Alors que les banques marocaines tentent de s’imposer comme des one-stop shops financiers offrant des services qui s’étendent sur toute le gamme, des banques d’investissement, aux établissements de prêts hypothécaires, la bancassurance joue un rôle clé dans leur stratégie.
Depuis que le gouvernement a ouvert la voie en février 2005 et permis aux établissements bancaires de vendre des produits d’assurance-vie, les filiales de bancassurance se sont multipliées au Maroc et représentent, selon les estimations, 50% des polices d’assurance-vie vendues, et entre 15 et 20% des primes d’assurance sur le marché.
Les banques se sont rapidement imposées sur le marché : le nombre d’agences par habitant est passé de 1 pour 8 700 en 2000, à 1 pour 6 700 aujourd’hui. La proportion des primes d’assurance distribuées par des établissements bancaires semble prête à croître davantage.
L’expansion des zones urbaines a incité les banques à ouvrir de nouvelles agences afin d’accroître leur part de marché dans le secteur des services bancaires aux particuliers dans le domaine de l’immobilier et du crédit à la consommation, notamment au sein des ménages à bas et moyen revenus. Une telle stratégie devrait aider le secteur de la bancassurance à s’imposer davantage sur le marché.
Les avantages sont en aucun doute multiples : les sociétés d’assurances tirent non seulement profit des réseaux importants de distribution des banques, mais également de leurs techniques de marketing permettant ainsi d’avoir accès a leurs importantes bases de données et ainsi de mieux cibler leur clientèle.
Les banques, de leur côté, tirent non seulement profit des cotisations des polices d’assurance, mais elles peuvent avoir également accès au capital et aux investissements placés sous le management des assureurs. Cette stratégie s’inscrit dans un climat où la tendance s’oriente vers une banque universelle – une notion qui semble définir la finance de détail au Maroc, aujourd’hui.
La plupart des institutions financières indépendantes se sont déjà imposées dans plusieurs segments de l’industrie, s’apparentant à une sorte de « supermarché financier », où les clients ont accès à un éventail de services, allant du courtage en assurance, en passant par le crédit à la consommation et aux prêts immobiliers. La majorité des banques détiennent des filiales crédit-bail : par exemple, la BMCE Bank et le Groupe Banque Populaire contrôlent respectivement Maghrebail et Chaabi Leasing.
Cependant, c’est dans la bancassurance que le succès de la banque universelle est le plus frappant, notamment depuis que les secteurs de la banque et de l’assurance, tout en tirant profit d’un nombre important d’acteurs, sont dominés par une poignée d’institutions clés. En effet, deux des plus grandes banques locales, Attijariwafa Bank et BMCE Bank, sont les actionnaires principaux des deux plus importantes compagnies d’assurance du pays. RMA-Watanya détient 30% des parts de BMCE Bank, qui à son tour détient au moins 5% des parts de la deuxième plus importante compagnie assurance du royaume, en terme de ventes. En 2008, RMA-Watanya a contribué à une hauteur de 1.5 millard de dirhams (133 millions d’euros) au chiffre d’affaires consolidé de BMCE Bank.
La compagnie d’assurances rivale, Wafa Assurance, qui a devancé RMA-Watanya en 2008 pour devenir la première compagnie d’assurances du pays en terme de ventes, est contrôlée à 79% par Attijariwafa Bank, la plus grande institution financière privée du royaume. Se faisant écho de la participation croisée entre BMCE Bank et RMA-Watanya, Wafa Assurance détient 21% des actions en circulation de sa société mère. En 2006, soit une année après l’institutionnalisation de la bancassurance, les primes d’assurance-vie à Wafa Assurance se sont accrues de 134%, augmentant le chiffre d’affaires général de 47%. La croissance dans ce secteur fut consolidée par une augmentation de 83% en 2007, et de 24% en 2008.
La bancassurance ne pouvant vendre que des produits d’assurance-vie, un certain nombre de banques ont tenté de contourner cette restriction, en créant leurs propres compagnies d’assurances où elles peuvent offrir d’autres produits à leur clientèle. Toutefois, alors qu’elle essayait de créer une compagnie en partant de zéro, une banque publique, la Banque Centrale Populaire, membre du Groupe Banques Populaires, a dû renoncer à ses ambitions, lorsque sa demande de license d’assurance a été rejetée en 2007, par la Direction des assurances et de la prévoyance sociale, l’organisme qui réglemente le secteur.
Suite au refus du gouvernement d’octroyer une license, la Banque Centrale Populaire a déclaré, le 22 novembre 2007, qu’elle prévoyait d’acheter la moitié des 87% de parts que la Société Générale Maroc détenait auprès de la Marocaine Vie pour un montant de 93.6 millions de dirhams (8.4 millions d’euros). Toutefois, en mai 2008, suite à un remaniement au niveau de la direction, cette banque, la troisième plus grande banque du royaume en terme de valeur marchande, a abandonné le plan d’acquisition.
La Société Générale Maroc, la filiale locale du groupe français Société générale, a retiré par la suite la Marocaine vie du marché boursier après avoir racheté les parts des actionnaires minoritaires, et versé des primes considérables de 80% par rapport aux prix du marché afin d’acquérir les 12% de parts de marché restantes. Les actifs gérés par la société d’assurances ont augmenté de 10% en 2008 et ont atteint les 3.8 milliards de dirhams (338 millions d’euros).
La libéralisation des autres branches de l’assurance, dont l’assurance sur les biens immobiliers et les risques divers qui représente plus de la moitié des recettes globales enregistrées par le secteur, est présentée comme un élément essentiel au développement de l’industrie. Les acteurs de l’assurance, quant à eux, continuent de plaider en faveur d’une plus grande offre de produits de bancassurance. Après l’entrée en vigueur de la loi d’habilitation initiale, la Banque Mondiale a recommandé un élargissement des activités de la bancassurance. Toutefois, les autorités ont décidé de conserver les restrictions afin de maintenir un équilibre entre les intermédiaires financiers et les banques.
L’essor dans le secteur de la bancassurance a stimulé une croissance à deux chiffres au cours des trois dernières années, mais l’industrie de l’assurance marocaine continue d’offrir des possibilités de croissance encourageantes dans la mesure où elle représente moins de 5% du produit intérieur brut.