Plus de 52 ans après l’indépendance de l’Algérie, la justice française vient de réhabiliter les harkis en condamnant à la fois l’État français pour avoir « abandonné » ces Français après l’indépendance et l’État algérien pour ne pas avoir « protégé » les harkis des représailles.
Par un jugement rendu le 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en région parisienne, a jugé la politique d’abandon des harkis sur le sol algérien, initiée à partir du 12 mai 1962 par les gouvernants de l’époque, comme constitutive d’une faute qui rend l’État français responsable des massacres dont les harkis et leurs familles ont été les victimes. Le tribunal a jugé « qu’il est constant que les autorités françaises qui avaient connaissance des massacres et des emprisonnements perpétrés contre les anciens supplétifs dès le cessez-le-feu n’ont pas pris les dispositions nécessaires qui auraient permis d’éviter totalement ou du moins minorer de manière sensible et significative de tels agissements ; qu’en contribuant ainsi, même indirectement, à rendre effective une telle situation, l’État français a commis une faute engageant sa responsabilité ».
Plus que cela, le tribunal énumère les innombrables « dépassements » de l’État français dans les camps où étaient réunis les harkis dans beaucoup de régions de France. « Qu’en outre, l’administration contrôle également le courrier et les colis qui sont ouverts et que si des prestations sociales sont accordées aux familles, elles ne leur sont pas directement versées mais le ministère des rapatriés les réaffecte au financement de dépenses de fonctionnement des camps ; que les conditions de vie difficiles des familles installées au sein des camps ont également eu des conséquences sur l’état physique et moral des personnes », reconnaît le tribunal dans son jugement.
Le tribunal s’en prend également à l’État algérien pour ne pas avoir « protégé » les harkis après les accords d’Évian, qui ont porté sur l’engagement à ne pas s’attaquer aux ressortissants des deux côtés pour des actes commis pendant la guerre. « Force est de constater que cet engagement n’a pas été tenu par les autorités algériennes et que, dès le lendemain des accords d’Évian, des massacres ont été perpétrés contre les harkis et leurs familles dans les villages évacués par l’armée », écrit le tribunal.
En revanche, le tribunal français refuse de répondre à la requête d’un harki qui demande réparation à hauteur de 1000 000 euros à l’État français.
Essaïd Wakli