la veille d’une manifestation de l’opposition islamiste pour des réformes dans le pays. Au terme de deux jours de débats, Maarouf Bakhit a obtenu la confiance de 63 députés contre 47, avec sept abstentions et deux absences. Le gouvernement avait besoin de 61 voix parmi les 120 députés élus le 9 novembre. Le Premier ministre a promis des réformes « réelles et graduelles », dans une adresse devant les députés avant le vote. Il a ajouté que les récents appels à une monarchie constitutionnelle risquaient « de créer un déséquilibre dans le système politique jordanien ». Une nouvelle manifestation est prévue vendredi à Amman, après le succès de celle de la semaine dernière, la plus grande jamais organisée dans le pays. Les Etats-Unis ont apporté leur soutien à l’appel du en faveur d’un « programme sérieux » de réformes. Abdallah II a désigné Khaled Karaki, ancien ministre à la tête du cabinet royal, troisième poste en importance dans le pays. Si le nouveau Premier ministre, nommé début février, s’est engagé à procéder à des réformes « véritables et graduelles », les appels à l’instauration d’une monarchie constitutionnelle se multiplient. Une Commission a été formée en ce sens par des personnalités politiques et des islamistes, qui appellent à ce que le roi règne toujours, mais ne gouverne plus.

Au Koweït.
La pression est montée d’un cran mardi au Koweït contre le Premier ministre, cheikh Nasser Mohammad al-Ahmad Al-Sabah, un neveu de l’émir, deux nouveaux mouvements politiques demandant son départ: le Bloc islamiste du développement et de la réforme et l’Alliance salafiste, autre mouvement islamiste. Le Bloc de l’action populaire avait déjà appelé lundi au départ du Premier ministre. Une manifestation est prévue le 8 mars pour réclamer sa démission.

Au Liban. La France a appelé mercredi à la préservation de l’unité du Liban, où le système confessionnel a récemment fait l’objet de critiques, tout en assurant ne pas vouloir intervenir dans la formation en cours d’un nouveau gouvernement. Plusieurs centaines de personnes sont descendues dimanche dans la rue à Beyrouth pour protester contre le système confessionnel, à l’initiative de groupes de jeunes sur Facebook. « La révolution est partout… Liban, c’est à ton tour! », ont scandé les manifestants, en majorité des jeunes, en référence aux mouvements de révolte qui agitent le monde arabe.

Au Maroc: Le roi Mohammed VI du Maroc a mis en place jeudi un nouvel organisme public chargé de la défense des droits de l’Homme, en remplacement d’un précédent conseil au rôle uniquement consultatif, a-t-on appris de source officielle. La création du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) met fin au mandat du Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH), créé en 1990 par le roi Hassan II. Cette annonce intervient après les manifestations du 20 février au Maroc, qui avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes pour réclamer notamment des progrès sur les droits de l’Homme.

A Oman: Des Omanais ont formé mercredi soir un cortège de voitures dans Mascate en signe de soutien au sultan Qabous alors que des manifestants demandant des hausses de salaires maintenaient leur campement devant le Conseil consultatif. Des blindés ont dispersé sans violence mardi dans la ville de Sohar des manifestants qui bloquaient le port et une route conduisant à la capitale. L’opération s’est déroulée sans incident, alors que des échauffourées ont fait au moins un mort depuis samedi dans cette localité industrielle, à 200 km au nord de Mascate. La veille, les Etats-Unis ont exhorté les autorités à la retenue pour répondre à la tension. Ce week-end, le sultan Qabous, à la réputation de modéré malgré 40 ans de règne, a annoncé des mesures sociales, pour apaiser les tensions dans son pays qui contrôle la sécurité du détroit d’Ormuz, par où transite 40% du pétrole exporté par voie maritime dans le monde.

Au Qatar: Un appel sur Facebook à l’éviction de l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani a recueilli plus de 20.000 signatures, cependant qu’au Koweït, un groupe d’opposition nouvellement formé a demandé des réformes et l’émir cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah a annoncé des mesures sociales.

