Les investissements de la Tunisie dans les technologies d’information et de communication (TIC) commencent à porter fruit. En effet, une multitude de rapports récents placent le secteur au rang des meilleurs de la région et vantent son potentiel en tant que destination de délocalisation. Bien que ce type de rapports ne puissent effectuer qu’une comparaison superficielle et reposent sur des facteurs subjectifs, l’attribution de ce rang par des sources aussi diverses que le Forum économique mondial (FEM), la Banque mondiale, AT Kearney et le Conseil des entreprises du Commonwealth, souligne les atouts de ce pays, parmi lesquels on compte la proximité des marchés clés, une population multilingue, des coûts réduits et un environnement commercial et de TIC de plus en plus compétitif. Ainsi, alors que les sociétés européennes cherchent à réduire leurs dépenses, la Tunisie pourrait de devenir un lieu de prédilection pour les nouveaux projets.
La Tunisie a profité de la multiplication des délocalisations effectuées par les sociétés européennes. En effet, bien que l’Asie du Sud-Est soit devenue une destination de délocalisation très recherchée, les sociétés européennes ont plutôt jeté un coup d’œil plus près de chez elles et ont délocalisé en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique de Nord. L’anglais n’étant pas une priorité absolue, l’emplacement de la Tunisie, qui se trouve dans la même zone horaire que l’Europe et à deux heures d’avion de nombreuses capitales européennes, a su attirer plusieurs entreprises. Les sociétés nord-américaines sont certes encore responsables d’environ 70% des dépenses à l’étranger, selon un rapport récent de la société américaine de conseils AT Kearney intitulé The Shifting Geography of Offshoring: The 2009 AT Kearney Global Services Location Index, mais les sociétés européennes rattrapent rapidement leur retard en la matière. Ainsi, plus la demande européenne augmente, plus le flux des échanges commerciaux vers l’Afrique du Nord s’intensifie.
Il est probable que l’ensemble de la région bénéficie de ce changement, mais la Tunisie est au-dessus du lot. En effet, dans son Global Information Technology Report de 2008-09, le FEM a classé la Tunisie première d’Afrique du Nord, et ce, pour la troisième année consécutive. Le pays apparaît au 38e rang sur un total de 134 et devance de loin ses compétiteurs les plus proches (la Jordanie qui se trouve au 44e rang et l’Egypte au 76e). Elle obtient de très bons résultats en matière de critères individuels, y compris ceux liés à l’environnement politique et économique, et au niveau d’utilisation des TIC.
On peut attribuer cette reconnaissance, en grande partie, à l’important soutien fourni par le gouvernement au secteur des TIC. En effet, en vue d’améliorer l’économie du savoir du pays, le gouvernement a, d’une part, consacré de l’argent aux programmes d’éducation et de formation et aux infrastructures de télécommunications et de technologies de l’information, et, d’autre part, pris des mesures incitatives en matière de législation pour encourager la délocalisation. D’ailleurs, dans le 11e plan de développement (2007-11), on demande un investissement de 1.91 milliard de dollars dans le secteur national des TIC, dont l’axe principal sera la formation et la création d’emplois. La population tunisienne est relativement peu nombreuse, mais elle est éduquée et polyglotte, et le gouvernement espère pouvoir tirer avantage de cet atout dans les années à venir; il vise en effet 10,000 emplois supplémentaires par année dans le domaine des TIC. Actuellement, 10% des étudiants à l’université poursuivent des études dans le domaine des TIC, ce qui est de bonne augure pour l’avenir de l’industrie.
Étant donné le ralentissement économique mondial, le coût compétitif de la main-d’œuvre tunisienne et l’infrastructure développée du pays sont de plus en plus attrayants. Ces avantages commerciaux ont été renforcés par un cadre législatif favorable qui a, entre autres, facilité la tâche à une série de zones industrielles dans le domaine des technologies de l’information. Elgazala, pôle de la technologie du pays, qui se trouve en périphérie de Tunis, est un exemple du succès de cette politique. Dans ce site inauguré en 1999 qui abrite plus de 80 sociétés, dont Ericsson, Alcatel-Lucent et Microsoft, la demande est si élevée qu’on ajoute 36 hectares au 65 déjà existants. Deux autres parcs, à Sousse et à Sfax, s’étendent également, ce qui fait 100,000 mètres carrés supplémentaires au total.
Le gouvernement s’efforce également de rendre la bureaucratie du pays plus efficace dans les agences de réglementation du secteur afin d’attirer de nouvelles sociétés. Ainsi, un guichet unique a été mis sur pied en 2008 pour simplifier les procédures administratives et juridiques, et faciliter les procédures douanières et d’importation des TIC. Ce processus renforce les activités de plusieurs organes de contrôle et permet aux sociétés d’effectuer la plupart des procédures en ligne. « Auparavant, les procédures douanières pouvaient prendre une semaine ou davantage. Cette méthode permet d’accélérer le processus. » a expliqué à OGB Jawher Ferjaoui, le directeur général du Secteur « économie numérique » du ministère des Technologies de communication.
Selon le FEM, le rang de la Tunisie en matière de préparation aux TIC est même plus élevé que celui de son rang général (le pays se trouve en 27e position plutôt qu’en 38e). Par ailleurs, en termes de priorités accordées aux TIC par le gouvernement, la Tunisie est arrivée 8e. L’Etat vise à élever la part des TIC dans le produit national brut (PIB) à 13.5% d’ici 2012, soit 3.5 points de pourcentage de plus que le niveau actuel. Cette expansion renforcera la position du secteur sur le marché de plus en plus compétitif des délocalisations.
Bien que la Tunisie ait de nombreux compétiteurs dans la région sur le marché européen, notamment le Maroc, la République a le potentiel de s’établir comme chef de file nord-africain dans le domaine des TIC grâce, en grande partie, aux efforts déployés par le gouvernement pour améliorer les cadres législatifs et réglementaires du secteur.
Oxford Business Groupe