Plus de vingt ans après le retrait des forces de l’ex-Union soviétique d’Afghanistan, les troupes des États-Unis d’Amérique et celles de l’alliance Atlantique se retrouvent dans la même impasse.
Face à une des guérillas les plus déterminées au monde, les forces d’occupation, appartenant aux plus grandes puissances militaires de la planète, n’arrivent plus à maitriser une situation échappant de plus en plus à tout contrôle. La résistance pashtoune, composée en majorité mais pas exclusivement de la plus importante ethnie du pays, qualifiée abusivement de Taliban, a non seulement faussé tous les plans militaires américains mais encore modifié toute perspective géostratégique dans cette partie du monde.
De ce fait, l’intervention U.S en Afghanistan, intervenue en octobre 2001, officiellement présentée comme une mesure de représailles directs contre les attentats du 11 septembre 2001, mais en réalité pour s’assurer les voies d’approvisionnements énergétiques dans ce carrefour stratégique où se croisent le sous-continent indien, l’Asie centrale et le plateau iranien, est déjà un échec complet.
En dépit de l’engagement de plus de 100 mille hommes, d’un armement hypersophistiqué et la mobilisation d’importantes ressources financières, la résistance afghane arrive désormais, avec des moyens dérisoires, à contrôler la majeure partie du Sud, de l’Est et du centre de ce pays montagneux en enclavé.
Le régime fantoche de Kaboul, mis en place et soutenu par les armes américaine et atlantique, ne contrôle plus aucun secteur et ses membres sont tous impliqués dans des actes de grande prévarication. L’aide internationale est détournée ; l’ensemble des marchés octroyés à des firmes proches du complexe militaro-industriel U.S et Arabes du Golfe sont entachés de malversations et de corruption.
S’appuyant sur les zones tribales des confins afghano-pakistanaises, de tout temps rétives au contrôle de toute autorité centrale, les Taliban afghans multiplient les initiatives, y compris en plein centre de Kaboul, la capitale et imposent leur rythme. Les forces étrangères en sont arrivées à se cantonner dans des sanctuaires ultra-protégés et n’en sortent qu’à bord de lourds véhicules blindés assurés d’une large couverture aérienne et satellitaire. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant d’apprendre que les stratèges U.S tentent de négocier, presque à n’importe quel prix avec les Taliban ; un aveu d’échec.
En reconnaissant l’adversaire, les occidentaux ont, par truchement, achevé le très peu de crédit dont disposait le président Hamid Karzaï et ses alliés Tadjiks de l’ancienne alliance du Nord auprès d’une partie des populations meurtries de ce pays.
Situation fort complexe. Sans issue. Qui n’est pas vue sans une certaine satisfaction par l’Iran et dans une moindre mesure par la Chine et la Russie. Ces derniers voyaient d’un mauvais œil l’installation militaire américaine sur leurs flancs et le considèrent comme une partie des efforts U.S visant à les encercler. La République islamique d’Iran, prise en étau entre les bases U.S en Irak et en Afghanistan, a su prendre un avantage certain de l’enlisement de la situation et de l’échec militaire et politique de son adversaire américain dans ces deux contrées.
Dans les années 70, un rapport prospectiviste israélien recommandait d’étendre et de porter la guerre et les tensions dans les pays islamiques éloignées afin de faire contre-feu au conflit d’Israël avec son voisinage géopolitique. Or, cette tentative, dont la mise en œuvre a commencé très peu de temps après la chute de l’ex-bloc de l’est, s’est révélée dangereuse et jamais depuis la création de l’entité sioniste, celle-ci ne s’est retrouvée autant isolée, malgré son alliance avec l’Egypte et la Jordanie.
La résistance pashtoune qui tient tête aux armées des États-Unis, de la Grande Bretagne, de la France, de l’Allemagne, du Canada, de la Hollande, d’Italie, de la Jordanie et de tant d’autres pays, a apparemment tellement subjugué les israéliens que leur Ministère des Affaires étrangères est en train de financer des recherches effectuées en Inde pour déterminer si oui ou non les pachtounes ne seraient pas les descendants d’une tribu juive perdue !
En attendant, sur le terrain, la guerre, atroce, continue. Ce pays très pauvre d’Asie ne semble pas prêt à connaître une paix qu’il n’a pas connue depuis trente ans. Les intérêts des grandes puissances ont en décidé autrement malgré l’échec répété des Grands jeux. Le dernier est déjà compromis.
Wissem Chekkat