Au Soudan: Le président Omar el-Béchir a indiqué lundi dernier qu’il ne briguerait pas un autre mandat lors de la prochaine élection présidentielle, selon un responsable du Parti national du Congrès (au pouvoir).

En Syrie:
Une page Facebook intitulée « la révolution syrienne contre Bachar al-Assad 2011 » appelait à des manifestations à une date encore indéterminée. Un étudiant en journalisme et blogueur syrien Ahmad Hadifa a été libéré jeudi, six jours après son arrestation, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Son blog explique notamment comment contourner la censure de sites bloqués par les autorités et présente des articles sur les révolutions qui ont éclaté en Tunisie et en Egypte et la possibilité de contagion à d’autres pays de la région.Le président syrien Bachar al-Assad a estimé mardi que les dirigeants du monde arabe devaient être plus à l’écoute de leur peuple, lors d’une rencontre avec une délégation de sénateurs américains en visite à Damas.

En Tunisie:
Le président tunisien par intérim Foued Mebazaa devait annoncer jeudi soir dans un discours à la nation l’élection vers le 25 juillet d’une Assemblée constituante, chargée d’élaborer une nouvelle Constitution pour l’après-Ben Ali, a-t-on appris de source proche du gouvernement. Il devait présenter une feuille de route pour les prochains mois prévoyant notamment la formation d’un nouveau gouvernement de transition, selon la même source.
Le « conseil de protection de la révolution », un collectif formé de plusieurs partis politiques, de la centrale syndicale UGTT et d’organisations de la société civile, devrait être intégré à la Commission nationale des réformes politiques, mise en place après la chute à la mi-janvier du président Zine El Abidine Ben Ali.
Tous les prisonniers politiques ont été libérés, selon l’avocat Samir Ben Omar, secrétaire général de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques, soit 800 personnes environ, par groupes depuis lundi soir, en vertu d’une amnistie générale décrétée le 20 janvier. L’agence de notation Fitch Ratings a annoncé mercredi qu’elle abaissait d’un cran la note de la dette à long terme de la Tunisie à BBB- et maintenu sa perspective « négative », en raison des incertitudes entourant la situation économique et politique du pays. Le mouvement islamiste tunisien Ennahda, largement réprimé sous le régime de l’ex-président Ben Ali, a été légalisé, trente ans après sa fondation, a annoncé mardi son porte-parole officiel. Pendant ce temps, à Tunis, le sit-in est maintenu jusqu’à la formation d’une Assemblée constituante et la reconnaissance du Conseil de protection de la révolution. Sur le plan gouvernemental, les ministres du gouvernement de transition démissionnent les uns après les autres. Mardi, c’est au tour des ministres de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Ahmed Ibrahim, et du Développement régional et local, Ahmed Néjib Chebbi. Le ministre de l’Industrie et de la Technologie, Mohamed Afif Chelbi, et celui de la Planification et de la coopération internationale Mohamed Nouri Jouini, qui figuraient dans le dernier gouvernement du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, ont présenté leur démission lundi, au lendemain de celle du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, dont les manifestants réclamaient le départ. Il avait pris les rênes d’un gouvernement de transition à la suite de la chute le 14 janvier du président Ben Ali. Il a été remplacé par l’ancien ministre Béji Caïd Essebsi.

Au Yémen: Deux manifestants ont été tués et neuf autres blessés lorsque des soldats ont tiré sur des manifestants vendredi dans la localité de Semla, à 170 km au nord de Sanaa. L’opposition yéménite et des chefs religieux ont proposé jeudi au président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, un plan de sortie de crise prévoyant son départ avant fin 2011, alos que son mandat expire en 2013. La pression s’est accentuée mercredi sur Saleh avec le ralliement des séparatistes sudistes au mouvement de contestation, qui prend toujours plus d’ampleur. Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty International, au moins 11 personnes ont été tuées vendredi, et 27 au total depuis le 16 février.

(Challenges.fr)
* Titre de la rédaction