Une conférence pour la paix au Mali a débuté mercredi 16 juillet à l’hôtel El Aurassi d’Alger. Elle réunit les différents acteurs du conflit, dans le but de trouver une issue après plus de deux ans d’affrontements et d’instabilité dans le pays. Au-delà de l’optimisme affiché, tour d’horizon des principaux enjeux des pourparlers qui se déroulent actuellement dans la capitale algérienne.
Quelle est la situation actuelle au Mali?
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé dimanche 13 juillet la fin de l’opération Serval au Mali et son remplacement par la mission Barkhane, qui prévoit de lutter contre le terrorisme à l’échelle non plus nationale mais régionale.
Des affrontements meurtriers avaient toujours lieu début juillet entre l’armée et des groupes armés dans le nord du Mali, malgré le cessez-le-feu adopté le 23 mai et la perspective des pourparlers d’Alger pour trouver une sortie de crise. Le conflit dure depuis plus de deux ans entre l’armée, des mouvements djihadistes et les rebelles touaregs du MNLA, qui revendiquent notamment l’autonomie de la région de l’Azawad.
Pour plus d’informations, consultez notre chronologie.
Qui participe à la conférence d’Alger?
– Le gouvernement malien, représenté par son ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop et le Haut représentant du Président de la république pour le dialogue inter-malien Modibo Keïta.
– Six groupes armés du nord du pays : Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Coordination pour le peuple de l’Azawad (CPA), Coordination des Mouvements et Fronts patriotiques de résistance (CM-FPR), Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et Mouvement arabe de l’Azawad (dissident).
– Des pays partenaires du Mali : Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie.
– Des représentants d’organisations internationales : Union africaine (UA), Communauté économique du développement des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao), Organisation des nations unies (ONU), Union européenne (UE) et Organisation de la coopération islamique (OCI).
Quel est le programme?
L’objectif est avant tout de s’accorder sur les conditions des négociations : le calendrier, les sujets à aborder, l’organisation des groupes de travail etc… Cette première phase devrait occuper les deux premiers jours, c’est-à-dire jusqu’à jeudi soir au minimum. Ce n’est qu’ensuite que pourront être abordées les questions de fond.
L’objectif ultime est d’arriver à un accord qui garantisse la paix. Cependant, les débats porteront également sur l’organisation administrative et institutionnelle du pays – notamment le statut à donner au nord- les stratégies de développement des collectivités, la réorganisation des forces de sécurité et de défense, la réintégration des déplacés et la réconciliation nationale, ou encore la promotion des droits de l’homme.
Quelles sont les raisons d’y croire?
– Un échange entre 45 prisonniers détenus par le gouvernement malien et 42 personnes capturés par les mouvements armés du Nord-Mali, officialisé mardi en marge du Comité bilatéral stratégique Algérie/Mali qui s’est tenu à Alger avant le début du sommet international.
– L’engagement en juin dernier des six groupes armés concernés à respecter l’intégrité territoriale et l’unité nationale.
– Être parvenu à réunir autour d’une même table des parties en conflit ouvert depuis plusieurs années. Les premières déclarations vont dans le sens d’un apaisement et traduisent une volonté de coopérer. « Je suis optimiste pour que ces pourparlers débouchent, d’ici quelques semaines, à une paix durable au Mali, » s’est exprimé Pierre Buyoya, haut représentant de la mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel.
Quelles sont les raisons de ne pas y croire?
Les réactions de la presse africaine, beaucoup plus mesurées quant au succès des négociations d’Alger, tranchent avec l’optimisme affiché en Algérie.
– Le journal malien L’Essor met ainsi en garde : « le pire réflexe que nous pourrions avoir dans le contexte actuel serait de nous abandonner à ce que les Anglo-Saxons appellent le wishful thinking, c’est-à-dire à la propension à décrire les choses telles que nous souhaitons qu’elles soient. » L’éditorialiste rappelle notamment les luttes de pouvoir et les divisions des militants armés en deux clans -CPA, CMFPR et MAA d’un côté, « troïka » MNLA, HCUA et MAA de l’autre. Ce dernier groupe propose un projet de « Collectivité de l’Azawad” accordant davantage d’autonomie au Nord, jugé “fantasmagorique ».
– Même son de cloche dans les colonnes de L’Indépendant, où Saouti L. Haidara ne croit pas aux pourparlers d’Alger. « Ce n’est pas autour d’une table dans une capitale étrangère qu’une question d’une si haute importance nationale doit être discutée et tranchée. Surtout si l’interlocuteur d’en face ne détient aucun mandat pour le faire. Et que sa place se trouve davantage devant la CPI à La Haye pour répondre de ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité que dans un luxueux palace au bord de la Méditerranée. » Selon l’éditorialiste, la seule solution est un référendum pour savoir si la population malienne souhaite réellement accorder plus d’indépendance au Nord du pays.
– Quant au journal burkinabé L’Observateur Paalga, il souligne la complexité de la situation et préfère lui aussi rester prudent sur l’issue de la conférence d’Alger. « La certitude est que ce n’est pas le climat idéal qui devrait précéder une rencontre comme celle qu’abrite la capitale algérienne. Mais puisqu’il faut bien commencer les pourparlers quelque soit le contexte dans lequel ils se tiennent, c’est déjà un bon pas dans la bonne direction. »