Entretien avec Gilbert Achcar : « L’état des lieux dans le monde arabe est lamentable »

Redaction

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Entretien réalisé en début d’année, mais qui reste d’actualité. Les derniers évènements conflictuels entre l’Algérie et l’Égypte remettent à l’ordre du jour la question de l’état de régression dans le quel est plongé le monde arabe »

Gilbert Achcar, originaire du Liban, a d’abord enseigné les sciences politiques à l’université Paris-VIII avant d’être nommé professeur à la School Of Oriental and Africain Studies à l’université de Londres.

ahkar Il a publié plusieurs ouvrages dont les plus récents sont « La Poudrière du Moyen Orient »(Fayard 2007), un livre d’entretiens avec Noam Chomsky et  » Le choc des barbares »( Complexe Eds, 2004), un succès de librairie. Dans l’entretien qui suite, il analyse pour Algérie Focus, comment l’élection d’Obama peut changer la donne dans le monde y compris dans le monde arabe. A la fin, il revient sur la dérive monarchique observée dans les pays du Maghreb, notamment en Algérie

Comment est perçue la victoire d’Obama dans le monde arabe ?

Elle est pour l’instant perçue de manière très positive pratiquement dans le monde entier, à l’exception d’Israël, qui est le seul pays où, selon les sondages, il y avait une majorité de gens hostiles à Barack Obama.

Il est perçu positivement pour plusieurs raisons, d’une part, parce que l’administration Bush est complètement haïe dans la région car son bilan y est particulièrement tragique et désastreux et, d’autre part, il y a bien sûr le fait qu’il s’agit d’un noir américain, de père musulman. Ce sont des facteurs qui font que les populations de la région peuvent plus facilement s’identifier avec un Barack Obama, qu’avec un George Bush ou même un Bill Clinton. En plus il faut ajouter qu’il y a eu au Etats-Unis une campagne pour dénoncer Obama comme l’ami des Palestiniens, y compris comme ami personnel d’un professeur palestinien de New York, Rachid Khalidi. Tout cela le rend d’autant plus sympathique pour l’opinion arabe.

Pour revenir à Israël, Obama a déclaré pendant sa campagne qu’il sera intransigeant avec la sécurité d’Israël. Il a également déclaré qu’il maintiendrait, s’il est élu, la décision de Bush d’augmenter l’aide financière américaine à Israël, notamment pour l’achat d’armement. Cependant, il a souligné qu’il ne sera pas toujours d’accord avec les décisions que prendrait Israël. Quels seront à votre avis, les points de divergences qui risquent de séparer les deux parties ?

Je dois dire à ce propos, que contrairement à une image un peu trop simpliste, il est plutôt assez fréquent de voir des administrations américaines ne pas être d’accord avec le gouvernement israélien sur un certain nombre de mesures, notamment en ce qui concerne la colonisation en Cisjordanie. Ce n’est qu’avec l’administration Bush qu’on est arrivé véritablement à une situation où carte blanche est laissée à Israël, à un moment où en plus, le gouvernement israélien virait à la droite dure avec l’arrivée de Sharon au pouvoir, l’année même ou Bush s’est lui-même installé à Washington en 2001. Je crois qu’avec la nouvelle équipe qui va se mettre en place, cette période de laisser-faire quasi-total de la part des Américains vis-à-vis d’Israël va arriver à son terme. On va revenir à l’exercice d’un peu plus de pression de la part des Etats-Unis, en vertu de la conscience que le foyer de tension en Israël-Palestine est un facteur d’instabilité pour toute la région, qui pèse sur les intérêts américains dans cette partie du monde. Il faut donc s’attendre à un peu plus de fermeté, mais sans se faire trop d’illusions – comme vient de l’illustrer la nomination d’un inconditionnel d’Israël au poste de secrétaire général de la Maison Blanche, qui toutefois n’est pas un poste déterminant pour la politique étrangère. En tout cas, je ne pense pas que la nouvelle administration ira au-delà d’une politique qui, au mieux, se situerait entre, d’une part, les orientations de Bill Clinton à la fin de son dernier mandat sur la solution du conflit, et, d’autre part, ce qu’a pu faire l’administration de Bush Père, qui, dans les dernières décennies, est l’administration américaine qui a le plus exercée de pression sur Israël. On oublie souvent aussi qu’entre Bush père et Bush fils, la différence en politique étrangère est plus grande encore qu’entre Bush fils et Clinton.

