Les heurts se sont poursuivis entre partisans et opposants au président Hosni Moubarak jeudi aux abords de la place Tahrir dans le centre du Caire, à la veille d’une nouvelle grande journée de contestation en Egypte baptisée « jour du départ ».
Les manifestants, qui réclamaient haut et fort pour la dixième journée consécutive la démission de Hosni Moubarak, tenaient toujours la place malgré les violents affrontements de mercredi et de la nuit avec les partisans du raïs, qui ont fait six morts et 836 blessés selon le ministère de la Santé.
Dix mille manifestants étaient massés jeudi après-midi sur cette place, épicentre du mouvement de contestation. Une partie d’entre eux ont formé une chaîne humaine pour en contrôler les accès. Certains se sont barricadés derrière de grandes plaques métalliques en prévision d’autres troubles.
Dans la matinée, après être restés passifs tout au long de mercredi puis de la nuit, des éléments de l’armée ont entrepris d’établir une zone tampon entre les deux camps aux abords de la place Tahrir. Cela n’a pas empêché une reprise des troubles, durant lesquels quelques tirs ont retenti. L’armée avait fait savoir lundi qu’elle jugeait légitimes les revendications des protestataires et qu’elle n’ouvrirait pas le feu sur eux.
D’autres rassemblements de l’opposition ont eu lieu en dehors du Caire, notamment dans le nord-est du pays, à Suez où 4.000 opposants ont manifesté, ou à Ismaïlia, où ils étaient 2.000.
GAMAL MOUBARAK PAS CANDIDAT
Si Hosni Moubarak ne s’est plus exprimé en public depuis son intervention télévisée de mardi soir, les hautes autorités ne sont pas restées silencieuses jeudi.
Le nouveau Premier ministre, Ahmed Chafik, a présenté des excuses pour les violences du Caire. Le gouvernement avait démenti un peu plus tôt avoir joué le moindre rôle dans la mobilisation des partisans de Moubarak et indiqué qu’une enquête serait ouverte sur l’origine des violences.
Le vice-président Omar Souleimane, nouvellement nommé, a annoncé quant à lui que le fils de Moubarak, Gamal, ne serait pas candidat à la succession de son père. Agé de 47 ans, Gamal Moubarak était considéré comme un successeur potentiel du raïs jusqu’à ce que l’Egypte bascule dans la révolte.
Omar Souleimane, issu de l’armée et chef des services de renseignement, a annoncé aussi que les autorités libéreraient tous les jeunes gens arrêtés depuis le début du mouvement de contestation n’étant pas impliqués dans des actes criminels.
L’agence officielle Mena rapporte de son côté que la justice égyptienne a gelé les comptes bancaires et interdit de voyages à l’étranger plusieurs ex-ministres du gouvernement, dont Habid el Adli, ministre de l’Intérieur honni en raison des agissements des forces de police.
Ces restrictions concernent également les ex-ministres du Tourisme Ahmed el Maghrabi et du Logement Zouhair Garana ainsi qu’Ahmed Ezz, homme d’affaires et ancien responsable du Parti national démocrate (PND) au pouvoir.
BAN PRÔNE UNE TRANSITION RAPIDE
Plusieurs journalistes étrangers et égyptiens ont été agressés au Caire lors des violences, ce qui a conduit la Commission de protection des journalistes (CPJ) à accuser le gouvernement égyptien de tentative d’intimidation et de censure généralisée à l’encontre des médias.
Jeudi, des partisans de Moubarak ont fait irruption dans plusieurs hôtels de la capitale où ils traquaient les journalistes, a rapporté la chaîne Al Arabia.
Le département d’Etat américain a condamné une « campagne concertée d’intimidation des journalistes étrangers au Caire et d’ingérence dans leurs reportages ».
Sur le plan diplomatique, cinq chefs d’Etat et de gouvernement européens, dont Nicolas Sarkozy, ont appelé à une « transition rapide et ordonnée » en Egypte. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, leur a emboîté le pas quelques heures plus tard.
Face à la dégradation de la situation, les autorités canadiennes ont recommandé à leurs ressortissants de quitter l’Egypte. A Paris, le Premier ministre, François Fillon, a dit que la France n’organisait pas d’évacuation de ses ressortissants mais se tenait prête à aider ceux qui voulaient rentrer.
L’onde de choc de la révolte tunisienne et des troubles égyptiens continue de se propager à travers le monde arabe.
Au Yémen, des dizaines de milliers d’opposants au président Ali Abdallah Saleh ont manifesté dans plusieurs villes, et en Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé que l’état d’urgence en vigueur depuis 1992 serait levé « dans un très proche avenir ». Il a en outre ordonné à son gouvernement d’adopter des mesures favorables à la création d’emplois.
Les cours du pétrole ont grimpé face aux craintes de propagation des troubles à l’Arabie saoudite ou d’un risque de perturbation du trafic maritime dans le canal de Suez. Le Brent, ainsi, a dépassé momentanément les 103 dollars.
Reuters