Un nouveau cas de maltraitance d’un travailleur immigré, violenté par son employeur saoudien, fait grand bruit. Les Saoudiens vont-ils rester longtemps au-dessus des lois ?
Les images ont fait le tour des chaînes de télévisions arabophones. Sur une vidéo de 1’36, on voit un homme d’origine asiatique, dont il est difficile de déterminer avec certitude la nationalité, recevoir une rafle de gifles, administrées par un homme, hors-champ. Ce dernier est en colère car il accuse l’homme d’origine asiatique d’utiliser un téléphone portable pour appeler sa femme. Quand il lui demande comment il a obtenu le numéro de sa femme, l’immigré lui répond qu’il a trouvé un téléphone usagé dans une poubelle. Après avoir reçu plusieurs coups au visage, l’homme se lève. Il est alors passé à tabac : coup de poings, coups de pieds, il est même fouetté. Le lieu, la date et les circonstances exactes de ces scènes de violences ne sont pas connues. On ne sait pas grand-chose non plus sur les deux hommes qui apparaissent à l’écran. « Je ne peux pas confirmer à 100% la nationalité de la victime mais quand il s’exprime en arabe je pense reconnaître un accent bengali. Sa chemise orange est l’uniforme que portent tous les nettoyeurs municipaux en Arabie saoudite. Il est donc probablement employé par une ville à cet effet », suppose Mohammad Alsaeed, un observateur de France 24 qui vit à Jeddah, sur la côte ouest de l’Arabie saoudite.
http://www.youtube.com/watch?v=AOSHoSHBRuI
Pour une fois, un cas de barbarie sur un travailleur immigré ne laisse pas impassible le royaume saoudien. La vidéo est d’une telle violence que les autorités du pays chargées des Droits de l’Homme dans le royaume, généralement très discrètes, se sont saisies du dossier. Selon le site d’Al Arabiya, une chaîne de télévision qui appartient à un émir de la famille saoudienne, la vidéo a été visionnée par la Commission des droits de l’Homme d’Arabie saoudite. La société nationale des Droits de l’Homme d’Arabie Saoudite a annoncé mardi 29 octobre qu’elle allait ouvrir une enquête sur les sévices subis par ce travailleur d’origine asiatique.
Mais quelle crédibilité accordée à cette institution ? On peut légitimement douter de l’impartialité et de l’objectivité de l’enquête menée par un office rattaché directement à l’exécutif saoudien. D’ailleurs l’Arabie saoudite s’est retrouvée sous le feu des critiques le 21 octobre dernier au Conseil des Droits de l’homme de l’ONU où plusieurs pays, dont son allié américain, ont ouvertement accusé le royaume d’emprisonnements arbitraires et de bafouer les droits des femmes saoudiennes et des travailleurs étrangers. « De nombreux pays ont des bilans problématiques mais l’Arabie Saoudite se distingue par son niveau de répression extrêmement élevé et son incapacité à respecter les engagements pris devant le Conseil des droits de l’homme », a dénoncé dans un communiqué le directeur de la zone Moyen-Orient à Human Rights Watch, Joe Stork.
Cette vidéo montre une nouvelle fois que le système légal qui régit le droit des immigrés en Arabie Saoudite est à l’origine des situations de maltraitance et d’exploitation des travailleurs immigrés. Pour être employé dans le royaume, un travailleur étranger doit être « sponsorisé » par un homme saoudien. Il est en quelque sorte son « tuteur ». Les migrants sont dans l’obligation, selon la loi saoudienne, d’obtenir une autorisation de leur tuteur pour le moindre déplacement. Autant dire que la liberté de circulation n’existe pas pour les travailleurs étrangers en Arabie Saoudite. Ce système de sponsoring nourrit donc un sentiment d’impunité chez les « tuteurs » saoudiens. Un sentiment qui n’est pas prêt de disparaître, au grand damne des travailleurs étrangers.