L’assassinat de Chokri Belaïd, figure de l’opposition tunisienne, est le signe que la Tunisie est encore tourmentée et vit encore sa transition démocratique. Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d’Etudes européennes de l’Université de Paris 8, explique que cet assassinat politique engendrera « un risque évident de turbulences fortes ».
« C’est un assassinat politique, un acte incompatible avec la démocratie », a expliqué Pascal Boniface, spécialiste des sciences politiques, dans une interview accordée au média Affaires-Stratégiques.info. Le meurtre du leader du front populaire pour des raisons politiques est le signe certain que la Tunisie est encore en proie à une instabilité sociale et politique.
« La révolution est un processus long ; la démocratie paisible et stable ne peut pas être instaurée en quelques mois. Le combat est encore long. Il sera fait de progrès et de retour en arrière, d’avancées et de reculs mais sur le moyen et long termes, les peuples n’abandonneront pas les libertés qu’ils ont acquises », analyse Pascal Boniface. Ce dernier estime qu’ « il ne faut pas être dans le déni de réalité – la situation est loin d’être stabilisée – ni dans l’alarmisme excessif par manque de recul. L’ordre islamiste ne règne pas, et nous ne sommes pas dans une situation de guerre civile.
« Les commanditaires de ce crime ont pour but d’établir un climat de terreur et de faire taire les opposants. Des affrontements violents ont suivi. Il y a un risque évident de turbulences fortes. Certains évoquent le risque de chaos ou de guerre civile. On ne peut bien sûr l’écarter totalement, ne serait-ce que pour rester vigilant », prévient alors Pascal Boniface. En effet depuis l’assassinat de Chokri Belaïd, les tensions ont atteint leur paroxysme en Tunisie. Quelque 200 personnes ont manifesté ce mercredi matin pour dénoncer le meurtre devant le ministère de l’Intérieur tunisien. Et la peur de débordements se fait sentir dans le pays.
Les islamistes extrémistes désignés coupables
Les islamistes extrémistes et le parti Ennahda ont été directement accusés d’avoir commandité ce meurtre par l’entourage de Chokri Belaïd. « J’emmerde tout le mouvement Ennahda et j’accuse Rached Ghannouchi, d’avoir fait assassiner mon frère », avait alors déclaré le frère de la victime.
« La piste évidente remonte bien sûr à des islamistes extrémistes dont Chokri Belaïd était la bête noire, reprend Pascal Boniface. Il faut surtout espérer que le gouvernement tunisien ne s’arrêtera pas à une condamnation de principe de ce meurtre et diligentera tous les moyens possibles pour en retrouver le plus rapidement possible l’auteur et les commanditaires. » Pour le moment, seul le Premier ministre islamiste, Hamadi Jebali, a dénoncé le meurtre, le qualifiant d’ « acte criminel » et d’ « acte de terrorisme ».