Pendant sa campagne Obama n’a pas exclu la possibilité de discuter avec le Hamas et l’Iran. Est-ce qu’il tiendra sa promesse, et que peut-il apporter sur la question de la création d’un Etat Palestinien souverain ?

Pour le dire simplement, on va assister à un retour à ce qu’on appelle l’école réaliste en politique étrangère aux Etats-Unis. Les conseillers de Barack Obama appartiennent à cette tendance, leur gourou c’est Brezinski, l’ex-Conseiller à la Sécurité Nationale de Carter, qui a été aussi le gourou de l’administration Clinton. Là, on aura un retour aux affaires des réalistes, c’est-à-dire des gens qui ne s’embarrassent pas trop de principes idéologiques et qui pensent que toutes les options doivent être considérées, y compris le dialogue avec des forces qui, a priori, sont peu sympathiques pour les Etats-Unis. Cela s’applique au Hamas comme à l’Iran. C’est peut-être même plus facile pour le Hamas que pour l’Iran, car le Hamas entretient en même temps de bons rapports avec l’Arabie Saoudite – qui est le principal allié arabe de Washington, il ne faut pas l’oublier – tandis que l’Iran est perçu comme une menace, y compris pour les monarchies pétrolières du Golfe. Barack Obama a annoncé qu’il était prêt à négocier avec l’Iran, ce qui s’impose d’un point de vue réaliste, puisque les Etats-Unis sont embourbés en Irak et font face à une situation assez difficile. Pour s’en sortir avec le minimum de dégâts en sauvegardant leurs intérêts, il faut qu’ils discutent avec l’Iran ; autrement soit ils restent cloués là-bas, soit ils sortent d’Irak sans compromis avec l’Iran, ce qui poussera Téhéran à pousser ses pions dans le pays.

Est-ce que ce compromis peut s’élargir au point de permettre à l’Iran de se doter de l’arme nucléaire ?

Aux Etats-Unis, il y a deux scénarios discutés à ce niveau là. L’utilité du recours à des moyens militaires est très contestée : comme les Américains n’ont pas la possibilité d’envahir l’Iran purement et simplement, on le voit déjà avec les difficultés qu’ils rencontrent en Irak, sans parler de l’Afghanistan, ils ne pourraient se permettre que des frappes militaires. Non seulement celles-ci ne pourraient pas empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, mais peut-être risqueraient-elles d’accélérer les choses. Cette administration je crois, essayera, plutôt la solution nord-coréenne, c’est-à-dire d’offrir un paquet de compensations, de garanties et de conditions alléchantes, pour amener le gouvernement iranien à renoncer à l’arme nucléaire.

C’est une situation confortable du côté iranien, comme du côté nord-coréen, où la simple menace de se doter de l’arme nucléaire devient un instrument de chantage par lequel ils obtiennent toute une série d’avantages. L’alternative pour les Etats-Unis est plutôt réduite : les frappes militaires ne garantissent rien, et par ailleurs la riposte de l’Iran, y compris par l’intermédiaire de ses alliés à l’échelle régionale, pourrait créer une situation très compliquée pour les Américains dans la région.

Pensez-vous que le lobby Israélien aux Etats-Unis laisserait les coudées franches à Obama pour mener sa politique dans la région. Ne risque-t-il pas de subir des pressions pour le faire plier sur les dossiers stratégiques ?

