Invité à l’université libanaise pour recevoir un doctorat honoris causa, le président iranien a conspué l’Occident devant une foule de garçons et filles acquis à ses idées.
Ce qui est sûr, c’est que cet homme aime les foules et celles-ci le lui rendent bien, surtout lorsqu’elles sont formées de gens pauvres ou de jeunes. Au campus de l’Université libanaise à Hadeth, où la direction lui a décerné un doctorat honoris causa en sciences politiques, il a mis en transe les étudiants, garçons et filles, voilées ou cheveux au vent, cravatés ou look islamiste. Portables tendus pour le prendre en photo, des centaines d’étudiants ont poussé des cris déments, bousculant dans tous les sens pour le voir de près, indifférents aux consignes de sécurité.
Et le président iranien, à son habitude, a terrifié son service de sécurité, en attrapant les mains tendues et en insistant pour saluer le maximum de personnes. Les jeunes sont d’ailleurs venus très tôt le matin pour avoir des places soit à l’intérieur de l’immense amphithéâtre, soit dehors pour suivre son arrivée. Tous sont impatients de le voir arriver. Certains apprécient ce qu’ils appellent son courage et son engagement, d’autres le trouvent différent et sont curieux de voir de près cet « homme phénomène ».
Mais le plus frappant, c’est quand même la gaieté qui règne sur les lieux, comme si, pour ces jeunes, accueillir le président de la République islamique d’Iran est une fête. Il arrive donc avec un peu de retard vers onze heures et aussitôt la foule se déchaîne. En professionnel de la communication (et de la provocation), Mahmoud Ahmadinejad sait se montrer proche des gens et parvient à leur montrer qu’ils sont importants pour lui. Il répétera ainsi à plusieurs reprises dans son discours sa joie d’être là « face à ces visages lumineux, cherchant le savoir… ».
Mais auparavant, il doit faire face à l’assaut d’une femme d’un certain âge qui se précipite pour lui donner l’accolade. Intimidé, il en rougit presque et ne sait plus où se mettre, appelant pour la première fois au secours son service d’ordre. Mais la femme insiste et veut se jeter à ses pieds. Finalement, ce sont les professeurs qui éloignent la femme tout émue d’avoir approché « son héros ».
Dans l’immense amphithéâtre plein à craquer où il n’y a plus un seul espace libre, le recteur Chakar prend la parole pour souhaiter la bienvenue à l’hôte du campus, saluant ses « qualités humaines et sa façon de faire croire à ses interlocuteurs qu’il les connaît depuis longtemps ». Le Dr Chakar met aussi l’accent sur la coopération entre l’Université libanaise et les universités iraniennes, et conclut en insistant sur la modestie du président de la République islamique. Ce dernier saisit la perche pour s’adresser à son auditoire, en lui demandant de le considérer comme « un étudiant de première année, face à de si éminents hommes du savoir ».
Ahmadinejad enchaîne sur un exposé sur le savoir, qui est, selon lui, « la lumière que Dieu met dans le cœur de celui qui le souhaite ». Son rôle est de mener vers la connaissance et un moyen de rechercher la perfection. « Dieu est le savoir absolu et la justice absolue. Il aime la beauté. Il est le Créateur et aime les hommes. » Au sujet des sciences économiques, Ahmadinejad a ainsi expliqué qu’elles sont en principe destinées à gérer les finances et les ressources pour aboutir à l’égalité et la justice entre les hommes. Or, la gestion économique de l’Occident a augmenté la lutte des classes. Sa soif de gain a appauvri les pauvres et enrichi les riches…
Sur le plan des sciences atomiques, alors que l’énergie atomique peut servir l’humanité avec ses multiples utilisations scientifiques, l’Occident a préféré la réserver pour son seul usage. « Ils nous empêchent de poursuivre nos recherches dans ce domaine et eux ont transformé l’énergie atomique en bombe nucléaire », a-t-il déclaré, en rappelant qu’au Liban par exemple, la construction de deux centrales électriques fonctionnant à l’énergie atomique pourrait multiplier de 14 fois la production d’électricité et résoudrait les problèmes de courant à un coût moindre.
Même chose sur le plan des sciences politiques, « l’Occident a introduit les conflits pour mieux contrôler les sociétés. Il a établi un système injuste basé sur l’humiliation des plus faibles. Regardez comment il traite les peuples du Moyen-Orient. Il nous méprise et cherche à nous dominer… » Quatre étudiants ont été choisis pour lui remettre des lettres au nom de leurs camarades. Faute de temps, ils n’ont pas pu les lire. Mais Ahmadinejad s’empresse d’embrasser les enveloppes et de les brandir haut la main avant de quitter l’amphithéâtre, laissant derrière lui des jeunes tremblant d’émotion qui s’empressent de vérifier que les téléphones portables ont bien immortalisé l’instant qu’ils viennent de vivre.
L’Orient-Le Jour
Courrier Intenational