L’Egypte et la Turquie traversent une grave crise diplomatique. Samedi 23 novembre Le Caire a décidé d’expulser l’ambassadeur de Turquie de son territoire, estimant qu’Ankara favorise l’instabilité politique du pays. La Turquie a fait de même de son côté.
L’Egypte est radicale et opte pour mesure diplomatique la plus drastique prise par l’Egypte face aux critiques qui se sont élevées à l’étranger contre la répression menée par les autorités installées par l’armée. Celle-ci a fait plus d’un millier de morts, en majorité des manifestants pro-Morsi, et conduit à plusieurs milliers d’arrestations.
Depuis la destitution de Mohamed Morsi, les deux pays sont en froid. L’Egypte accuse Ankara de soutenir l’ancien président. Quant au Premier ministre turc Recep Tayip Erdogan, proche de la confrérie des Frères musulmans à laquelle appartient M. Morsi, avait qualifié sa destitution le 3 juillet par l’armée de « coup d’Etat ». Depuis la dispersion le 14 août dans un bain de sang de manifestants pro-Morsi, il a multiplié les condamnations, évoquant un « très grave massacre » de manifestants « pacifiques ».
Jeudi, il avait affirmé n’avoir « aucun respect pour ceux qui ont amené M. Morsi devant la justice », faisant référence au procès ouvert le 4 novembre du seul président jamais élu démocratiquement d’Egypte pour « incitation au meurtre » de manifestants.
Qualifiant ces propos « d’ingérence inacceptable dans les affaires internes de l’Egypte » et de « provocation », la diplomatie égyptienne a convoqué samedi l’ambassadeur de Turquie, Huseyin Avni Botsali, lui signifiant qu’il était désormais « persona non grata ».
A l’inverse, le ministère égyptien des Affaires étrangères a également annoncé réduire son niveau de représentation en Turquie, expliquant que son ambassadeur, Abderahman Salah ElDin, rappelé le 15 août d’Ankara, ne retournerait pas à son poste et que désormais seul un chargé d’affaires assurerait la représentation diplomatique égyptienne. Tous les liens semblent avoir été coupés. Le ministère a en outre accusé la Turquie de « soutenir (…) des organisations cherchant à créer l’instabilité », faisant visiblement référence aux Frères musulmans, et reproché à Ankara de chercher « à dresser la communauté internationale contre les intérêts de l’Egypte ».
Retour de balle
La Turquie a ainsi pris la même décision et a annoncé que M. Salah ElDin n’était plus le bienvenu en Turquie, et qu’elle aussi réduisait ses relations diplomatiques avec l’Egypte au niveau des chargés d’affaires.
Depuis la Turquie, le président Abdullah Gül a semblé vouloir apaiser les esprits, estimant que la situation était « temporaire et conjoncturelle » et disant espérer que « les relations reprendront leur cours ». L’ambassadeur de Turquie au Caire a quant à lui affirmé à un média turc qu’il « (continuerait) à prier pour le bien de l’Egypte » car « il est de la plus grande importance pour la région et pour le monde que l’Egypte reste sur la voie de la démocratie ».
Les relations pourront-elles se réchauffer ? Rien n’est sûr, car outre les différends au sujet du soutien du Premier Ministre turc à Mohamed Morsi, les deux pays doivent gérer d’autres problèmes, notamment la détention d’un étudiant turc en Egypte. Des sources judiciaires égyptiennes ont annoncé samedi à l’AFP la prolongation de la détention préventive de ce jeune turc accusé d’avoir participé à des « manifestations violentes » au Caire.
Tu ne critiqueras point
La Turquie n’est pas la seule à subir le corroux de l’Egypte. D’autres diplomates ont été écartés après avoir critiqué le régime égyptien. Le Caire avait ainsi rappelé son ambassadeur en Tunisie le 28 septembre, après que le président Moncef Marzouki eut appelé à la libération de M. Morsi, détenu depuis sa destitution. L’ambassadeur Ayman Mousharafa est toutefois revenu en novembre à Tunis.
Les relations entre Washington et Le Caire ont également connu un passage à vide après le coup de force des militaires.
Après plusieurs atermoiements, Washington a décidé de geler partiellement sa substantielle aide annuelle à l’Egypte (1,5 milliard de dollars, dont 1,3 à l’armée). Depuis, l’Egypte affirme régulièrement vouloir diversifier ses « options » et a récemment reçu en grande pompe les ministres russes des Affaires étrangères et de la Défense pour discuter notamment contrats d’armement.
La rédaction avec AFP