Le lobby pro-israélien (l’AIPAC) n’a pas de politique autonome, il dépend de la politique qui se fait en Israël. L’administration de Barack Obama essaiera de trouver parmi les dirigeants israéliens des interlocuteurs avec lesquels elle peut s’entendre. On sait déjà par expérience, que l’électorat israélien est très sensible à ce qui se passe à Washington, c’est-à-dire que lorsqu’il y a aux Etats-Unis une administration qui pousse à la modération dans la politique israélienne, l’électorat en tient compte et inversement. Sous Bush, l’électorat israélien a gonflé les voiles des droites dure et extrême. Il faut voir maintenant comment la situation va évoluer en Israël, où il va aussi y avoir bientôt des élections. Il faut aussi tenir compte du fait que si en Israël il y a une majorité, selon les sondages, qui était plutôt favorable au vote McCain, la grande majorité des juifs américains a voté pour Obama – et c’est ce qui compte, en définitive, pour le parti démocrate. S’il y a un consensus majoritaire aux Etats-Unis, y compris parmi les juifs américains, pour une politique qui favorise un règlement pacifique, une solution de compromis, au conflit israélo-palestinien, je crois que le gouvernement israélien aura du mal à faire agir le lobby très énergiquement dans l’autre sens.

Obama était contre la guerre en Irak. Il avait promis que s’il est élu, il retirerait les troupes américaines installées en Irak pour se concentrer davantage sur l’Afghanistan. Justement, comment Obama pense-t-il gérer le dossier de la lutte contre le terrorisme?

Je crois d’abord que les surenchères d’Obama sur l’Afghanistan sont une façon de se dédouaner de l’accusation de faiblesse dans la « guerre contre le terrorisme » due à son attitude sur l’Irak, accusation qui est le grand argument de l’équipe Bush et des Républicains contre lui. Comme il était contre la guerre et s’était prononcé pour le retrait des troupes américaines d’Irak et pour ne pas être accusé de faiblesse face au terrorisme, il a voulu expliquer – en caressant aussi l’opinion américaine dans le sens du poil – que là où il faut mettre la pression, c’est l’Afghanistan d’où a surgi Al-Qaeda. L’idée, c’est qu’il faut punir les responsables du 11 septembre et qu’ils ne se trouvent pas en Irak, mais en Afghanistan – ce qui est une façon de retourner le blâme contre l’équipe Bush. Dans l’opinion américaine, autant il y a maintenant une majorité contre la poursuite de la guerre en Irak, autant l’idée de punir Ben Laden reste populaire, vu l’ampleur du crime du 11 septembre.

Je crois cependant que, même sur l’Afghanistan, Obama n’a pas énormément d’options, car même en augmentant les troupes, cela ne va pas résoudre le problème. Je crois qu’il va surtout essayer de pousser le Pakistan à en faire plus, mais cela avec plus de tact que l’administration Bush, qui était vraiment comme un éléphant dans un magasin de porcelaine dans le domaine des relations internationales.

L’administration Bush laisse dans son sillage une image catastrophique de l’Amérique dans l’opinion publique mondiale, une Amérique perçue désormais comme une menace pour la stabilité. Comment Obama parviendra-t-il à redorer le blason de son pays dans le monde arabe ?

Pour l’instant, il bénéficie dans le monde arabe, comme aux Etats-Unis même, et dans le reste du monde, d’une sorte de période de grâce. Je crois que les gens vont déchanter assez rapidement, déjà en voyant la composition de ses équipes. On va voir qui il va désigner comme secrétaire d’Etat, comme conseiller à la sécurité nationale, comme secrétaire à la défense – il faut voir comment tout cela va se dessiner.

La mauvaise image des Etats-Unis dans le monde arabe, c’est d’une part le dossier palestinien qui en est responsable, vu que les Américains sont perçus, à juste titre, comme complètement partisans d’Israël.

Évidement, il y a aussi la question de l’Irak. Obama va probablement négocier avec l’Irak un retrait du gros des troupes dans le cadre d’un accord avec le gouvernement irakien, obtenu en offrant des conditions qui peuvent rendre la chose plus acceptable. L’administration Bush essaie d’imposer au gouvernement irakien – sans grand succès jusqu’à maintenant – un accord sur le statut des forces en Irak. Aujourd’hui, avec l’élection d’Obama, soit l’administration Bush fait miroiter le fait que, sans cet accord, les troupes risquent d’être retirées ; soit – ce qui est plus probable – le gouvernement irakien va prendre langue immédiatement avec la nouvelle équipe, sonder ce qu’elle veut faire et s’acheminer vers un accord avec elle sur un retrait par étapes des troupes américaines. La question qui restera posée sera quel type de retrait – total ou partiel ? Avec ou sans maintien de bases américaines dans le pays, et au cas où des bases sont maintenues, à quelles conditions ? Je crois que c’est une question qui reste ouverte et cela dépend surtout de ce que les Américains peuvent obtenir comme garanties pour leurs intérêts, en compensation de ce que leur a coûté cette guerre. S’ils sortaient d’Irak complètement bredouilles, cela serait assez désastreux.

