Selon un récent rapport rédigé par le gouvernement, les Marocains payent leurs médicaments sensiblement plus cher que les autres. Afin de réduire le coût du traitement médical, il est recommandé dans ce rapport de constituer un nouvel organe gouvernemental dont le travail serait de rendre les médicaments abordables pour le grand public.
Le 3 novembre dernier, une commission parlementaire a publié un rapport intitulé « Mission d’information sur le prix du médicament au Maroc » dans lequel on déclarait que le prix des médicaments était « anormalement » élevé. En guise d’exemple, les auteurs ont montré que 11 des 14 médicaments les plus utilisés, y compris l’amoxicilline et la flucloxacilline, étaient en moyenne 30% plus chers qu’en France, malgré le pouvoir d’achat relativement faible des Marocains.
Selon le rapport, le coût des médicaments varie énormément : pour un même médicament, il peut y avoir une différence de prix allant jusqu’à 600% entre une marque et une autre. De plus, le prix d’un médicament de la même marque peut varier de 300% selon la région où il a été vendu et selon qu’il a été acheté dans un hôpital ou dans une pharmacie.
Par exemple, un flacon de docétaxel, utilisé pour les chimiothérapies, peut coûter jusqu’à 11 243 dirhams (984 euros) sur le marché marocain selon la marque, alors que la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale l’offre à 2 984 dirhams (261 euros); ce même médicament coûte 950 dirhams (81 euros) en Thaïlande. Il a également été constaté que les médecins avaient prescrit 50 fois plus la marque la plus chère du docétaxel que la marque la moins chère.
Selon le rapport, ce sont les « textes réglementaires dépassés et présentant plusieurs failles qui ont été exploités par l’industrie pharmaceutique » pour fixer des prix élevés. Afin de tenter de régler cette situation, il est recommandé dans le rapport de retirer l’exercice de la fixation des prix des médicaments de la juridiction du ministère de la Santé et de constituer un nouvel organe gouvernemental qui garantirait des prix bas. Cette organisation devrait être composée de représentants du ministère et du secteur privé, ainsi que du Conseil de la concurrence, un conseil gouvernemental dont l’objectif principal est d’améliorer les relations commerciales au Maroc.
Il a été rapporté dans la presse locale que le membre du Parlement, Reda Benkhaldoun, avait déclaré que l’approvisionnement en médicaments abordables était « de la plus grande importance, notamment pour les personnes n’ayant pas d’assurance maladie et qui ne peuvent pas se permettre les médicaments servant à soigner les maladies. » Les dépenses moyennes en matière de produits pharmaceutiques par personne sont passées de 21.60 euros, en 2006, au moment où le Maroc a instauré l’assurance maladie obligatoire (AMO), à 30.60 euros, en 2008.
« Même les Marocains qui ont la chance d’être couverts par l’AMO et par le régime d’assurance maladie du Régime d’assistance médicale (RAMED) risquent de ne plus pouvoir se payer les médicaments qu’on leur prescrit à moyen terme », a ajouté M. Benkhaldoun. En effet, étant donné que l’AMO, l’assurance maladie de base fournie par le gouvernement, ne rembourse actuellement qu’environ 67% des traitements des maladies graves chroniques, les citoyens doivent assumer un poids financier disproportionné par rapport à leurs revenus, surtout si l’on compare cette situation à celle d’autres pays.
Dans le cadre d’un programme de cinq ans lancé en 2008 dans le domaine de la santé, le montant des fonds consacrés aux remboursements devait presque doubler pour atteindre les 980 millions de dirhams (88.2 millions d’euros) en 2009, ce qui devrait permettre de réduire la contribution des ménages en matière de santé à 25%, par rapport aux 54% actuels. Ce plan vise également à rendre le RAMED, le régime d’assurance maladie étatique destiné à la population marocaine ayant les revenus les plus faibles, accessible à tous les citoyens dans le besoin d’ici 2012.
Si l’augmentation des fonds publics consacrés aux remboursements représente une partie de la solution, le gouvernement cherche également à réduire de façon globale le prix des médicaments. Selon le rapport, la Tunisie, un pays dont la consommation par habitant de médicaments est comparable à celle du Maroc, dispose d’un système centralisé d’approvisionnement qui fonctionne. En effet, dans la mesure où le gouvernement tunisien achète des médicaments en grande quantité, il a pu négocier de plus bas prix. Le prix de 14 médicaments très utilisés au Maroc était ainsi de 31% à 189% plus élevé que le prix pratiqué en Tunisie.
Une autre piste que le gouvernement devrait suivre est celle de la promotion des médicaments génériques, qui représentent actuellement 20% des recettes du marché pharmaceutique au Maroc. Seuls quelques génériques bénéficient de prix comparables à ceux pratiqués dans les pays voisins. Il est recommandé dans le rapport que le gouvernement suive l’exemple de la Nouvelle-Zélande et lance un appel d’offres pour les médicaments qu’il rembourserait, une méthode qui baisse à la fois le prix des génériques et des médicaments de marque. Actuellement, il est possible de se faire partiellement rembourser tous les médicaments et la loi interdit aux pharmaciens de remplacer un médicament prescrit par un autre.
De plus, selon le rapport, les compagnies pharmaceutiques ont diffusé des informations inexactes concernant l’efficacité des génériques. Ainsi, actuellement, de nombreux Marocains croient que les génériques sont moins efficaces que les médicaments de marque. Le nouvel organe étatique aura pour mission de combattre ces fausses croyances et d’encourager les médecins à ne pas prescrire des médicaments de marque onéreux lorsqu’ils peuvent être remplacés par des génériques équivalents.
Oxford Business Group