A propos des intérêts des américains dans la région, certains observateurs avancent qu’il s’agit en fait de la volonté d’avoir une mainmise américaine sur le pétrole irakien?

Une mainmise non, mais ce que les Américains – en tout cas l’administration Bush – voulaient c’est de faire voter une loi qui permette la privatisation de facto de l’exploitation du pétrole en Irak. Je crois qu’ils auront du mal faire passer cette loi, mais d’autres types d’accords peuvent-être négociés. Le changement d’équipe sera probablement pour le gouvernement irakien l’occasion de faire passer des choses que l’opinion publique irakienne aurait rejeté massivement avec l’administration Bush. Les dirigeants irakiens pourront faire passer le message que la nouvelle administration tient plus compte des intérêts de leur peuple. Ils peuvent faire valoir que le nouveau président était contre la guerre et l’occupation, et n’a donc pas de mauvaises intentions à l’endroit de l’Irak, et que l’intérêt de l’Irak c’est donc d’établir des liens solides avec les Etats-Unis qui sont maintenant un pays ami. On peut voir se développer ce discours, surtout si l’environnement arabe pousse dans ce sens, notamment les Saoudiens, les Egyptiens, etc. Il pourrait ainsi y avoir une tentative d’élaborer une voie de sortie par laquelle les Américains maintiendraient un certain nombre d’intérêts et ne perdraient pas tout et surtout pas la face.

Une question inhérente cette fois à la situation politique propre à certain pays arabes. Aujourd’hui, en Algérie par exemple, le président Bouteflika cherche à modifier la Constitution pour s’ouvrir la voie pour un troisième mandat. D’aucuns parlent d’une dérive monarchique, que l’on remarque déjà en Tunisie, en Lybie, en Egypte et dans certains pays d’Afrique sub-saharienne. Quelle est votre analyse de cette situation ?

L’état des lieux dans le monde arabe est lamentable : cette tendance des dirigeants des gouvernements prétendument républicains à se transformer en présidents à vie et ensuite à se faire succéder par leur progéniture est maintenant caractéristique de l’ensemble de la région de manière frappante. Cela rejoint ce que j’ai appelé il y a longtemps « l’exception despotique arabe », c’est-à-dire que cette région fait contraste avec le reste de la planète en restant complètement dominée par des régimes despotiques, avec une marge de démocratisation extrêmement réduite. Il y a, à tout cela, des raisons internes dans la structure des sociétés, aggravées par le facteur pétrole, très important. La plupart des Etats arabes sont des Etats rentiers et les Etats rentiers, notamment ceux qui disposent de la rente pétrolière, ne se sentent pas tributaires du soutien de la population, ils ne sont pas responsables devant leur population, car ils ne dépendent pas économiquement d’elle mais des revenus pétroliers ou d’autres formes de rente comme l’aide américaine à l’Egypte. Il y a aussi le fait que, lors de ce qu’on a appelée la troisième vague de démocratisation à partir des années 80, où la pression a été mise à l’échelle mondiale sur un certain nombre de régions (l’Amérique Latine, l’Europe de l’Est etc.), cette partie du monde a été l’exception, à cause du pétrole. Même en remontant aux débuts de la pénétration occidentale dans la région, on constate que le colonialisme britannique qui a reproduit ses institutions dans tous les pays qu’il a colonisés ne l’a pas fait dans les monarchies pétrolières arabes où, au contraire, il a voulu maintenir la société dans l’état le plus archaïque possible afin d’exploiter plus confortablement le pétrole du pays. Le despotisme arabe crée un cercle vicieux : ces sociétés despotiques et profondément injustes, engendrent des oppositions radicales, qui ont pris la forme de l’intégrisme islamique dans cette partie du monde et qui font que les gouvernements occidentaux sont encore moins enclins à pousser à la démocratisation parce que l’alternative aux régimes despotiques, qui leur sont alliés, ce sont des régimes intégristes islamiques qui leur sont hostiles.

Si je comprends bien, vous parlez d’une sorte de dialectique qui existerait entre ces gouvernements despotiques et les groupes terroristes ?

En laissant de côté toute théorie de la manipulation des groupes extrémistes par les gouvernements, il est clair qu’il existe une dialectique entre les deux. Prenez le cas de Benali en Tunisie : voila une dictature policière avec des scores électoraux absolument ridicules (en comparaison, l’Algérie apparaît comme très démocratique), et pourtant le régime est cajolé par l’Europe, France en tête, avec l’argument que l’alternative c’est la guerre civile à l’algérienne ou, pis encore, les intégristes au pouvoir. Ce sont des politiques à courte vue, car c’est précisément le maintien de ce type de despotisme qui engendre constamment la radicalisation des oppositions. Les démocrates de la région sont pris entre deux feux.

Cela veut dire, qu’il y a une volonté de la part de l’Occident de maintenir cette situation politique dans ces pays ?

Absolument, la meilleure illustration de cela est le fait que le principal allié des Etats-Unis dans la région, l’Etat que l’ensemble des pays occidentaux courtisent, est le Royaume saoudien qui est l’Etat le plus antidémocratique, le plus anti-femmes et le plus obscurantiste de la planète.

L’élection d’Obama donne beaucoup d’espoir aux populations de ces pays qui aspirent à la démocratie. Que peut-il faire afin de promouvoir la démocratie dans le monde arabe ?

Je ne crois pas que les gens veulent d’une démocratie importée : ils ont vu ce que cela a donné avec l’administration Bush.

Il ne s’agit pas de la démocratie imposée par les bombes version Bush, mais plutôt d’un soutien que Barack Obama pourrait apporter aux forces démocratiques qui existent déjà dans ces pays ?

Je crois que, de ce point de vue la, il y a plutôt un soulagement du côté des régimes arabes avec la fin de l’équipe Bush qui a brandi ce drapeau là. C’est vrai qu’en Irak, cela s’est traduit par les bombes et la conquête, mais il y a eu aussi des pressions exercées sur l’Egypte, sur le Royaume saoudien et sur d’autres pays de la région, pour au moins l’application de mesures cosmétiques de démocratisation, afin que l’administration Bush puisse dire : « Nous sommes conséquents dans notre volonté de promouvoir la démocratie ». Comme je l’ai déjà dit, il va y avoir retour d’une équipe plus traditionnellement réaliste, qui va plutôt dire « N’ouvrons pas la boite de Pandore dans ces pays-là tant que nous n’avons pas d’alternative démocratique fiable ; arrêtons de nous faire des illusions et de créer des situations compliquées ». De ce point de vue, tout démocrate dans le monde arabe qui compte sur les Etats-Unis ou les pays occidentaux pour l’aider risque d’avoir des désillusions très amères. En revanche, ce qui est intéressant, c’est l’impact indirect de l’élection d’Obama. Quand le monde entier voit – et pas seulement dans le monde arabe, mais même en Europe – que dans ce pays, qui est de très loin la première puissance mondiale, un noir de père immigré est élu Président de la République, il y a là quand même un exemple formidable ! C’est le côté positif de cette démocratie qui reste, avec ses limites (le rôle de l’argent, etc., on sait tout cela), plus avancée que les autres démocraties occidentales sous plusieurs rapports. Ce qu’on a vu aux Etats-Unis, même en Europe on a du mal à l’imaginer, et cela frappe les imaginations. Cette idée forte de la démocratie gagne du terrain. En outre, les sondages l’ont montré depuis longtemps : l’attachement à la démocratie comme valeur est plus fort dans l’opinion arabe que dans le reste du monde. On chérit le plus ce dont on manque le plus.

Interview réalisée par Fayçal Anseur

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